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C’est en direct du journal Afrique de France 24 de cette soirée de mercredi 24 juin que Gervais Rufyikiri vient d’annoncer sa défection. Il etait l’invité de Pauline Simonet, l’amie d’Alexis Sinduhije. Rufyikiri déclare s’opposer à un troisième mandat du président Nkurunziza. Presque deux mois après le congrès du parti CNDD-FDD qui a plébiscité Nkurunziza! Gervais Rufyikiri sort de l’ombre, renonce enfin à son poste juteux de vice président et dit préférer rester en Belgique, pays dont il possède également la nationalité. Drôle de coïncidence car c’est le même jour où commence la campagne de Nkurunziza pour la présidentielle du 15 juillet! Le hasard en politique n’existe pas.

Dans sa déclaration, Gervais Rufyikiri accuse le président Nkurunziza de violer les lois en tenant coûte que coûte à briguer un nouveau mandat. Il affirme avoir déjà donné sa position sur cette question depuis le mois de mars dernier, lors de la réunion du conseil des sages, organe très fermé de décision au sein du parti CNDD-FDD. On sait que les délibérations dudit conseil des sages avaient atterri sur les ondes de la radio RPA. Quelques jours plus tard, un groupe de militants du CNDD-FDD avait sorti une pétition contre la candidature de Nkurunziza. Les sanctions provisoires étaient vite tombées contre les signataires de la pétition. Beaucoup de collaborateurs directs de Gervais Rufyikiri figuraient sur la liste. Ceux qui se sont repentis et sont revenus sur leur signature avaient accusé Gervais Rufyikiri d’être le cerveau de la fronde. Mais il s’était muré dans le silence.

Gervais Rufyikiri fut humilié lors du congrès du 25 avril: il perdit la qualité de membre du conseil des sages. Cela venait s’ajouter à l’exclusion des listes des candidats parlementaires et même de conseiller communal! Malgré ces preuves d’une disgrâce insupportable, Gervais Rufyikiri s’est maintenu au poste de Vice-président. Le Président Nkurunziza décida de le torturer moralement en lui privant de toute mission à l’étranger. Ce fut l’aubaine pour le premier vice président, Prosper Bazombanza! Il récupéra toutes les missions à l’étranger normalement dévolues au deuxième Vice-président.

Comme baroud d’honneur, Gervais Rufyikiri refusa de contresigner les décrets limogeant ses proches collaborateurs sanctionnés par le parti au pouvoir. Depuis avril dernier, Rufyikiri n’avait plus quitté le Burundi. Ses proches collaborateurs le disaient très mal, écartelé entre l’envie de démissionner et l’espoir de voir les organisateurs des manifestations violentes renverser Nkurunziza.

Avec l’échec du putsch et des manifestations, Rufyikiri avait compris que sa fronde n’avait accouché que d’une souris. Avec le temps, le monde entier découvrait la supercherie derrière le mandat dit controversé de Nkurunziza. La reconnaissance du rôle capital de l’EAC dans la recherche d’une solution à la crise a anéanti tous les plans des détracteurs de Nkurunziza. La Tanzanie et l’Afrique du Sud ont découvert le rôle joué par Kigali dans la déstabilisation du Burundi. D’autre part, ne pas reconnaître le verdict de la cour constitutionnelle pouvait créer un précédent dangereux dans la sous-région. Il était devenu clair que Nkurunziza profitait d’un flou juridique et qu’il bénéficiait d’un soutien de la grande majorité des Burundais.

Des sources dignes de foi affirment que Gervais Rufyikiri est très proche du général Godefroid Niyombare. Or, sa mutinerie avec l’appui des médias locaux et internationaux s’est terminée de façon lamentable. Un coup d’épée dans un verre d’eau. Autrement dit, Nkurunziza demeure l’homme de la situation, avec l’appui de l’armée, de la police et des services de renseignements. Ces mêmes sources rappellent que Rufyikiri a beaucoup souffert d’être considéré par certains généraux issus de l’ancien mouvement rebelle CNDD-FDD comme un pion des Occidentaux. On lui attribue d’ailleurs une tentative de soumettre sa candidature comme président de la république depuis 2010!

A la veille des élections, l’officialisation de la défection est un coup médiatique et diplomatique non négligeable. Sur la scène internationale, Rufyikiri va gagner la sympathie des milieux belges hostiles à Nkurunziza. Mais comme sa disgrâce n’était qu’un secret de polichinelle, le coup est facilement amorti à Bujumbura. D’ailleurs, sa défection est moins intéressante que la reprise du dialogue ou l’enjeu des élections attendues ce 29 juin!

Gervais Rufyikiri clame maintenant son opposition à la candidature de Nkurunziza. Au moment où ce débat est dépassé! A trop vouloir s’accrocher au poste de Vice-président, il a gaspillé ses chances d’une sortie honorable. S’il était parti au même moment que l’ancien porte parole du président ou du parti, il aurait gagné en respect. Il a choisi lui-même de se tirer par la petite porte, déjà à l’aéroport de Bujumbura! Une avalanche d’interrogations va le suivre de même que des révélations moins élogieuses sur sa personnalité, ses injustices et son enrichissement au terme de dix ans dans la mangeoire!

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