Belgique négociations fédérales: l’option des gouvernements «Canada dry»
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Ils ressemblent à un vrai gouvernement, en ont certains atours, mais pas toutes les caractéristiques. Faute de solution durable ou réalisable, on pourrait toutefois se rabattre sur eux. Eux ? Les exécutifs temporaire ou ciblé.

On a parlé de la coalition alliant PS et N-VA, de celles sans les nationalistes (arc-en-ciel, Vivaldi avec le CD&V, 77 avec Défi, 80 avec le CDH), de l’improbable option sans les socialistes francophones. Mais jusqu’ici, rien ne réussit. La piste électorale étant rejetée par une grande majorité des partis (à l’exception du PTB et du Vlaams Belang), certains imaginent des scénarios alternatifs, qui pourraient venir à bout des exclusives tant répétées entre partis. Des gouvernements à durée ou à programme limité. Voyons.

1. L’éphémère

C’est une option qui fait doucement son chemin. Si une majorité de partis refusent de s’engager dans une formule gouvernementale pour cinq ans (enfin, les quatre qui restent), pourquoi ne pas tenter de s’accorder sur un programme resserré autour de certaines priorités (budgétaires, sociales, climatiques ou énergétiques) pour une durée limitée ? Cela pourrait aider certaines formations à accepter un attelage, qui n’est pas celui de leur cœur ou qu’ils ont refusé jusque-là, pour répondre aux défis de l’heure sans s’engager sur le long terme. Sur le mode : on accepte pour (sauver) le pays, parce qu’on a le sens des responsabilités, mais provisoirement, avant de se représenter devant l’électeur une fois les urgences prises en charge. Il nous revient que même le CD&V pourrait accepter de soutenir un budget, par exemple.

Revient alors le nom de Guy Verhofstadt. Non pas pour l’impliquer dans l’aventure (tant s’en faut), mais pour copier son gouvernement provisoire de début 2008. Rappelons que fin décembre 2007, on fit appel à lui pour diriger un exécutif temporaire de trois mois, qu’il patronnerait le temps d’asseoir la coalition et de céder le relais à Yves Leterme – qui n’y arrivait pas tout seul. Mais en 2020, on parle d’un gouvernement temporaire d’un ou deux ans plutôt que de quelques mois. L’idée est toutefois analogue.

2. Le ciblé

Une autre idée qui circule depuis la fin de l’année, c’est celle d’un gouvernement qui se concentrerait uniquement sur certaines réformes. Elle est donc identique à la première, à une différence de taille : ce gouvernement ne serait pas temporaire, mais poursuivrait sa route jusqu’aux élections de 2024. Jean-Marc Nollet est l’un de ceux qui plaident pour cette formule. Dans sa conception, les thèmes tourneraient autour de la transposition du Green Deal européen, des mesures de correction sociales (pensions, bas salaires, allocations sociales, soins de santé, Sécurité sociale), la transition d’une économie linéaire vers une économie circulaire et le renforcement de la démocratie. Jean-Marc Nollet n’exclut toutefois pas d’emblée d’autres thèmes que d’autres proposeraient.

L’avantage de cette formule, ce serait de recentrer la discussion en tentant d’éviter certains thèmes où les consensus sont compliqués. Même si le programme est resserré, la formule est toutefois plus ambitieuse que la première, parce que trouver des majorités sur quatre ans se heurtera sans doute aux mêmes exclusives que celles qui portent sur un gouvernement de plein exercice.

3. L’élastique

Le blocage politique exigeant une créativité toujours plus inventive, certains imaginent de partir de l’actuel gouvernement en affaires courantes (38 sièges MR, VLD, CD&V sur 150 à la Chambre) pour l’élargir en cherchant une majorité sur un dossier après l’autre. En commençant par exemple par le budget. Au fur et à mesure que certains partis (les mêmes, pour que cela fonctionne) acceptent de soutenir tel ou tel projet, une coalition de fait se dessinerait (sur le principe de l’élastique). Et elle pourrait ensuite être officiellement entérinée.

Quel avantage ? Il s’agirait d’amener, doucement, certaines formations à monter dans l’attelage gouvernemental, sans avoir l’air de rejoindre la coalition sortante (pour ceux qui ont durement combattu l’ex-suédoise) ou d’accepter un arc-en-ciel ou une de ses variantes (pour ceux qui l’ont rejeté jusqu’ici).

On l’a compris : ces versions « Canada dry » de gouvernements belges doivent beaucoup à la symbolique et à la communication…

Le Soir