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Un conflit entre un élève et sa professeure d’histoire a failli tourner au drame. L’élève s’est poignardé sous les yeux de la directrice et de ses camarades, quelques minutes après son renvoi définitif.
« M’empêcher d’étudier, c’est me tuer ! », assure Cyriaque Kwizera, alité, après avoir tenté de se suicider au couteau, ce mardi 17 novembre, dans la cour du Lycée Municipal de Bwiza. Son acte était prémédité car, confie-t-il, il subissait des harcèlements de la part de sa professeure d’histoire, depuis un certain temps. La décision de la directrice du lycée de le renvoyer définitivement de l’école fut la goutte d’eau de trop.

Tout remonte au jour où la professeure d’histoire est revenue après deux semaines d’absence. Elle a demandé à ses élèves de résumer ce qu’ils ont appris durant cette période. Au hasard, elle a d’abord désigné deux élèves. Aucun des deux n’a pu répondre. Ensuite, ce fut le tour de Cyriaque. Ce dernier indique avoir essayé d’y répondre : « J’avais retenu en général tout ce qu’un stagiaire nous a donné comme explication sur la révolution américaine. Je trouve que j’y ai répondu ». Mais l’enseignante n’a pas été satisfaite et lui a demandé de rejoindre ses deux camarades de classe mis dehors. Révolté, il a voulu savoir pourquoi ils sont punis. Et elle l’a de nouveau prié de sortir de « sa classe. »

« La directrice ne m’a même pas écouté ! »

Sur le coup, elle a décidé de donner une interrogation surprise. « Trop c’est trop ! », pensa-t-il. Il décida alors de retourner en classe pour demander à l’enseignante d’aller voir ensemble la directrice. « J’étais prêt à m’agenouiller et lui demander pardon. Je voulais en finir une fois pour toute. » Sa professeure d’histoire lui a intimé l’ordre de sortir et a clairement exprimé sa volonté de ne plus le revoir. Le jour même, Cyriaque a acheté un couteau : « Je pressentais que la situation s’était aggravée. » C’était le jeudi 13 novembre.

Mardi dernier, avant d’entrer en classe, la directrice évoque le cas de trois élèves qui vont être renvoyés. Cyriaque, définitivement, les deux autres pour deux semaines. Le premier réflexe de Cyriaque fut de rédiger une lettre à la directrice pour lui expliquer le déroulement des faits. « Elle ne m’a même pas écouté. Elle a demandé à un des policiers qui assurent la sécurité de l’école de me mettre hors de sa vue. » A cet instant, sa seule pensée était la mort. « C’était la seule issue de sortie de ce cauchemar. Je ne voulais pas causer d’ennui à ma famille adoptive. Plutôt mourir que de les décevoir ! » Il signale avoir indique qu’il leur avait laissé une lettre à leur attention pour demander pardon pour son geste.

Jacqueline Ndimurukundo, directrice du Lycée municipal de Bwiza, fait savoir que Cyriaque a été puni uniquement pour avoir séquestré sa professeure d’histoire : « Il a empêché l’enseignante de sortir, c’est une faute grave ». Et d’ajouter que ce n’était pas la première fois que l’élève faisait des écarts de comportement : « Un jour, il a failli frapper un professeur de chimie. »
Cyriaque Kwizera, un élève assidu et brillant

Natif de la commune de Bugendana, Cyriaque Kwizera, 19 ans, est issu d’une famille d’agriculteurs. Pour financer ses études, il part à la recherche d’un travail de domestique, il y a trois ans. Il atterri dans une famille habitant au quartier Jabe. « Quand je lui ai demandé de me donner sa carte d’identité, il m’a donné son bulletin et j’ai remarqué qu’il avait de bonnes notes », indique celle qui est devenue sa mère adoptive. Touchée par tant de misère et de volonté de l’adolescent de s’en sortir, la famille l’adopte. Depuis lors, Cyriaque est un élève brillant et assidu, toujours premièr de classe. De nature réservé, il déteste toute forme d’injustice.

Sa famille va porter plainte pour non assistance à personne en danger

La mère adoptive de Cyriaque accuse la directrice d’avoir fait montre d’une froideur indigne d’une éducatrice : « Comment peut-on rester de marbre alors qu’un enfant t’avertit de ses intentions de mettre fin à ses jours. Au lieu de s’en inquiéter et d’en parler avec ses parents, tu l’envoies balader ! » Elle souligne, en outre, que quand Cyriaque s’est poignardé, elle ne l’a pas conduit à l’hôpital. « Un élève et un professeur, qui l’ont empêché de continuer de se poignarder, l’ont conduit aux urgences.» La mère adoptive déclare vouloir porter plainte contre la direction pour non assistance à personne en danger.

« La direction n’a pas su gérer cette affaire »

Le pédagogue Joseph Ndayisaba regrette la manière dont la direction du lycée a géré cette affaire aussi délicate que grave : « Il fallait entendre les deux parties au lieu de punir le jeune homme sans qu’il puisse donner sa version des faits. » Pour lui, la direction aurait dû faire des enquêtes avant de prendre une décision hypothéquant l’avenir de cet élève. Il déplore « une certaine solidarité négative » souvent constatée entre éducateurs au détriment des enfants. Il propose que Cyriaque ou sa professeur d’histoire quitte l’établissement pour atténuer les tensions liées à cette affaire.