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Bujumbura, Burundi (PANA) – Le déploiement d’une nouvelle position de casques bleus de la mission des Nations unies pour la République démocratique du Congo (Monusco), «lourdement armés», à trois kilomètres de la frontière nord-ouest du Burundi, suscite ces derniers temps des interrogations dans l’opinion sur les raisons réelles d’une telle proximité avec un pays qui est déjà sous une étroite surveillance de la Communauté internationale à cause d’une grave crise politique interne faisant craindre de plus en plus une rechute dans une nouvelle guerre civile, après celle de 1993 à 2006 ayant fait au moins 300.000 tués et poussé un million d’autres en exil forcé.

Après les alertes de ces derniers jours, via les réseaux sociaux, sur cette présence, Joseph Iteriteka, le gouverneur de Cibitoke, une province frontalière de l’est de la Rd Congo, a confirmé, mardi, à son tour, sur les ondes de la radio nationale (publique), l’existence effective et à vue d’œil, d’une nouvelle position de la Monusco, sans toutefois être en mesure d’en dire plus sur la nature de la mission des casques bleus onusiens dans le voisinage immédiat du Burundi.

Les informations de sources indépendantes circulent aujourd’hui beaucoup plus sur les réseaux sociaux que dans les médias privés dont la grande majorité a cessé d’émettre suite à la destruction physique et/ou la fermeture pour des raisons liées à la crise persistante depuis bientôt neuf mois.

Le gouverneur s’est montré moins alarmiste que les internautes, en rassurant que la population n’avait pas fui la région de Cibitoke à cause de la présence de casques bleus de la Monusco, tout près de la frontière avec le Burundi.

« La population est calme et cette présence n’inquiète personne, de même que les équipements, si lourds soient-ils, dont disposeraient des casques bleus de la Monusco qui n’ont, par ailleurs, pas traversé ou violé les frontières du Burundi », a-t-il rassuré.

Les 20.000 casques bleus de la Monusco sont présents chez le grand voisin de l’ouest depuis plusieurs années et la nouvelle position avancée pouvait passer inaperçue, si entre temps, les Nations unies n’avaient pas récemment envisagé de prélever des casques bleus en Rd Congo pour servir de force de stabilisation de la situation de crise, en cas de besoin urgent.

L’autre coïncidence notable dans l’opinion est la récente désignation, par les Nations unies, à la tête de la Monusco, d’un l’un des grands connaisseurs du Burundi, le général sud-africain, Derrick Ngwebi, pour avoir longtemps commandé un bataillon sud-africain de 850 militaires chargés de la protection rapprochée des institutions et des personnalités politiques burundaises rentrant d’exil, au lendemain de la signature de l’Accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale.

Les Nations unies, dont une délégation des 15 ambassadeurs du Conseil de Sécurité a visité récemment le Burundi, se tiennent prêtes avec trois scénarii qui ont été échafaudés par le chef des opérations de maintien de la paix, le Français Hervé Ladsous, pour aider ce pays des Grands Lacs à se sortir d’une grave crise politique et des droits humains qui est partie d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition, voici bientôt neuf mois.

Le premier scénario le plus pessimiste envisage des violences au Burundi qui prennent une dimension ethnique, avec des incitations aux crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou au génocide. L’ensemble du pays s’embrase avec des conséquences pour ses voisins.

Dans ce cas, la réponse des Nations unies devrait être l’envoi de casques bleus, en puisant dans les contingents de la Monusco.

Après une phase préparatoire d’un mois, 4.000 hommes de la Monusco pourraient être sur place au Burundi, « en moins d’une demi-journée ».

La note du diplomate français indique cependant que ce scénario représente un risque pour la situation en Rdc, mais faire venir d’autres contingents d‘ailleurs prendrait jusqu’à six mois.

Le scénario optimiste table sur une situation stable, mais avec des violations régulières des droits de l’homme, notamment par la police et les forces de sécurité, auquel cas l’Onu devrait alors diligenter une mission d’observation et soutenir le déploiement d’une « Mission africaine de prévention et de protection au Burundi » (Maprobu).

Le scénario intermédiaire est l’augmentation du niveau de violences, après une scission dans l’armée ou un assassinat politique. Les affrontements sont ouverts, il n’y a plus de discussion politique et la Maprobu ne peut gérer la situation. En conséquence, les violences s’intensifient et se propagent à l’intérieur du pays, notamment aux frontières de la Rdc et du Rwanda. Le nombre de réfugiés double et le risque humanitaire touche deux millions de personnes, l’économie s’effondre.

Le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’Ua aura lieu les 30 et 31 janvier à Addis-Abeba, en Ethiopie, et devrait être déterminant sur l’avenir de la Maprobu qui a été, entre-temps, rejetée par le gouvernement burundais au nom de la « souveraineté nationale », rappelle-t-on dans les milieux diplomatiques à Bujumbura.

 0- PANA FB/BEH 26jan2016