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Bruxelles, 29 avril 2017: un recueillement comme une rencontre avec deux vestales gardiennes de la mémoire des victimes du génocide contre les Hutus du Burundi en 1972 (reportage comme on partage des morceaux choisis)

Nous sommes le samedi 29 avril 2017. A Bruxelles, du côté de Saint Gilles, une petite salle a été réservée par l’association « Honorer nos héros ». Il est quinze heures. Le comité d’accueil est débordé: les Burundais et les amis du Burundi ne sont pas arrivés au compte-gouttes mais en masse. Le comité tablait sur une trentaine de participants.

A 16 heures, il faut évacuer la petite salle dite « Casablanca ». Elle est trop petite pour la centaine de personnes déjà présente! Une autre salle a été trouvée au deuxième étage. Nous nous empressons d’enjamber les escaliers.

Victor Ntacorigira, membre du comité d’organisation, prend la parole pour remercier tous ceux qui avaient répondu à l’invitation. Il nous présente les hôtes de marque: la veuve du commandant Martin Ndayahoze, madame Rose Karambizi; madame Nadine Bazombanza et le professeur Fabien Cishahayo. Et monsieur Antoine Kaburahe, l’éditeur du livre « Le commandant Martin Ndayahoze, un visionnaire ». La salle se lève pour applaudir à tout rompre. Victor s’éclipse pour aller chercher des chaises car les invités continuer d’arriver.

Madame Marie Louise Sibazuri, membre également du comité d’organisation, prend la parole. Elle salue la présence du Premier conseiller et chargé d’affaires a.i de l’ambassade du Burundi dans le Royaume de Belgique. Elle présente le programme, s’excuse pour le retard dû au déménagement inéluctable vers la nouvelle salle. Elle invite l’abbé Charles à prendre la parole pour la première activité du jour dédié au recueillement.

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Les élites sont responsables des inégalités et injustices au Burundi

L’abbé Charles rappelle que « nous sommes réunis pour commémorer tous les morts de la tragédie de 1972. Il souligne que le génocide commis contre les Hutus du Burundi en 1972 est le premier génocide de la région des Grands lacs et pourtant le mois connu. Il dénonce la volonté du régime d’alors de renier aux morts le droit à la sépulture et aux survivants le droit de faire le deuil. ». On chante une chanson dédiée aux morts: » Imitima y’aberanda yama iri mu minwe y’Imana« !

L’abbé Charles poursuit. Il dénonce toute volonté de tuer, de massacrer une partie de la population: « les tueurs n’ont pas d’ethnie, n’ont pas de race. Quand je pense que l’Afrique est le berceau de l’humanité, je me dis que ce qui arrive au Burundi, à l’Afrique est très grave. Et pourtant, nous nous disons chrétiens, les criminels portent des prénoms chrétiens. Que font-ils du commandement : « Tu ne tueras pas? » Ce commandement intime à l’homme créé à l’image de Dieu l’obligation de ne pas être un loup pour son semblable. Et de rappeler le proverbe rundi « Zitukwamo nkuru« : pour dire que quand il y a des calamités dans un pays, les élites sont responsables, comme elles sont de no jours responsables des inégalités et injustices criantes qui sont la cause des conflits sanglants, des guerres, des massacres.

L’abbé Charles invite tout un chacun à un examen de conscience. Il invite les participants à s’exprimer, partager les intentions de prières, quelque chose qui leur tiennent à cœur. C’est un Belge de souche et de peau qui se lève.

Il fait part de ses souffrances toujours vives chaque fois qu’il pense à ses amis Burundais assassinés. Il rappelle qu’il était au Burundi au moment du génocide. Il était chargé d’initier le mouvement syndical et les mutualités avec feu Jean Nduwabike (qui était secrétaire principal de la Mutualité). Et de confier: « Toutes les personnes d’ethnie hutue avec lesquelles je travaillais ont été assassinées. Mais tout n’a pas été si noir de mes souvenirs douloureux: une fois de retour en Belgique dans la précipitation, j’ai parlé de la tragédie qui était en cours au Burundi auprès des dirigeants de la Confédération des Syndicats Chrétiens. Il y avait quelques leaders du syndicat et de la Mutualité qui se cachaient. Nous avons pu dépêcher un commando à Bujumbura. Et nous avons pu sauver 6 personnes. Je vous recommande de vous recueillir mais de ne pas en rester à des paroles. Il faut nourrir la volonté de connaître la vérité et des actions.

