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Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), a connu mardi une seconde journée de violences entre policiers et jeunes hostiles au président Joseph Kabila, que l’opposition accuse de chercher à se maintenir au pouvoir grâce à une nouvelle loi électorale controversée.
Alors que des émeutiers incendiaient mardi après-midi une mairie à Kinshasa, l’opposant historique de Kabila, Etienne Tshisekedi, a lancé depuis Bruxelles un appel à chasser le “régime finissant” de l’homme fort de Kinshasa.

Les violences de lundi et mardi à Kinshasa auraient fait 28 morts, selon un bilan avancé mardi soir par une organisation de défense des droits de l’Homme congolaise. Ce chiffre n’a pas pu être confirmé dans l’immédiat par une autre source. Les autorités affirment quant à elles que cinq personnes, dont deux policiers, ont été tuées lundi et mardi. Le gouvernement avait fait état lundi de deux policiers et deux “pilleurs” tués.

Interrogé mardi soir par l’AFP, le porte-parole de la police, Israël Mutumbo, a affirmé que les violences “sont juste des pillages, il n’est plus question de manifestations contre la loi électorale”. Kinshasa, où la quasi-totalité de la population se débat dans une grande pauvreté, a été mardi le théâtre de nombreuses scènes de pillages, observées par des journalistes de l’AFP ou rapportées par des témoins, dans plusieurs quartiers du sud et de l’ouest de la capitale.

“Nous sommes fatigués de Kabila”
Dans l’après-midi, une centaine de jeunes émeutiers ont pris d’assaut puis mis le feu à la mairie de la commune de Ngaba, un quartier sud de Kinshasa, et sont restés plus d’une demi-heure à regarder l’incendie ravager ce bâtiment symbole de l’Etat. Les forces de l’ordre étaient absentes, et les rues alentour désertes. “Nous sommes fatigués de Kabila. Il faut qu’il parte”, a déclaré un protestataire.

Kinshasa était mardi privée d’internet, coupé sur ordre des autorités. Les envois de SMS étaient impossibles depuis le début de la matinée de mardi et les services 3G indisponibles. Les émeutes ont été déclenchées par un projet de loi électorale, qui a été examiné mardi par le Sénat. Le texte lie la tenue des prochaines élections législatives et présidentielle prévues en 2015 et 2016 à la réalisation d’un recensement général devant commencer cette année – et susceptible de prendre deux ou trois ans.

L’opposition dénonce un “coup d’Etat constitutionnel” du président Kabila, au pouvoir depuis 2001, pour se maintenir à son poste au-delà de 2016, alors que la Constitution lui interdit de se représenter pour un troisième mandat. Le gouvernement argue que le nouveau décompte des habitants assurera aux élections un caractère pleinement représentatif, mais l’opposition s’inquiète du temps que cela prendra. Le dernier recensement général remonte à 1984.

Le gouvernement a reconnu que le projet de loi risquait d’entraîner un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016. Dans ce qui pourrait être un signe d’apaisement envers l’opposition, le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, a affirmé mardi au Sénat que le projet de loi controversé n’était qu’une “ébauche”. “Il n’y a pas du tout de conditionalité” entre la tenue des élections présidentielle et législatives et la réalisation du recensement, a-t-il assuré.

Reynders préoccupé
M. Kabila est arrivé à la tête de l’État par succession héréditaire à la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle ayant pris le pouvoir par les armes. Il a été élu président en 2006 lors des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960. De Bruxelles, où il se trouve en convalescence depuis le mois d’août, l’opposant congolais Etienne Tshisekedi a lancé un “appel solennel” au peuple pour contraindre le “régime finissant” du président Kabila à “quitter le pouvoir”.

“Le régime d’imposture, en place à Kinshasa, ne cesse de multiplier les actes irresponsables de provocation, plongeant ainsi la nation dans une impasse totale qui risque d’installer un climat de chaos généralisé”, avertit M. Tshisekedi, qui assure n’avoir “jamais cessé” de demander au peuple de se “mobiliser pour réclamer pacifiquement ce qui lui revient”. Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, s’est dit quant à lui “préoccupé” à la suite des manifestations violentes qui ont eu lieu lundi à Kinshasa et dans certaines villes de la RDC, faisant de quatre à quatorze morts, selon les sources. Il a a appelé tous les acteurs “au calme” et à “la retenue”.

Lundi, des violences avaient eu lieu alors qu’un collectif d’opposants avait appelé la population de Kinshasa à “occuper massivement le Parlement” pour dénoncer le projet de révision de la loi électorale, approuvée samedi par les députés, en l’absence de la quasi-totalité des élus de l’opposition, qui boycottent les débats.