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Je n’avais pas prévu de revenir sur l’actualité de la campagne présidentielle américaine mais compte tenu des revirement spectaculaires de ces derniers jours, est-il possible de faire autrement ?

Ceux qui ne seraient pas encore familiarisés avec quelques scandales collant aux basques d’Hillary Clinton peuvent se référer à un ancien billet sur le sujet. Depuis, l’eau aurait dû couler sous les ponts. Le scandale consécutif à l’enregistrement de propos salaces de Trump à son insu en 2005 aurait dû démolir ses dernières chances de succès pour les élections. Hillary aurait dû triompher sans coup férir… Mais il est des campagnes où rien ne se déroule comme prévu.

Il était une fois un serveur mail

En 2009, lorsque Hillary Clinton accéda au poste de Secrétaire d’État sous la présidence Obama, les Clinton mirent en place une messagerie parallèle, privée. Pendant des années, les affaires ayant trait à la diplomatie américaine circulèrent à travers l’adresse électronique HDR22@ClintonEmail.com. Ce serveur mail privé était en parfaite violation du Federal Records Act, qui impose une copie pour archivage des communications officielles des élus et hauts fonctionnaires pour des activités liées à leur mandat, et de la loi sur la liberté d’information (Freedom of Information Act) permettant à toute personne en faisant la demande de consulter ces échanges, sauf ceux classés confidentiels ou secret-défense.

Il faut noter que Mme Clinton savait parfaitement qu’elle violait la loi, sauf à faire preuve de troubles de la mémoire confinant à la démence. En 2007, alors dans l’opposition, elle reprocha à des élus républicains leur utilisation de mails privés dans le cadre de leurs fonctions. En 2011, alors même qu’elle utilisait son serveur privé, elle envoya un message enjoignant les ambassadeurs sous ses ordres à ne pas utiliser des adresses privées. En 2012, elle réprimanda sévèrement un ambassadeur et le licencia ensuite pour être passé outre.

La révélation de l’existence de ce serveur mail (par hasard, à travers le piratage du compte mail d’un proche des Clinton) entraîna une enquête. Sommée de s’expliquer, Hillary Clinton déclara que ces e-mails ne concernaient rien d’important, en imprima des milliers de pages et les fournit au FBI. Mais 33 000 messages manquaient à l’appel, couvrant par exemple la période critique de l’activité de Secrétaire d’État de Mme Clinton pendant l’attaque du Consulat américain de Benghazi, en Libye, où un diplomate américain de haut rang trouva la mort.

Mme Clinton prétendit que les e-mails manquants n’avaient aucune importance, comme les cours de yoga de sa fille, et relevaient de la sphère privée.

Sommée de livrer son serveur aux autorités, Hillary Clinton en fit effacer le contenu avec un logiciel professionnel, affirmant qu’il s’agissait d’une « simple erreur de manipulation » du technicien, sans préméditation. Les internautes purent démontrer qu’il s’agissait là d’un mensonge grossier, le technicien en question cherchant à savoir comment effacer des données sensibles plusieurs mois auparavant.

Sans avoir accès à l’entier de la correspondance d’Hillary Clinton, les enquêteurs du FBI parvinrent à trouver des données classifiées dans les mails « gracieusement fournis » par l’ancienne Secrétaire d’État. Mais tout ceci se termina abruptement en juillet par la décision de James Comey, directeur du FBI… De clore l’enquête, à la stupéfaction générale. Mme Clinton fut réprimandée pour sa « grave négligence » et ce fut tout.

Démocrates et journalistes chantèrent des louanges et tressèrent des lauriers à James Comey, incarnant le bon sens et la raison, alors que le grand public et les Républicains restaient pour le moins dubitatifs sur cette conclusion en queue de poisson.

Mais ça, c’était avant.

Réouverture de l’enquête

L’annonce par James Comey de la réouverture de l’enquête du FBI sur les e-mails de Clinton à moins de deux semaines de l’élection présidentielle fit l’effet d’une bombe.

À ce stade, nous ne savons pas encore quelles sont les nouvelles données sur lesquelles le FBI a pris sa décision, mais une chose paraît certaine : une annonce pareille si près d’un scrutin aussi important implique que le FBI soit tombé, au minimum, sur de la dynamite.

