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Intervention de l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies lors de la réunion de la Configuration- Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, le 18 novembre 2015

1) Permettez-moi avant tout de vous remercier pour avoir bien voulu organisé cette importante réunion dédiée au rapport de votre visite de terrain à Bujumbura au Burundi, à Kampala en Ouganda et à Dar Es Salaam en République Unie de Tanzanie.

2) Je remercie également tous les autres membres de la configuration-Burundi qui ne cessent de fournir des efforts remarquables pour contribuer à solutionner la situation actuelle au Burundi de façon paisible et durable.

Monsieur le Président,

3) Lors de votre visite, et vous l’avez bien souligné avec éloquence voulue, vous avez rencontré les autorités nationales ainsi que les autres partenaires nationaux du processus de consolidation de la paix au Burundi.

4) Ce fut une visite extrêmement importante non seulement pour vous en votre qualité de Président de la Configuration-Burundi, mais également pour toutes les parties prenantes burundaises qui ont profité de votre présence à Bujumbura pour interagir à cœur ouvert avec vous et votre délégation.

5) Le moment fort de votre visite fut votre audience avec le Président de la République le mercredi 11 novembre 2015 à mi-journée. Au cours de cette audience qui a duré environ 45 minutes, le Président de la République s’est ouvert à vous et un climat de confiance mutuelle s’est installé au fur et en mesure que l’audience avançait. Il vous a entre autre présenté sa vision sur les 5 prochaines années, une vision basée principalement sur quelques grands chantiers auxquels le Président attache une grande importance, à savoir

 Le dialogue politique inclusif, inclusif non seulement en termes de participants mais aussi en terme de dossiers qui feront objet de ce dialogue (accord d’Arusha, Constitution, culture de la démocratie, Charte de l’Unité nationale, formation patriotique, la bonne gouvernance, dossiers sociaux et économique,…

 Réconciliation nationale : Les Burundais doivent savoir leur histoire avant de tourner la page pour aborder l’avenir avec sérénité sur de bonne base. La CVR aura un grand rôle à jouer sur cette recherche de la vérité et la réécriture authentique de notre histoire.

 La lutte contre la pauvreté dans le cadre de l’agenda de développement post 2015. Le Burundi compte demander à ses partenaires de soutenir le nouveau Cadre Stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté qui sera élaboré sous peu. Comme vous le savez, le lien entre la violence et la pauvreté n’est plus à démontrer. Nous devons trouver avec l’appui de nos partenaires des financements prévisibles en faveur des projets créateurs d’emplois pour les jeunes et les femmes. Une fois créés, ces emplois constitueront une alternative à la violence pour les jeunes qui se livrent à des actes violents parce qu’ils n’ont rien à faire, parce qu’ils n’ont plus d’espoir pour le lendemain.

6) Au chapitre de son héritage politique après 2020, le Président de la République vous a rassuré de son engagement solennel à se retirer en 2020 conformément à l’arrêt de Cour Constitutionnelle et qu’il souhaiterait lasser aux Burundais et à son successeur un pays prospère, solidaire, uni et définitivement réconcilié.
Monsieur le Président,

7) Permettez-moi de sortir un peu du rapport de votre visite que vous avez présenté brillamment d’ailleurs pour revenir sur quelques points saillants de l’actualité politique du Burundi en ce moment précis, à savoir le dialogue politique, la sécurité & désarmement, les relations avec les partenaires du Burundi, le développement économique et social et quelques recommandations à la communauté internationale

8) En ce qui concerne le dialogue, ma délégation réaffirme que le dialogue va se poursuivre, car c’est lui qui caractérise la bonne gouvernance et le maintien de la cohésion nationale. Partant du principe directeur de notre commission à la savoir l’appropriation nationale, cette noble tâche de dialogue inclusif revient avant tout au Burundais même si les conseils et l’appui technique et en expertise de la communauté internationale en la matière restent les bienvenus.

9) C’est dans ce cadre que le Président de la République, après de très larges consultations, a mis en place une Commission Nationale de Dialogue Inter burundais (CNDI) inclusive sur le plan politique, ethnique, religieux et de genre.

