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Seulement deux jours ont suffit pour que le monde entier comprenne le message du continent africain au régime ivoirien: boycotter à l’unanimité la cérémonie de prestation de serment d’Alassane Ouattara qui s’est déroulée le mardi 3 novembre 2015 au palais présidentiel d’Abidjan-Plateau.
Le jeudi 5 novembre 2015, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine ont accouru à Dar es Salam capitale de la Tanzanie où s’est déroulée, une autre cérémonie du même ordre protocolaire, à savoir la prestation de serment de John Magufuli, 55 ans le candidat du parti au pouvoir, le CCM vainqueur de l’élection présidentielle. C’est lui, John Magufuli qui a été investi pour succéder à Jakaya Kikwete qui se retire de la scène après deux mandats présidentiels. Le nouveau président tout juste élu John Magufuli a gagné les élections avec 58 % des voix contre 40 % pour son principal adversaire Edward Lowassa.
C’est ce bel exemple que les dirigeants africains ont tenu à saluer en effectuant nombreux le déplacement de Dar es Salam le jeudi 5 novembre 2045, soit deux jours après le boycott de la comédie d’Abidjan. Plusieurs chefs d’État africains ont en effet, assisté à Dar es Salam, à la prestation de serment du nouveau président. Outre Robert Mugabe, président du Zimbabwe et président en exercice de l’Union africaine, sept chefs d’Etat africains étaient présents parmi lesquels ont comptait Uhuru Kenyatta (Kenya), Yoweri Museveni (Ouganda), Paul Kagamé (Rwanda), Joseph Kabila (RDC) et Jacob Zuma (Afrique du Sud).
Environ 23 millions de Tanzaniens étaient aux urnes le dimanche 1er novembre pour élire leurs députés et leur président pour la succession de Jakaya Kikwete. La journée de jeudi a été déclarée fériée pour permettre aux Tanzaniens de suivre la prestation de serment de John Magufuli. Candidat du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM) au pouvoir, John Magufuli a obtenu 58,46% des voix. Les élections sont une pratique régulière en Tanzanie depuis son indépendance politique en 1961. En 1985, Julius Nyerere premier président du pays s’était retiré volontairement de la politique après 24 ans de pouvoir. L’avènement de John Magufuli avec 58,46% des voix est considéré sur le continent comme le signe de la vitalité de la démocratie à encourager.
prestation de serment du nouveau président élu le Dr John Pombe Joseph Magufuli Quand les chefs dEtat de lUA boudent Ouattara mais honorent le tanzanien John Magufuli
La présence massive des chef d’Etat africains à prestation de serment du nouveau président élu le Dr John Pombe Joseph Magufuli
Cet intérêt des chefs d’État africains membres de l’Union africaine (Ua) à soutenir la démocratie tanzanienne survient deux après le boycott de la cérémonie du même ordre protocolaire – prestation de serment d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire – par la quasi-totalité des dirigeants du continent. Y compris les organisations sous régionales. N’ont effectué le déplacement d’Abidjan que deux chefs d’État, à savoir Macky Sall du Sénégal et Yayi Boni du Bénin qui n’y étaient pas d’ailleurs à titre personnel. Tous les deux n’y étaient pas non plus au nom de leurs pays respectifs. Le Sénégalais Macky Sall représentait la Cedeao dont il est le président en exercice, quant au Béninois Boni Yayi il est le président de la Commission de l’Uemoa et c’est à ce titre qu’il était lui aussi à Abidjan pour la prestation de serment de Ouattara.
Quant aux autres chefs d’État du continent, ils ont tout simplement brillé par leur absence. A commencer par les voisins de la Côte d’Ivoire : Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, Alpha Condé de Guinée, qui vient de rempiler pour un second mandat, Muhammadu Buhari du Nigeria, Ellen Johnson Sirleaf du Liberia, et Michel Kafando du Burkina Faso. Tous ont boudé l’Ivoirien Alassane Ouattara. De même que Faure Essossima Eyadema du Togo, Jorge Carlos Fonseca du Cap Vert, Ernest Baï Koroma de Sierra Leone, José Mario Vaz de Guinée-Bissau, Yahya Jammeh de Gambie, etc.
