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Depuis mai dernier, résidents et rapatriés règlent les conflits fonciers à l’amiable. La Cntb salue cette initiative. L’administrateur de Nyanza-lac parle d’un résultat de la campagne de sensibilisation menée dans toute sa commune et encourage cette pratique.

Les résultats sont palpables. Prosper Ndagasangi de la colline Nyabutare, zone Muyange, s’est exilé en Tanzanie lors de la crise sanglante de 1972. « Quand je suis rentré d’exil, le 20 octobre 2014, une autre famille s’était déjà installée dans ma parcelle », raconte-t-il. Prosper Ndagasangi fait savoir que ces occupants secondaires n’avaient aucun autre lopin de terre : « Je n’ai pas voulu mettre toute une famille dans la rue et nous avons décidé de partager toute la propriété foncière. » Ce père de huit enfants explique que la décision de la Cntb est d’installer le vrai propriétaire dans ses biens et l’occupant secondaire est expulsé. « Cela ne permet pas la réconciliation entre rapatriés et résidents. » Elvanie Ntibanyerekwa, qui exploitait ce terrain, confirme ces propos : « Nous avons arrangé cette situation à l’amiable et l’administration a validé. »

André Ndimurwimo de la même colline affirme avoir partagé son terrain avec Elias Banyansekera. Ces deux hommes indiquent qu’ils n’ont pas voulu engager des procès qui finalement deviennent une source de mésentente. Actuellement, expliquent-ils, aucun conflit ne les oppose et ils vivent tranquillement. Ils demandent à la Cntb de ne pas remettre en cause ces décisions de la population.

Alexis Gashara, chef de la colline Nyabutare, encourage ce règlement à l’amiable. D’après lui, des conflits fonciers, qui étaient signalés sur cette colline, ont sensiblement diminué. Alexis Gashara estime que la Cntb ne peut pas refuser que deux personnes règlent elles-mêmes le différend qui les oppose. Il rappelle que cette commission au niveau provincial avait décidé d’expulser un certain Alfred Mbazumutima d’une parcelle qu’il occupait pour installer Daphrose Kabura. «Malgré cette décision, ces personnes se sont entendues et ont partagé le terrain en deux et nous avons pris acte», explique-t-il.

« Cela permet une vraie réconciliation »

Prudence Kabura, administrateur de la commune Nyanza-lac, fait savoir que ce règlement à l’amiable est le résultat d’une campagne de sensibilisation. Il indique avoir sillonné toutes les collines de sa commune pour demander aux rapatriés et résidents de faire recours à l’arrangement à l’amiable : « Ils sont facilités par des leaders communautaires, des Bashingantahe et des autorités administratives à la base. »

D’après lui, ces décisions prises par la population elle-même aboutit à une vraie réconciliation et une cohabitation pacifique. Même s’il n’a pas les chiffres, Prudence Kabura estime qu’une cinquantaine de cas d’arrangement ont été validés au cours de ces trois derniers mois. « Les gens s’embrassent après la signature de ces arrangements, contrairement aux médiations rendues par la Cntb ou les cours et tribunaux. » L’administrateur Kabura précise que certains commencent à retirer les procès de la Cntb pour résoudre eux-mêmes les litiges qui les opposent.

Une pratique saine

Me Vincent Ndikumasabo, avocat et consultant, estime que c’est une bonne pratique : « Les parties peuvent transiger sur tous leurs droits de façon illimitée. » Et d’ajouter que les contrats de transaction sont protégés par les dispositions du titre 10 du code civil, livre 3. « L’une de ces dispositions est que la convention de transaction a la même autorité qu’un jugement coulé en force de chose jugée, ce qui signifie qu’il n’est plus susceptible d’aucun recours », insiste l’avocat.

Ce consultant en foncier estime que la Cntb devrait plutôt favoriser cette pratique saine, qui consolide la paix et la réconciliation entre les citoyens. Au cas contraire, poursuit-il, cela serait encourager les gens à se quereller au point d’aller jusque devant les cours et tribunaux. « Les citoyens ont la possibilité de recourir aux modes de règlement alternatif des conflits avant de saisir les instances judiciaires », fait-il remarquer. Dans ce cas, rappelle Vincent Ndikumasabo, le rôle de la Cntb est celui d’un conciliateur car elle n’a rien à décider en dehors des parties concernées.

Dieudonné Mbonimpa, porte-parole de la Cntb, précise que cette commission ne peut pas remettre en cause des arrangements à l’amiable : « Nous nous occupons des dossiers de ceux qui ont saisi la Cntb. » M.Mbonimpa souligne que le travail de la Cntb est guidé par la recherche de la cohabitation pacifique entre toutes les composantes de la population burundaise.