Partage

L’Association des veuves et orphelins pour la défense de leurs droits (Avod), a organisé les cérémonies de commémoration du 21e anniversaire de l’assassinat du premier président démocratiquement élu et certains de ses compagnons de lutte. « Vous êtes à l’honneur, vous qui avez été orphelins du fait d’actes ignobles d’étouffement de notre jeune démocratie » affirme, Willy Nyamitwe, le soir du lundi 20 octobre dans les cérémonies organisées à Bujumbura.

Willy Nyamitwe, orphelin de 1972 membre de l’Avod, a rendu un hommage d’éloge aux veuves parmi lesquelles sa mère. Il indique que ces veuves ont été dépossédées de tout ce qui leur était cher jusqu’à manquer de quoi manger et où dormir. Mais, malgré le cauchemar vécu, ces braves mères ont été animées d’un courage exceptionnel pour cheminer leurs enfants sur le sentier de l’honneur et de la réussite.

Il souligne comme première réussite, le grand rassemblement pour accomplir, ensemble, le devoir de mémoire, 21 ans plus tard. Compatissant avec les orphelins de 1993, M. Nyamitwe a précisé que leurs cœurs, à l’unisson, ont battu la chamade, en souvenir des affres du passé, de l’adversité et de leur survie truffée d’embuches.

M. Nyamitwe estime qu’aujourd’hui les orphelins et leurs mamans n’ont pas honte de pleurer et de larmoyer publiquement. « Nous nous sommes déchargés », affirme-t-il. Ces larmes que vous avez vu couler charrient avec elles le témoignage de notre détermination à bâtir une nation exempte d’actes cruels comme ceux que nous avons vécus et supportés », a-t-il rassuré.

Le parcours d’un orphelin

Pour Lydia Douce Ininahazwe, fille de feu Englebert Sentamo Gouverneur de la province de Karusi, assassiné le 22 octobre 1993 avec deux de ses grands frères, la date du 21 octobre 1993 est une date d’une apocalypse, à ne jamais graver dans la mémoire des orphelins.

Elle affirme dans son témoignage que juste après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, et certains de ses collaborateurs, la cloche du calvaire sonna pour leurs pères, leurs mères, leurs frères, leurs sœurs et notre patrie.
Elle raconte le scénario qu’ils ont vécu. « Les escadrons de la mort, souvent des militaires des Forces armées burundaises, entrèrent dans nos maisons devant nos yeux d’enfants médusés ; nos mères tentèrent de nous cacher et de nous protéger mais, des minutes et des heures après, nous étions désormais veufs, veuves et orphelins»

Elle a poursuivi son récit en affirmant que les leurs ont été mutilés, jetés dans des fosses communes, et que certains corps n’ont jamais été retrouvés comme pour une multitude d’autres Burundais qui ont connu le même sort.
Pour Yvan Lionel Kimamara, fils de feu Pontien Karibwami, aujourd’hui âgé de 25 ans, c’est avec remord et désarroi de rencontrer les présumés bourreaux des pionniers de la démocratie. Il se demande à quand la justice pour ces héros brutalement assassinés par la dictature qui avait, pendant près de 30 ans, kidnappé la liberté de tout un peuple. Il fustige également le fait que les gouvernements qui se sont succédé ont laissé les orphelins de ces illustres disparus à leur sort.

Ils ont marché sur les sentiers de la peur et de l’exil

Parlant du répertoire des souffrances qui ont accompagné leur vie d’orphelins, M Lydia Douce Ininahazwe indique qu’ils ont pendant très longtemps marché sur les sentiers de la peur et de l’exil.

Elle précise en effet qu’après la mort des leurs pères, les bourreaux voulaient souvent la peau de leurs femmes et progénitures. « Ciblés par la haine et la mort dans notre pays, chassés de nos maisons ou plutôt de nos confortables nids d’enfants, nos mères ont, dans leur désarroi, marché vers l’inconnu », affirme Mlle Ininahazwe, les larmes aux yeux. « Nous avons été au Congo, en Tanzanie, au Rwanda et partout ailleurs où nos petites vies pouvaient être préservées. Là-bas, nous sommes devenus réfugiés ; nous avons souvent attendu les moments de bonheur et parfois nous avons rêvé du retour de nos papas partis, nos héros omnipotents qui viendront mettre fin à nos souffrances », a-t-elle témoigné.

L’ex-président Sylvestre Ntibantunganya, a rejoint dans son propos, l’affirmation de Willy Nyamitwe estimant que le Burundi est un orphelinat à grande échelle. « Vous représentez un échantillon d’autant d’orphelins et de veuves», a –t-il précisé. Ceux qui ont tué ces grands hommes qui, dans le courage avaient voulu corriger un système, sont des amis de l’ombre, du silence et vivent dans la peur des gens et vous, vous avez gagné », a-t-il indiqué.

Les cérémonies ont vu la participation du vice président du parti Frodebu, des diplomates et d’autres hauts cadres de l’Etat. Les organisateurs ont vivement remercié ceux qui ont contribué pour la réussite de cette activité.

Charles Makoto, 22 octobre 2014 , http://www.ppbdi.com