Tous ces présidents dont les pays sont membres des organismes sous régionaux – Cedeao, Uemoa, Union du fleuve Mano, Conseil de l’Entente, Cen-Sad -, n’ont trouvé aucun intérêt à être présents à la cérémonie de prestation de serment de leur homologue ivoirien. Même l’Afrique centrale où l’on croirait que M. Ouattara pouvait compter sur de solides amitiés a fait défection. Ali Bongo Ondimba du Gabon, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de Guinée équatoriale, Denis Sassou N’Guesso du Congo Brazzaville qui avait prêté 100 milliards au régime ivoirien, toutes ces personnalités ont eu mieux à faire que de répondre à l’invitation d’un Alassane Ouattara chantre du rattrapage ethnique au pouvoir que le monde fuit comme la peste. L’Union africaine, la plus grande institution politique du continent n’a pas même daigné accorder sa caution à Alassane Ouattara. L’Ua ne s’est fait représenter au plus haut niveau, ni par le président en exercice Robert Mugabe le président du Zimbabwe, ni par la présidente de la Commission, la Sud-Africaine Mme Nkosazana Dlamini-Zuma. Cette désertion des dirigeants africains, homologues de l’Ivoirien contraste avec ce qui s’est passé lors de la prestation de serment ouvrant le premier mandat d’Alassane Ouattara. En 2011, plus de 20 chefs d’État et de gouvernement étaient présents à Abidjan à l’investiture d’Alassane Ouattara. A côté de cette noria de chefs d’État, des présidents d’institutions comme la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque Mondiale (BM) avaient accouru sur les bords de la lagune Ebrié pour soutenir Alassane Ouattara.
En 2015 c’est un tout autre décor. Le message est tout simple. C’est ce qu’on appelle ne pas se discréditer. En boycottant le mardi 3 novembre 2015, la cérémonie de prestation de serment d’Alassane Ouattara, c’est comme si tout le continent africain entendait donner une réponse claire à Alassane Ouattara. Pour lui dire que malgré tout le soutien dont il a pu disposer par le passé de la part de la Communauté internationale, rien ne peut altérer le devoir de solidarité de l’Afrique envers le peuple martyr de Côte d’Ivoire. La preuve a été faite par le boycott de cette mise en scène grotesque baptisée ”cérémonie de prestation de serment” qui n’était en fait que la célébration du pion de l’étranger au moment tout le continent veut se serrer les coudes pour s’affranchir des puissances oppressantes de l’occident.
Sortir d’une élection avec un taux de 83,66% de suffrages exprimés comme l’a fait Alassane Ouattara, n’était rien d’autre qu’une injure à l’intelligence. Car, toute l’Afrique qui suivait cette élection présidentielle ivoirienne de 2015 attendait de savoir le poids réel des leaders politiques de ce pays. Ces dirigeants avaient en tête de solder définitivement le contentieux électoral de 2010 entre Laurent Gbagbo qui revendiquait la victoire finale parce que désigné président élu par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara qui fort du soutien de la Communauté internationale avait déclaré l’option militaire qui s’était finalement soldée par plusieurs milliers de morts. Crise à l’issue de laquelle Laurent Gbagbo le vrai vainqueur a été arrêté le 11 avril 2011 et déporté le 30 novembre à la prison de la Cour pénale internationale (Cpi) d’où il attend toujours son procès. L’ancien dirigeant ivoirien est maintenu en détention en dépit de l’absence de preuves. Ce qui avait exacerbé le ras-le-bol des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (Ua) qui avaient taxée la Cpi de « justice raciale ». Mais alors que cette affaire n’a pas encore connu son aboutissement que la même Cpi continue de réclamer d’autres fils du continent, tels Uhuru Kenyatta du Kenya, Omar El Béchir du Soudan. Ce dernier avait même été l’objet d’une tentative d’arrestation de la part de la Cpi alors qu’il participait en Afrique du Sud à une rencontre de l’Union africaine. Le bras de fer se poursuit entre les dirigeants africains et les occidentaux. Et vu sous cet angle le boycott de la cérémonie de prestation de serment d’Alassane Ouattara, étiqueté candidat de l’étranger en est le prolongement.
Par Simplice Allard