10) Cette Commission ad hoc aura à aborder durant son mandat des questions ayant trait à la politique, aux relations sociales, à l’économie, à la consolidation de la paix et de la sécurité, à l’Accord de paix d’Arusha, à la constitution, à l’Accord global de cessez-le-feu, à la Charte de l’Unité Nationale du Burundi, au programme d’éducation et de formation patriotique, etc.

11) La dynamique de dialogue inter burundais est déjà enclenchée et elle a besoin des appuis des partenaires du Burundi et surtout les Nations Unies pour aller de l’avant. Le vendredi dernier, la CNDI a lancé officiellement ses travaux sous le haut patronage du Premier vice-Président de la République et en présence de tous les partis politiques agréés au Burundi et de Monsieur KIYONGA, Envoyé spécial du Président Museveni de l’Ouganda. Ce dernier a déclaré au terme de la réunion que la facilitation Ougandaise travaillera étroitement avec la CNDI pour mener à bien le dialogue politique inter burundais.

12) Ma délégation voudrait encore une fois de plus rappeler que ce dialogue, quoi que inclusif, ne devra nullement occulter l’action de la justice, ni consacrer l’impunité dans notre pays. Nous sollicitons la compréhension de nos partenaires à ce sujet. Le Gouvernement du Burundi ne dialoguera qu’avec les acteurs paisibles comme le stipule la résolution 2248 du Conseil de Sécurité adoptée le 12 novembre 2015.

Monsieur le Président

13) Pour ce qui est de la sécurité, ma délégation vous informe que tout le pays est calme et que les citoyens vaquent à leurs activités dans la quiétude, excepté quelques endroits circonscrits dans certains quartiers de Bujumbura où de de petits groupes résiduels de criminels armés s’activement encore. Contrairement aux informations véhiculées par l’opposition radicale basée à l’étranger et certains médias que lui sont affiliés, le Burundi ne brûle pas, vous l’avez constaté vous-mêmeMonsieur le Président même si vous n’avez pas eu l’occasion de visiter l’intérieur du pays où se trouve cette majorité silencieuse dont on parle moins ici et dans les médias internationaux.

14) Les quelques cas de criminalités et de terrorisme local qui visent à attirer l’attention de la communauté internationale sont en train d’être maîtrisés.Je souhaite vous informer qu’il y a plusieurs initiatives de consolidation de la paix dans diverses régions du Burundi mais qui sont malheureusement passées sous silence par des médias qui se contentent uniquement de véhiculer des informations faisant état de violence et de chaos qui règnent dans le pays.

15) S’agissant du désarmement, ma délégation réitère l’engagement du Gouvernement du Burundi à poursuivre son programme de désarmement en conciliant répression, dialogue et prévention. Vous vous souviendrez que le 24 Septembre 2015 a été signé le Décret n° 100/36 portant exemption de poursuites pénales aux détenteurs illégaux d’armes. Ce geste était l’expression de la clémence du Gouvernement envers les détenteurs de ces armes afin qu’ils les remettent d’eux-mêmes sans attendre les sanctions pénales.

16) Tout près nous, le 2 novembre 2015, le Gouvernement a accordé aux groupes de criminels armés un autre délai supplémentaire de 5 jours pour abandonner le recours à la violence et se rendre au force de l’ordre. Le Gouvernement tient à rassurer ses partenaires que ce processus de désarmement se fait depuis le 8 novembre 2015 avec rigueur intelligente pour limiter autant que faire se peut les dommages collatéraux. Pour assurer plus de transparence dans la conduite de ces opérations de désarmement, les observateurs militaires de l’Union Africaine y ont été associés. Tous les chefs des partis politiques agréés au Burundi ont également été invités à se rendre sur les lieux pour être témoins oculaires du bon déroulement de l’opération. Je saisis cette occasion pour solliciter l’appui financier et technique et en expertise des Nations Unies à travers le Fonds de Consolidation de la Paix, en faveur de ce vaste projet de désarmement.