Madame Marie Louise Sibazuri intervient pour inviter les hôtes de marque à prendre la parole. Nous passons ainsi à la deuxième activité inscrite au programme. Des consignes sont données: l’écoute attentive jusqu’à la fin des présentations et les questions pour plus tard!

A la rencontre de deux vestales de la mémoire du génocide de 1972

C’est le professeur Fabien Cishahayo venu du Canada qui prend la parole. Il fait un détour par la mythologie grecque pour parler des prophétesses qui devaient rester vierges et au service de la déesse « Vesta » pour entretenir jour et nuit son feu sacré. « Les vestales devaient être nées de parents toujours vivants et liés par un mariage par confarreatio, réservé aux patriciens. Les jeunes filles, âgées de six à dix ans, devaient être saines de corps et d’esprit et bien entendu vierges. Outre la garde du feu sacré, les vestales étaient tenues à faire des offrandes et réciter des prières de jour comme de nuit. Chaque matin elles aspergeaient d’eau pure le sanctuaire. Et Fabien Cishahayo de présenter Rose Karambizi, tutsie rwandaise et veuve du commandant Martin Ndayahoze, et Nadine Bazombanza, française d’origine et veuve de Bazombanza, comme deux vestales de la mémoire des suppliciés en 1972.

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Prenant la parole, Nadine Bazombanza fait une première confession: « dans la soirée du 29 avril 1972, mon mari qui faisait partie de l’orchestre national devait se rendre au mess des officiers pour jouer avec son groupe. Nous avons pris notre voiture un peu à l’avance pour arriver tôt et mettre les choses en place. Arrivés au centre ville vers la route qui mène à la cathédrale, nous avons découvert un désordre ahurissant. En poursuivant notre chemin, nous sommes tombés sur un groupe de personnes armées, yeux hors orbite comme des drogués. Ils nousont intimé de nous arrêter. Ils se sont jetés sur notre voiture et ont commencé à casser. Ils ne parlaient pas Kirundi mais il y avait deux officiers burundais que j’ai reconnus qui les encadraient. Ces personnes que je traiterais de mercenaires ont tout fait pour tirer mon époux de la voiture. Je suis sortie de la voiture et j’ai demandé ce qu’ils voulaient de mon mari. Ils ont reculé car ils avaient les consignes de ne pas s’en prendre aux Occidentaux. Voyant qu’ils reculaient, j’ai couru à l’intérieur de la voiture et j’ai démarré en trombe. J’ai dit à mon époux d’abandonner l’idée d’aller au mess des officiers et nous sommes plutôt allés chez une famille amie, des Tutsis. De là, nous avons appris que les militaires étaient passés à la maison et recherchaient mon époux.

Le lendemain, je suis allée au commissariat de police pour porter plainte. J’ai donné les noms des officiers burundais qui étaient avec les mercenaires. Ma plainte a tout simplement fait sourire l’inspecteur de police et il l’a classée sans suite!

Après cet incident, j’ai échangé avec un diplomate européen qui m’a certifié que les mercenaires avaient été entraînés sur initiative d’Arthémon Simbananiye. Ce même diplomate m’a confié que la France avait fourni des armes et des munitions aux autorités de Bujumbura, tandis que la Belgique avait contribué financièrement dans l’organisation des répressions selon le plan concocté par Arthémon Simbananiye. C’est pourquoi nous devons nous battre, sortir de la torpeur et agir pour que le génocide de 1972 soit reconnu. »