Nous savons en revanche d’où viennent ces nouvelles données : de l’ordinateur d’Anthony Weiner, politicien démocrate de New York. En fouillant dans les e-mails de ce sinistre personnage, les enquêteurs ont trouvé des dizaines de milliers de courriers électroniques liés à Hillary Clinton et à son serveur mail.

Car il se trouve que M. Weiner est aussi le mari de Huma Abedin, principale aide de camp d’Hillary Clinton depuis vingt ans, une collaboratrice si proche d’elle que Clinton la qualifie parfois de « fille adoptive ».

À ce stade, nous ne savons pas non plus comment ces courriers se sont retrouvés là – probablement des mécanismes de réplication entre comptes mails oubliés depuis longtemps, dont l’enquête éclairera peut-être la mise en place et la motivation.

Toujours est-il que la campagne présidentielle d’Hillary Clinton vient d’exploser en plein vol.

La machinerie Clinton se pulvérise

Selon toute vraisemblance, le FBI vient probablement de mettre la main sur les fameux 33 000 e-mails manquants dissimulés par Hillary, et sans doute de nombreux autres. La nouvelle est tellement importante qu’il n’est pas possible de la cacher, de la minimiser, de la détourner – même si tous les médias s’y emploient.

La fin de campagne présidentielle s’est transformée en cauchemar pour Hillary. Les accusations de Trump font mouche. Son serveur mail était au cœur de toute sa communication – non seulement ses entorses au protocole dans son rôle de Secrétaire d’État, mais aussi les affaires ayant trait à la Fondation Clinton et au trafic d’influence entretenu par le couple en préparation de son retour au pouvoir. Le FBI a désormais également placé la Fondation sous enquête.

Les informations filtrées peu à peu corroborent celles que diffuse depuis des jours Wikileaks à travers le piratage du compte Gmail de John Podesta, chef de cabinet de la Maison Blanche de Bill Clinton entre 1998 et 2001, puis conseiller spécial de l’administration Obama en 2013, puis directeur de campagne d’Hillary Clinton pour les présidentielles de cette année.

Les cartes sont retournées les uns après les autres, révélant leurs secrets. La mise aux enchères de postes d’ambassadeurs. Le chantage à l’extorsion exercé contre des Saoudiens. Les manipulations d’Hillary pour évincer Sanders des primaires démocrates. Les débats truqués. La collusion avec la ministre de la Justice, qui a invoqué depuis le Cinquième Amendement pour ne pas témoigner contre elle-même. La complicité d’Obama dans cette histoire de serveur mail privé, ses efforts pour enterrer l’affaire, et même sa propre utilisation d’une messagerie parallèle. L’utilisation d’activistes payés pour provoquer la violence dans les réunions électorales de Donald Trump.

Les ondes de choc sont incalculables et promettent de résonner longtemps, longtemps après que les Clinton et leurs complices croupissent en prison – une issue qui paraît de plus en plus vraisemblable.

Reste une seule question – Que va-t-il se passer maintenant ? Charles Gave tente de répondre :

Jamais les milliers d’e-mails ne pourront être traités dans les jours qui viennent et donc l’élection va avoir lieu dans la plus grande incertitude juridique. Si des preuves certaines sont trouvées, madame Clinton ira en prison, certainement.

Si les citoyens sont assez bêtes pour voter pour quelqu’un qui risque d’aller en prison à peine élu (…) alors nous aurons une crise de régime aux USA, de nature constitutionnelle.

Le Président nouvellement élu sera traduit devant un tribunal constitué par le Congrès et sera sans doute « impeached » par la Chambre des Représentants qui laissera au Sénat la responsabilité de destituer le Président. Voilà qui rendra les US quasiment ingouvernables pendant au moins deux ans, jusqu’à l’élection suivante.

Si monsieur Trump est élu, ce qui me paraît de plus en plus probable, madame Clinton et sans doute son Bill de mari iront en prison où ils risquent de retrouver une grosse partie de l’administration Obama, en commençant par la Ministre de la justice.

Et je ne pense pas que le Président Trump sera particulièrement généreux pour ceux qui l’insultent depuis plus d’un an.

Mais bien des incertitudes subsistent. Pour commencer, il n’est pas du tout certain que les États-Unis parviennent à déterminer qui sera leur Président au lendemain de l’élection présidentielle.

De nombreuses surprises nous attendent sans doute encore.

Par Stéphane Montabert.