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Je sens une grande détermination de vous écrire, et si vous le permettez vous rencontrer, maintenant que je viens de lire votre article intitulé «Des Burundais craignent un génocide dans leur pays » paru hier à Ici-Radio-Canada.ca radio_20canada.png(http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2015/11/05/003-burund…). En effet, je vois que vous n’êtes pas assez informé sur le Burundi, ce qui est dommage pour quelqu’un qui informe le monde et peut publier des textes qui blessent une grande partie des Burundo-Canadiens voire des étrangers dont certains Canadiens qui ont une large connaissance de ce petit pays de l’Afrique de l’Est. Mon intervention traite votre texte qui précède ce titre : « Un pays en proie à la violence ».

1er paragraphe

Je déplore la violence et toute personne assassinée au Burundi me fait froid au dos. Mais je conteste ce qu’a dit Mme Barankitse. Elle a elle-même admis, à la télévision RDI en présence de la journaliste Céline Galipeau ce lundi, qu’elle est témoin des massacres de 1965, du génocide commis par des Tutsis contre les Hutus du Burundi en 1972, des massacres de Ntega-Marangara en 1988, de la guerre civile de « nonante-trois », etc. Je vous dirais que chaque fois que le peuple hutu du Burundi avait été massacré par les Tutsis, le bilan dépassait largement 300 morts dont parle Mme Barankitse. Un petit exemple : en 1972, il y a eu un génocide commis par les Tutsis contre les Hutus. Il y a eu 300 000 morts. Dans quel coin du monde et dans quelle société où 300 000 morts (« génocidés » si je puisse le dire ainsi) sont inférieurs à 300 morts sauf dans celui de Mme Barankitse ?

Je vous apprendrais en outre que Mme Barankitse est loin de ce que vous croyez. Oui, elle reçoit des enfants. Mais au Burundi, il n’y a que des enfants abandonnés d’une seule ethnie. L’auriez-vous demandé pourquoi dans son orphelinat, maison Shalom, il n’y a que des enfants tutsis? Les enfants hutus et twas n’ont-ils pas besoin de ses soins ?

M. Plouffe, selon vos mots, « [l]e leader burundais [, S.E. Pierre Nkurunziza, n’]a [pas] choisi de contrevenir aux accords de paix en se représentant pour un troisième mandat ». Encore une fois, dans quel État au monde où un Accord passe avant la Constitution ? Dans quelle organisation au monde, sauf bien sûr le Burundi de Mme Barankitse, le Règlement d’ordre intérieur passe avant les Statuts ? Pour être précis, voici ce que dit la Constitution du Burundi de mars 2005 en son article 96 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.» (http://icoaf.org/docs/Burundi/Loi_N_1-010_du_18.03.05.pdf). Pour votre information, son premier SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT a eu lieu en 2010.

Je vous apprendrais que les Accords d’Arusha sont, bien qu’ils soient totalement injustes envers les Hutus et les Twas, observés par le gouvernement que combat Mme Barankitse, les manifestants et les putschistes. Au Gouvernement actuel burundais issu des éléctions populaires, les Tutsis (qui ne représentent que 14% de la population et, tenez-vous bien, selon le recensement de 1924) occupent 40% des postes. Les Hutus (qui représentent 85% de la pôpulation) n’ont que 60%. Ces mêmes Tutsis comme les Hutus se partagent 50% dans l’armée et la police. Les Twas ne sont même pas représentés et cela ne gêne en rien Mme Barankitse. Si vous étiez au courant que les Droits de l’Homme disent que les hommes sont égaux, vous sauriez que les Tutsis du Burundi ont été, sont et veulent rester supérieurs aux Hutus sans parler de Twas. Selon les quotas d’Arusha, un Tutsi (membre des 14% qui occupent 45% des postes au gouvernement et aux forces de l’ordre) équivaut à 8 Hutus.

2e paragraphe

Jusqu’à preuve du contraire, si un président est contesté, il l’est par et grâce aux textes légaux mais pas par la rue des manifestants violents. Je regrette infiniment qu’il y ait eu des dérapages qui ont abouti à la mort des jeunes. Mais il y a plein des documents audiovisuels qui démontrent la violence de ces jeunes manifestants envers la chose publique, la population voire les forces de l’ordre. Auriez-vous eu vent des manifestants burundais qui brûlent vifs des innocents ? Auriez-vous été au courant que les actuels assassinats ciblés au Burundi sont revendiqués par des putschistes ? Il y a des documents qui appuieront mon interview, parce que du coup, je vous demande une page où à partir de notre entretien vous écrirez la vraie version de ce qui se passe au Burundi. Une autre chose que vous ignoriez peut-être est qu’au Burundi, l’armée mono-ethnique tutsie a fait un coup d’État en 1993. Cette armée a, avant trois mois au pouvoir, lâchement assassiné le Premier président hutu démocratiquement élu et ses plus proches collaborateurs majoritairement hutus. C’est ce putsch sanguinaire qui a plongé le Burundi dans une guerre civile de 13 ans. En passant, les morts dans cette guerre ont largement dépassé les 300 morts dont parle Mme Barankitse. Comme les Français disent qu’il ne faut pas parler de corde dans la maison d’un pendu, les manifestations violentes et le coup d’État du 13 mai 2015 étaient des signes avant coureur d’un autre refus de l’autorité hutue par les Tutsis. Retenez bien en passant que les cinq communes insurrectionnelles sur les 129 de tout le pays sont des quartiers majoritairement tutsis.

4e paragraphe

Je ne comprends pas M. Ntavyohanyuma qui demande au Canada de recevoir des réfugiés qui fuient le Burundi actuellement. Cette demande est un affront contre, en particulier, les Burundo-Canadiens rescapés du Génocide de 1972 et réfugiés de la guerre civile de 1993-2005 et, en général, le peuple hutu du Burundi qui est dominé, meurtri et massacré depuis 1965. Sauriez-vous qu’il y a des réfugiés burundais disséminés et vivant dans une grande pauvreté en Afrique (Tanzanie, Congo RDC, Mozambique, Malawi, Kenya, Angola, Centrafrique, Congo Brazzaville, Ouganda, Afrique du Sud, Lesotho, Namibie, etc.) et cela depuis le génocide contre les Hutus de 1972 ? Auriez-vous eu l’occasion de demander à M. Ntavyohanyuma où il était depuis 1972 jusqu’hier pour n’avoir pas soufflé aucun mot pour les centaines de milliers des réfugiés disséminés partout en Afrique ?

Tout en espérant vous rencontrer afin que vous ayez un portrait véritable de ce qu’est le Burundi et ses injustices, je vous suis reconnaissant du précieux temps que vous prendrez pour me répondre.

Sixte Siriba