Reprenant la parole, le professeur Fabien Cishahayo expose sur le devoir de mémoire. « Puisqu’il faut faire barrage, lutter contre l’oubli, briser le silence, libérer la parole; dénoncer et tirer les leçons des tragédies pour ne point devoir en revivre ». Il partage son expérience personnelle de 1972: « Je suis un témoin oculaire. En 1972, j’ai vu, de mes propres yeux, des bulldozers qui allaient creuser des fosses communes. Les endroits où les victimes ont été jetées comme des immondices sont connus: Kukinini à Gitega, au Pont Peké, sur les rives de la Ruvyironza, à Nyambeho. Le génocide pour moi, ce sont des visages des êtres et des noms que je connaissais. Le génocide de 1972, ce ne sont pas des statistiques figées mais des noms des voisins, de tels enseignants de mon école, de tels membres des familles alors prospères dans mon coin, de tels religieux précipités dans le néant. Le génocide de 1972, ce sont des odeurs: des corps mutilés, pourris que les camions transportaient en toute vitesse vers des fosses communes. Le génocide de 1972, ce sont des bruits, des cris stridents des personnes martyrisées dans les commissariats de police, à la prison. Face aux avocats de l’oubli avec leur travail insidieux et souterrain, il faut libérer la parole. Nous devons surmonter les barrières de notre culture burundaise avec ses adages: »Ijambo rigukunze rikugumamo » ou des noms tels que « Ririkumutima, Mbikemunda, Ndayahoze »! Cette culture qui prétend que le silence et l’hypocrisie protègent!

Et le professeur Cishahayo de dénoncer les mécanismes de bestialisation et de chosification de l’autre afin de mieux le lyncher sans que la société ne s’en émeuve outre mesure: Abamenja! Et la même stratégie a perduré au Burundi comme ailleurs: inyankaburundi, Abahima, Mujeri, Ibipinga! « Nous devons dénoncer ce genre de discours, pointer du doigt les responsables (auteurs et commanditaires des crimes): assassinats, disparitions, enlèvements, spoliations des biens et les viols.

Parlant du commandant Martin Ndayahoze, le professeur Fabien Cishahayo souligne qu’il fut un visionnaire: il a alerté son président, son parti et son peuple. D’aucuns diraient qu’il fut naïf de croire que le tribalisme ne pouvait point l’emporter sur l’intérêt supérieur du pays.

Madame Rose Karambizi prend alors la parole. Et d’évoquer l’apport de la révolution rwandaise dans la tragédie burundaise: « avec les événements de la Toussait rwandaise en 1959 et l’arrivée des réfugiés rwandais d’ethnie tutsie au Burundi, certains hauts cadres de l’Etat du Burundi ont commencé à développer la théorie du « péril hutu » tandis que dans certains milieux hutus, d’aucuns fantasmaient sur le modèle rwandais et rêvaient de les imiter. Le Burundi avait une autre épine dans le pied: l’humiliation dont le clan Hima avait été l’objet allait déboucher sur « le crépuscule des Baganwa ». Cette volonté de revanche des Hima était nourrie par le noyau composé de Nugu, Albin Nyamoya et Ntiruhwama. Contre ce noyau, le commandant Martin Ndayahoze n’a jamais cessé d’alerter le président Micombero.

Pour madame Karambizi, le président Micombero était un homme faible, un alcoolique. « Quand on parle du Plan Simbananiye, il ne s’agit pas de rumeurs. Les preuves existent. Mon mari a pris le risque de tout déballer dans ses correspondances remises au président Micombero. Petite anecdote. Je travaillais au ministère des transports et mon directeur me courtisait et je l’envoyait balader. Un jour, il est venu dans mon bureau et m’a dit que les choses allaient changer, qu’ils allaient en finir avec les Hutus et qu’il allait devenir mon ministre. Après le 29 avril, il est devenu mon ministre comme il m’avait dit. Quand il est venu au bureau pour la première fois après sa nomination, tout le personnel l’attendait au drapeau. Moi, je suis restée dans mon bureau. Il est monté directement vers mon bureau pour me demander pourquoi je n’étais pas venue le féliciter! J’ai répondu que l’idée ne m’était pas venue en tête! Et je ne l’ai pas félicité. J’ai quitté le ministère pour aller chercher un autre emploi. »

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Dans son témoignage madame Rose Karambizi dénonce l’instrumentalisation des ethnies par les partis politiques. Elle part de l’expérience rwandaise de 1959. Alors que son père, François Karambizi, avait été nommé sous-chef après ses études dans un petit séminaire, il eut du mal à mobiliser les bras pour travailler dans les champs afin de congédier la famine appelée Ruzagayura. Tenace, il y est pourtant parvenu mais les gens se sont mis à le détester: « un chef qui va dans les champs avec la population, ce n’était pas un tutsi », lui disait-on. Alors que les épidémies emportaient les enfants, les familles dans sa chefferie refusaient de faire vacciner leurs enfants. François Karambizi avait choisi de prêcher par l’exemple: il présentait ses enfants les premiers pour la campagne de vaccinations. Et la foule suivait.