Monsieur le Président,

17) En matière de la reconstruction de la confiance avec nos partenaires, ma délégation souhaite demander à nos partenaires, traditionnels et non traditionnels, de se focaliser plus vers l’avenir du Burundi et d’avancer ensemble avec les dix millions de Burundais. Pour ceux qui ont décidé de suspendre leur aide au développement ou qui envisagent de le faire, je dois avouer qu’une telle décision pénalise les couches vulnérables (femmes, enfants, pauvres) et radicalise les positions sur le terrain. Si de telles suspensions ont été motivées par une appréciation différente de celle des autorités nationales par rapport au processus électoral, c’est le moment maintenant de restaurer la confiance entre nous, de revoir les choses qui n’ont pas bien marché par endroit, et procéder à leur correction dans un cadre de coopération mutuellement profitable et respectueux. Nous devons composer avec le réalisme politique et éviter tout retour en arrière que personne ne souhaite. La poursuite de la confrontation est contre-productive sur tous les points.

Monsieur le Président,

18) En matière de développement socioéconomique, le nouveau Gouvernement élu compte élaborer et mettre en œuvre un nouveau Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté. A cet effet, nous sollicitons l’appui de nos partenaires traditionnels et non traditionnels pour la mise en application de ce projet ambitieux visant à réduire la pauvreté au Burundi dans le cadre de l’agenda de développement post-2015. C’est ici que le rôle de la configuration-Burundi devient crucial étant donné que sa mission principale de mobilisateur de ressources en faveur des pays post-conflits afin qu’ils ne retombent pas dans la violence. La configuration-Burundi peut servir de pont entre le Burundi et ses partenaires dans le cadre de la restauration de la confiance entre les deux parties durant la phase de reconstruction du pays.

19) Pour terminer, permettez-moi de formuler quelques recommandations à la Communauté internationale par rapport à situation actuelle au Burundi. Il s’agit en quelques motsdes recommandations que le Ministre des relations Extérieures et de la Coopération Internationale du Burundi avait formulées devant le Conseil de Sécurité le 9 novembre 2015 et que je souhaite réitérer devant les membres de la configuration-Burundi.

20) Premièrement, investir dans l’économie et le relèvement communautaire en finançant généreusement les projets qui créent de l’emploi pour les jeunes, des femmes et d’autres groupes vulnérables afin de leur permettre d’avoir une alternative à la violence.

21) Deuxièmement, éviter autant que faire se peut de recourir aux sanctions car elles sont inefficaces à plusieurs points. Non seulement, elles affectent les groupes vulnérables (femmes et jeunes), mais également elles radicalisent les positions initiales sur la situation politique.

22) Troisièmement, soutenir le dialogue national inter burundais à tous les niveaux est une bonne démarche qui aura pour effet positif d’être à même de mieux encourager le Gouvernement et l’opposition à agir de concert pour l’intérêt national. Le dialogue national inter Burundaise permettra à plusieurs citoyens de s’exprimer sur toutes les questions qui divisent les burundais afin de trouver des solutions durables menant vers une réconciliation définitive.

23) Quatrièmement, coopérer et dialoguer pleinement avec le Gouvernement élu du Burundi plutôt que durcir les positions à travers les communiqués de presse interposés et l’adoption des sanctions sélectives. Les relations frontales de ces derniers jours avec nos partenaires devraient cesser et laisser la place à la reconstruction de la confiance perdue à travers un dialogue franc et sincère.

24) Cinquièmement et enfin, redoubler de vigilance et d’attention lors qu’il est question d’analyser certaines fausses alertes de génocide ou de massacres de masse au Burundi. Cette carte de menace génocidaire est mise en avant par l’opposition radicale basée à l’étranger dans le seul dessein d’attirer l’attention de la communauté internationale. Je répète ici ce qu’ai l’habitude de dire : le problème burundais est un problème fondamentalement politique et sa solution doit être politique. Partant de ce principe, je me permets de dire sans risque de me tromper que la probabilité de guerre civile à caractère ethnique au Burundi est presque nulle. Il s’agit d’un génocide matriciel que l’opposition radicale essaie de vendre à la communauté internationale à partir des pays d’accueil. Encore fois, ce génocide n’aura pas lieu, il est vivant uniquement dans certaines têtes de l’opposition en exil.