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Le père comme son fils s’appellent NININAHAZWE. Nestor, Pacifique et bien sûr leur âge distinguent l’aîné de son père, du moins sur les pièces d’identité. Ils ont, les deux, été attirés par le droit, ont même rêvé de prêter le serment d’Hippocrate. Malheureusement le rêve est demeuré rêve. Espérons qu’il se réalisera un jour. Il n’est jamais trop tard. Bien que président du Tribunal de résidence de Makamba et Kayogoro, Nininahazwe père servait comme greffier à Kayanza avant d’être porté aux fonctions de juge. Un greffier devenu juge? Que ça ne vous étonne guère, c’était à l’époque des Bashingantahe. Un danseur pouvait prendre facilement la place d’un prof de maths !

En commune de Kayogoro, Nininahazwe père a pris le nom de Dururu. De fait, il est réputé très ambitieux, prolifique, un vrai parleur. Le sobriquet de Dururu ne trouve point d’équivalent en français. Par périphrase, c’est quelqu’un qui parle sans s’arrêter, du tout et de rien, jusqu’à parler sans penser. S’il avait su que celui qui parle beaucoup ne mérite guère de confiance et que celui qui parle ignore que celui qui écoute est malin il aurait changé le fusil d’épaule. Moins encore il n’a jamais voulu s’accorder avec la sagesse. Bien parler est un avantage, mais se taire est souvent plus sage. Parle peu, écoute beaucoup, et tu ne feras point de fautes mais sûrement qu’il se croyait sage oubliant que quand tout le monde parle, la voix des sages est rarement écoutée.

Le risque est que l’on emprunte les voies des parleurs, menant où ? Là où l’on regrette toute une vie. Voici l’œuvre des bons parleurs et je rappelle : ‘Le singe a la même couleur que sa queue’. Un ancien de ses voisins de Makamba s’en riait sans cesse ‘Cet homme a toujours voulu péter plus haut que son cul’. C’est d’ailleurs ce qui explique son virement vers l’Eglise Néo Apostolique. Ancien fidèle fervent de l’Eglise catholique, ne pouvant point devenir catéchiste, frère, moins encore prêtre, Dururu père est allé puiser à la source des faux pasteurs. Déçu qu’il n’exerçait une quelconque autorité ou dictat au sein de l’Eglise Catholique, il est allé emmener à Makamba l’Eglise néo apostolique, une première à Makamba. Avec son épouse Dundaguza Dominique, ils en sont devenus des tous puissants. Verbiage aidant et son caractère Dururu, ils ont détourné les âmes faibles, les ont enflammées dans la petite église construite devant le stade de Makamba. Des fidèles toujours en transe, délirants et en hystérie permanente. Et la secte a vite pris le péjoratif de Tumunangane.

La commune Kayogoro connait Dururu père comme un homme toujours agité, animant des foules, comique, pédant, un homme aux vertus qui ne dépassent pas la ceinture. Que ce soit à Kayogoro ou à Makamba, ses collègues reconnaitront en Dururu père, jusqu’à leur dernière minute de vie, un home appliqué, efficace et assidu au travail. Malheureusement, corrompu, très corrompu. Corrompu jusqu’à la moelle des os. Il cachait les dossiers sensibles du tribunal en l’occurrence ceux relatifs au viol. Il s’en occupait personnellement. Les juges de Makamba sont convaincus qu’il en avait fait un business. Le jury de délibération n’était pas un jury. Comment pouvons-nous parler de jury d’un seul juge ? A Makamba, les témoins racontent que DURURU père, monopolisait les dossiers très importants. Ces derniers moisissaient dans ses tiroirs au moment où les juges n’avaient rien à faire. Président du siège, il ne rédigeait jamais un seul procès et ce sont les greffiers qui s’en occupaient. Dururu père étant président du tribunal de résidence de Makamba, retenait le matériel de travail du tribunal comment un enfant retient ses caca pour attirer affection de ses parents. Par avarice? Les juges n’ont jamais su. Et souvent le travail était au stop toutes les fois qu’il était en mission. Le tribunal fermait parfois à son absence. Certains des juges se procuraient eux même du papier en cas d’urgence extrême! Comme pour dire aux juges ‘le tribunal c’est moi’.

Ses agissements, son immixtion dans les jugements dont il n’avait même pas été membre du siège portait au paroxysme le mécontentement et la révolte des juges. La rage de ces derniers filtrait également de par leur conversation suite à son habitude d’influencer le siège. La limite a été dépassée un jour. Dururu père a fait irruption en pleine audience publique et a enlevé les toges à tous les juges. Cela rappelle les cartons rouges sortis par Dururu fils.

Vers la fin de sa présidence au tribunal de résidence de Makamba, Dururu père faisait appel aux fétiches pour résoudre le conflit avec les juges du tribunal. Ces derniers ont fait une découverte honteuse pour un président du tribunal de résidence. Un correspondant de la radio Isanganiro en a été témoin. Il avait ouvert le pavement de la salle d’audience et y avait enfouit des produits maléfiques. Cela pour se retourner contre les juges et les accuser que ce sont eux qui l’avaient fait cherchant à envouter le président du tribunal. L’ouverture avait été faite devant la barre de vérité.

Le correspondant de la radio Isanganiro qui avait fait un reportage sur ce a même reçu des menaces de mort de la part de Dururu fils. Preuve que c’était bien Dururu auteur, le personnel du tribunal avait trouvé, un beau matin, que le pavement avait été ouvert alors que c’était bien lui qui conservait les clés de la salle d’audience.
Comprenons d’abord la ‘couleur du singe’, ainsi nous pourrons bien appréhender celle de la ‘queue’.

A bientôt…

Adelain Mibano