Mais tout changea brusquement avec l’avènement des partis politiques au Rwanda. Dans les discours des politiciens, il apparut le rejet de l’autre: le Tutsi devint un envahisseur qu’il fallait expédier vers l’Ethiopie si nécessaire via les eaux de la Nyabarongo!

Lorsque l’abolition de la monarchie fut proclamée et la république instaurée, les populations qui brûlaient les maisons des Tutsis parlaient du triomphe de la démocratie à la rwandaise! François Karambizi quitta Astrida pour s’installer à Bujumbura. Sa fille Rose Karambizi étudiait depuis quelques années déjà à Ngozi.

François Karambizi put trouver du travail à Bujumbura et cela ne tarda pas à créer un malaise dans les milieux de réfugiés rwandais à Ngagara, par jalousie! Il avait été détesté par sa population lorsqu’il était sous-chef au Rwanda à cause de son amour du travail, il fut de nouveau détesté à Ngagara par la majorité de ses compatriotes qui n’avaient pas de travail. De l’avis de Rose Karambizi, son père fut présenté comme complice de l’assassin de Pierre Ngendandumwe. Un pistolet fut caché par des voisins dans sa maison et la police fut alertée pour venir dare-dare le découvrir et partir cueillir le malheureux à son lieu de travail. Il séjourna en prison pendant trois mois avant d’être blanchi.

L’assassinant de Pierre Ngendandumwe, puis celui des officiers hutus en 1969 participaient du plan visant à casser ce que le cerveau de l’apocalypse burundaise (composé de Micombero, Ndabemeye, Shibura, Ntiruhwama, Albin Nyamoya, Athémon Simbananiye, Yanda, Rwuri etc.) « le péril hutu ».

Et madame Rose Ndayahoze de souligner un fait souvent ignoré: l’élimination des témoins gênants par le régime de Micombero après le génocide. Dans cette volonté de faire taire les témoins, le régime de Micombero a traqué pas de Burundais à l’étranger. A titre d’illustration, le médecin Amédée Kabugubugu avait fait ses études à l’étranger et était parti s’installer au Zaïre. Il reçut un ordre du gouvernement de Bujumbura de rentrer travailler d’abord au Burundi pour rembourser les frais investis dans ses études. Il refusa d’obtempérer. Et Micombero en saisit directement le président Mubutu. Quand Kabugubugu regagna le Burundi manu militari, il fut d’abord humilié dans un poste minable avant d’être assassiné quelques mois plus tard.

Après les exposés ou témoignages des hôtes de marque, les invités au recueillement et à la libération de la parole sur le génocide de 1972 ont été invités à prendre la parole soit pour poser des questions, soit pour partager quelque expérience brièvement.

Parmi les questions posées, il importe de revenir sur celle portant sur le rôle de l’Eglise Catholique durant la tragédie. Pour le professeur Fabien Cishahayo, l’Eglise Catholique prise globalement a brillé par le silence. Cependant, individuellement, certains évêques et prêtres se sont impliqués, au péril de leur vie, pour sauver des vies. « Si les homélies de monseigneur Ntuyahaga répétaient le discours du gouvernement et accablaient les victimes, les œuvres de monseigneur Roger Mpungu, ont sauvé pas mal de vies. Monseigneur Mpungu, oncle d’Antoine Kaburahe, mérite le titre de « juste ».

