Melchior Ndadaye : Il promettait un Burundi nouveau, il en est injustement mort
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Huit jours seulement après la commémoration du 57e anniversaire de l’assassinat du prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance, le peuple burundais se souvient d’un autre héros, celui de la démocratie, le président Melchior Ndadaye lâchement assassiné le 21 octobre 1993, lui et ses plus proches collaborateurs, par un groupe de militaires putschistes profondément marqué par l’intolérance ethnique. C’est dire et redire à quel point le mois d’octobre est tout à fait particulier au Burundi en raison de deux dates d’un souvenir amer, c’est-à-dire le 13 octobre 1961 et le 21 octobre 1993. De même que le prince Louis Rwagasore venait, avant d’être assassiné, de gagner les élections législatives le 18 septembre 1961, de même le président Melchior Ndadaye venait de remporter la victoire aux élections démocratiques pluralistes de juin 1993, devenant ainsi le premier président démocratiquement élu dans l’Histoire du Burundi.

Le lâche assassinat, il y a aujourd’hui 25 ans, du président Melchior Ndadaye, fut immédiatement suivi par des violences interethniques d’une rare gravité qui durèrent plus d’une décennie, emportant plusieurs vies humaines, faisant beaucoup de dégâts matériels et mettant un nombre important de Burundais sur le chemin de l’exil. Il a fallu l’avènement du parti CNDD-FDD au pouvoir en 2005, à l’issue des élections démocratiques pluralistes, libres et transparentes, pour que prennent fin les violences interethniques de 1993, l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi signé en août 2000, n’y étant pas parvenu.

Choisir le moment où le président Melchior Ndadaye promettait un Burundi nouveau, assurait les perdants aux élections de juin 1993 que sa victoire était celle de tout le peuple burundais, choisir le moment où le peuple burundais venait de se doter, pour la première fois, d’un chef d’Etat en passant par la voie des urnes, rompant ainsi avec les malheureuses périodes des putschs militaires, où le président Melchior Ndadaye appelait tous les Burundais, gagnants et perdants, à construire ensemble le pays et la démocratie, choisir le moment où il prônait la paix et la réconciliation du peuple burundais avec lui-même pour l’assassiner, était commettre la pire des forfaitures. Est-il besoin de souligner que l’assassinat du président Melchior Ndadaye a été un acte lâche qu’aucun prétexte ne peut justifier, qu’aucune revendication ne saurait excuser ? Que pouvait vouloir rechercher un groupe d’extrémistes militaires entièrement responsables des massacres interethniques qui ont suivi l’assassinat d’un chef d’Etat, qui venait d’occuper le Fauteuil suprême, conformément à la volonté du peuple burundais dans sa majorité ?

Vingt-cinq ans après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, posons-nous légitimement cette question : tous les coups seraient-ils permis, de nos jours, pour accéder sans crainte du vertige, aux marches les plus hautes possibles du pouvoir ? Cinquante-six ans après son indépendance, le peuple burundais est politiquement mûr, résolument engagé à défendre la seule cause de la démocratie et de la liberté, telles qu’inscrites dans la Constitution. La réponse est donc non.

Louis Kamwenubusa