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Au cours de la retraite politique organisée par l’institution de l’Ombudsman burundais à l’intention des présidents des partis politiques et des leaders politiques, le débat dc6xo4cxkaawedy.jpgouvert et contradictoire a permis aux participants de s’exprimer sur les voies et moyens de sortir le Burundi du cycle de violence chaque fois avec les élections. Le secrétaire général du CNDD-FDD pense que les politiciens burundais sont extrêmement hypocrites qu’ils arrivent à dire officiellement ce en quoi ils ne croient pas. Pour lui, il faut d’abord éviter le mensonge et évaluer la feuille de route adoptée en 2013. Le président de l’Uprona quant à lui dit qu’il faut une préparation psychologique des politiciens à recevoir et assumer la victoire ou la défaite s’ils s’engagent dans un processus électoral. Agathon Rwasa de la coalition AmizeroyaBarundi lui demande l’application stricte de la loi. Le vice-président du Frodebu fait remarquer qu’aucune autre voie n’est possible quant à l’accès au pouvoir : les élections.

Le débat contradictoire a été codirigé par Frère Emmanuel Ntakarutimana, ancien président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) et Monseigneur Jean Louis Nahimana, président de la Commission vérité et réconciliation (CVR). Ils ont demandé aux politiciens et autres participants dont les membres de la société civile et des confessions religieuses, etc., de s’exprimer sur les leçons tirées des processus électoraux antérieurs et surtout celui de 2015 et ainsi se projeter déjà vers le processus électoral prochain, celui de 2020.

Pour Evariste Ndayishimiye, secrétaire général du parti CNDD-FDD, ce qui a toujours été à l’origine des maux que connaît le Burundi chaque fois avec les élections, c’est une hypocrisie des politiciens. Et de rappeler que, dans les années 1960 lorsqu’au sein de l’Uprona vainqueur des élections de 1961 éclatèrent les ailes Casablanca et Monrovia, la crise a été résolue par une hypocrisie. Et de faire remarquer qu’une aile se faisait passer comme représentant les Tutsi et une autre les Hutu. «Ce qui s’en est suivi, ce n’est que l’assassinat du Premier ministre Pierre Ngendandumwe alors qu’il était censé provenir d’un large consensus », lâche le secrétaire général du parti au pouvoir. M. Ndayishimiye fait noter que, depuis lors, le Burundi n’a jamais retrouvé la stabilité. Avis qu’il partage avec l’ancien président de la République Sylvestre Ntibantunganya qui a abondé dans le même sens en soulignant que Joseph Bamina et Pierre Ngendandumwe avaient tenu une conférence de réunification à Gitega, des assises suivies de la nomination de Ngendandumwe au poste de Premier ministre par le Roi. Mais, comme lors de cette conférence, les vrais mobiles n’ont pas été évoqués, cette option n’a pas duré. Et le président Ntibantunganya de demander aux Burundais d’apprendre par le passé afin de ne plus tomber dans le gouffre.

Mais, au fond, poursuit Evariste Ndayishimiye, c’est qu’il s’agit d’une haine viscérale qui naît dans les esprits des politiciens qui perdent les élections et qui n’acceptent pas la défaite. Cela au point que l’adage rundi qui dit que « Uwutsinzwebadatsindaho » c’est-à-dire le vainqueur ne procède à l’élimination physique du perdant a été retourné contre le vainqueur « Uwutsinze batsinda-ho ». Il a donné l’exemple du Prince Louis Rwagasore qui fut assassiné juste après la victoire de son parti en 1961, les vainqueurs des élections de 1965 subirent le même sort, Melchior Ndadaye qui n’a survécu que pendant trois mois alors qu’il venait de remporter les élections de 1993. Les élections de 2010 ont démontré une volonté de déstabiliser le vainqueur et pour 2015, cela a été le pire jusqu’à vouloir renverser les institutions à la fin de leur mandat.

Pour se projeter dans le processus électoral de 2020, le secrétaire général du CNDD-FDD demande aux politiciens d’éviter la globalisation dans leurs discours d’accusation mutuelle, de rompre avec la mentalité hypocrite et l’évaluation de la feuille de route signée par tous les politiciens burundais en 2013. Cette évaluation inclurait quelques points d’actualité, a-t-il dit.

Abel Gashatsi, président de l’Uprona parle d’une nécessité de préparer les politiciens à accueillir le verdict des urnes. Il indique que mieux serait pour les Burundais de ne pas s’indexer mutuellement et s’accuser les uns les autres comme si tel ou tel autre groupe est responsable des maux qu’a connus notre pays. Parce que, pour lui, ce sont ces rancunes historiques qui se répercutent sur le processus électoral. Pour lui, les politiciens devraient d’abord mettre en avant l’amour de la patrie.

En vue de préparer les élections de 2020, Abel Gashatsi pense que la Commission électorale nationale indépendante devrait être mise en place après une large consultation. Mais également, les politiciens doivent trouver des moyens de se mettre ensemble et dans l’unité pour aller rencontrer les réfugiés burundais qui sont dans différents pays de la sous-région pour leur dire qu’ils peuvent rentrer et construire leur pays. « Je suis sûr que si nous partons ensemble pour les rassurer, ces réfugiés reviendraient sans une autre condition », a martelé le président de l’Uprona.

Agathon Rwasa, un des acteurs politiques qui étaient présents, demande l’application stricte de la loi en toutes circonstances. Il a évoqué la nécessité d’une gestion transparente de la chose publique, notamment dans le recrutement des fonctionnaires de l’Etat. Et M. Rwasa de laisser entendre que, dans ce pays, pour éviter des crises répétitives, il faut lutter contre toute sorte de discrimination.

Le vice-président du Frodebu, Léonce Ngendakumana, a, quant à lui, précisé que, dans les consciences de différents politiciens, il faut que s’ancre un des principes de la démocratie, à savoir les élections. Nul ne pourra accéder au pouvoir sans passer par les urnes. Il a demandé aux participants de manifester la volonté d’en finir avec le dialogue sous la facilitation de l’ancien président tanzanien Mkapa insistant sur l’importance de rapatrier le dialogue au Burundi pour discuter à fond entre Burundais.

Mathias Basabose, un des politiciens qui était venu participer lui aussi à cette retraite, a évoqué l’influence étrangère dans tout processus électoral. Il a même parlé des raisons qui l’ont poussé à quitter l’opposition radicale. «Elle coopère avec des occidentaux qui ont affirmé vouloir démanteler le système CNDD-FDD. Or, moi, je sais que vaut mieux faire une compétition que détruire, car, en démantelant le CNDD-FDD, sûrement qu’il y aura des casses et ce sont les Burundais qui en paieront cher », a déclaré M. Basabose. Et de demander aux politiciens de rester vigilant car, aucun pays au monde qui entre dans le processus électoral n’est à l’abri de l’influence étrangère. Il a donné l’exemple des Etats-unis d’Amérique, le pays n’ayant pas été épargné lors des dernières élections de novembre 2016. « Qu’en sera-t-il pour le Burundi ? », se demande-t-il.

Amédée Habimana, http://www.ppbdi.com