Et madame Rose Karambizi de partager une anecdote: « pendant les tueries, un groupe d’évêques catholiques sont passés par Lumbete, pour solliciter une audience auprès de Micombero afin de lui demander d’arrêter le massacre des Hutus surtout que les tueries étaient étendues aux élèves et étudiants. Lumbete les a bien reçus et est allé en parler au président Micombero. C’était à 10 heures du matin et il a trouvé le président bien éméché! Micombero lui a demandé de dire aux évêques qu’il était très occupé! Et Lumbete a parlé de l’état d’ébriété dans lequel le président se trouvait. »

A la question de savoir si le commandant Ndayahoze et la majorité des Hutus qui furent conduits comme des moutons vers l’abattoir ne furent pas naïfs, il fit fait remarquer que dans la mentalité burundaise, un responsable « Indongonzi » n’est jamais censé faire le mal mais plutôt rechercher toujours le bien de ses sujets. C’est dans ce contexte que les gens n’offraient aucune résistance surtout qu’ils se disaient innocents et sans aucun lien avec ceux que le régime accusait d’être les Bamenja qui avaient tenté de renverser la république pour rétablir le roi Ntare V au trône.

Vous avez dit « génocide contre les Hutus du Burundi en 1972 »?

Il convient de rappeler que le roi Ntare V avait été rapatrié de Kampala et qu’il a été assassiné dans la nuit du 29 avril 1972. Il faut noter que les mercenaires à qui on attribue des tueries limitées du côté de Rumonge étaient au service du gouvernement de Micombero dans sa stratégie d’offrir quelque sacrifices humains pour accréditer l’hypothèse d’une attaque des monarchistes qui n’a jamais eu lieu. Il faut considérer que le massacre des syndicaliste de Kamenge, l’assassinat de Pierre Ngendandumwe en 1965, le procès expéditif et la mise à mort des officiers hutus rentrés de Belgique en 1969 et le déclenchement des purges ethniques, tout participait d’un seul plan: consommer le génocide contre les Hutus du Burundi. Il s’agit bel et bien d’un génocide et qui a été planifié. Inutile d’ajouter que les militaires du côté de Ngozi et Cibitoke considéraient que dans ces parties du pays ne se trouvait aucun Tutsi et massacraient systématiquement!

Comme tous les témoignages s’y accordent, les militaires, les policiers et les gendarmes se présentaient dans les bureaux administratifs, dans les écoles, les centres de santé, les hôpitaux avec des listes préétablies des personnes à arrêter et lyncher. Qui plus est, les faits sont têtus et bien consignés dans le rapport produit par l’expert onusien Benjamin Whitaker.

En conclusion, le professeur Fabien Cishahayo a exhorté les Burundais à ne pas banaliser la douleur de l’autre. Il a encouragé à poursuivre la culture des commémorations et surtout à libérer la parole et expérimenter la thérapie de la parole qui libère.

En guise de passage à méditer, madame Marie Louise Sibazuri a choisi: « Avant tout, la réconciliation n’est pas une paix précipitée. Elle ne peut être obtenue en supprimant ou en gommant les souvenirs d’une histoire de douleur et de souffrances et en déclarant que désormais tout sera paix. On essaie alors d’évacuer de la vue et de la mémoire douloureuse et difficile, espérant ainsi offrir à toutes les parties un nouveau départ. Souvent, les victimes de cette histoire sont exhortées à pratiquer un pardon chrétien. Comme on peut s’y attendre, cette version de la réconciliation est souvent proposée par ceux qui sont les auteurs de la violence, ou par ceux qui craignent que le souvenir du passé ne provoque de nouvelles violences. Au lieu d’établir la paix, on banalise la souffrance des victimes. Cela revient à dire que les épreuves n’ont pas d’importance et que les victimes comptent pour rien. En oubliant les souffrances avec tant de hâte, on n’oublie les victimes et les causes des souffrances ne sont alors jamais dévoilées ou affrontées » (Schreiter R, les exigences évangéliques et de don de Dieu, in Spiritus, N°35135 de mai 1994, p. 214).

De l’avis de la majorité des participants, l’événement n’aura pas permis aux Burundais de libérer la parole. C’est pourquoi un autre rendez-vous a été proposé pour le 3 juin 2017 à Bruxelles avec unique but: mettre des noms et des visages sur les victimes, parler des circonstances des mises à mort et pointer du doigt les exécutants et les commanditaires. Il a été recommandé d’œuvrer pour le pardon et jamais pour l’oubli. Comme écrit Max Gallo: « L’oubli est la ruse du diable« !

Daniel Kabuto, présent à Bruxelles