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L’Ouganda est le pays le plus avancé au niveau de l’exploration des hydrocarbures au sein de la vallée du Rift Albertine pour avoir déjà exploré 40% de la zone potentiellement pétrolière, a affirmé le Pr Christophe Sebudandi, expert burundais en géophysique et en gouvernance ayant coordonné une équipe de recherche régionale sur l’état des lieux des hydrocarbures dans la vallée du Rift Albertine.

Dans une interview accordée à Xinhua, le Pr Sebudandi a expliqué que la vallée du Rift Albertine est une fracture d’une couche continentale africaine, qui part de la mer Rouge, passe par le Kenya où elle se subdivise en deux, à savoir la branche Est, qui se prolonge jusqu’en Tanzanie pour rejoindre l’océan Indien, et la branche Ouest, dans laquelle le Burundi se trouve avec une succession des lacs Albert, Kivu, Tanganyika et Malawi.

“C’est cette dernière branche dénommée Rift Albertine qui longe l’Ouganda, la RD-Congo, le Rwanda et le Burundi dans sa partie nordique ainsi que la Tanzanie, la Zambie et le Malawi dans sa partie méridionale qui a fait objet de l’étude”, a-t-il dit en marge de la présentation d’une étude sur les hydrocarbures dans la vallée du Rift Albertine, organisée par l’Institut interculturel dans la région des Grands Lacs, “Pole Institute”, basé à Goma, dans l’est de la RDC.

Selon le Pr Sebudandi, l’Ouganda, avec ces 40% déjà explorés de la zone potentiellement pétrolière, a déjà trouvé des réserves d’environ 635 millions de barils de pétrole dont 196 millions de barils exploitables.

L’Ouganda, a-t-il ajouté, a déjà subdivisé sa partie potentiellement pétrolière en blocs et compte produire entre 30. 000 et 40.000 barils par jour en 2017.

Même s’il y a un effet miroir de l’autre côté de la RDC, a indiqué le Pr Sebudandi, force est de constater qu’aucune prospection de la recherche pétrolière dans le rift valley congolais n’a été faite à ce jour.

Ainsi, a-t-il signalé, les estimations relatives aux réserves pétrolières de la RDC dans le bassin du lac Albert se basent uniquement sur l’hypothèse de similarité des conditions géologiques du côté ougandais.

L’Ouganda, a-t-il dit, a déjà subdivisé sa partie potentiellement pétrolière en blocs dans le cadre de la poursuite des recherches, tandis que son voisin du sud, le Rwanda, a déjà commencé à exploiter sur une petite échelle le gaz méthane sur le lac Kivu avec une production planifiée de 25 mégawatts dans un très proche avenir.

Au niveau du lac Tanganyika, a poursuivi le Pr Sebudandi, le Burundi a subdivisé sa partie en quatre blocs de recherche pétrolière, tandis que la Tanzanie a subdivisé sa partie en deux blocs à des fins d’exploration pétrolière.

Au sud du lac Tanganyika, du côté de la Tanzanie, a-t-il ajouté, une firme australienne dénommée “Beach Energy” estime que les ressources pétrolières exploitables représenteraient environ un potentiel de 200 à 300 millions de barils.

Sur la question de savoir l’estimation des réserves de pétrole et de gaz connues et présumées pour l’ensemble de cette région des Grands Lacs africains formant le Rift Albertine, le Pr Sebudandi a indiqué qu’il est difficile de faire de telles estimations tant que l’exploration n’est pas encore terminée.

Seulement, a-t-il souligné, il est clair que pour le lac Albert, les réserves sont de l’ordre de 600 millions de barils de pétrole alors que la partie sud du lac Tanganyika, elles sont environ 300 millions de barils.

Selon l’expert, la présence de ces réserves de pétrole et de gaz ouvre cependant des risques de conflits transfrontaliers.

“Les risques ont déjà commencé, car, en 2006, lorsque la compagnie Tullow Uganda Limited a commencé à prospecter la présence du pétrole dans le lac Albert, il y a eu des confrontations entre l’Ouganda et la RDC autour de la presqu’île de l’Ukwanzi, qui se sont soldées par un bain de sang”, a-t-il rappelé.

“Même l’accord de Ngourdoto (Tanzanie) signé en 2007 par les chefs d’Etat des deux pays est resté lettre morte pour avoir aussitôt été dénoncé par la RD Congo. Ce fut une situation similaire dans les années 1980 lorsqu’il y a eu des risques de confrontation entre le Burundi et la RD Congo lorsque la société américaine AMOCO avait commencé la prospection de pétrole dans la plaine de la Rusizi”, a-t-il illustré.

Le Pr Sebudandi a fait remarquer que de tels contentieux sont difficiles à gérer à cause des incertitudes sur les frontières communes entre les pays de cette sous-région africaine.

“Or, les frontières maritimes doivent normalement être déterminées par la médiane. Cela n’a pas été fait parce que ça demande beaucoup d’instruments. Par ailleurs, il y a des frontières qui sont faites par des lits de rivières avec toutes les caprices de ces dernières qui changent de lit comme la rivière Semliki entre l’Ouganda et la RDC ou la Rusizi entre la RD Congo et le Burundi. Ces rivières changent des lits et provoquent des problèmes frontaliers. Cette situation est aggravée par des bornages précaires. Ces incertitudes font que des conflits peuvent éclater rapidement surtout qu’on peut se retrouver dans des situations de champs pétroliers qui sont contigus. C’est-à-dire qui sont à cheval sur deux pays. Dans ce cas, normalement on prévient les conflits en concluant des accords d’entente pour permettre une exploitation commune de ressources”, a-t-il recommandé.

Pour l’expert, de tels accords ont fait recette dans le passé sous d’autres cieux par exemple dans les années 1980 entre la Norvège et les Pays-Bas, entre la Norvège et la Grande Bretagne, et qui se sont étendus entre la Guinée Equatoriale et le Nigéria.