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La protection physique des journalistes doit être au cœur du leitmotiv de la nouvelle loi de la presse promulguée le 9 mai 2015 en remplacement de celle du 6 juin 2013 jugée ″trop liberticide″ par les professionnels des médias au Burundi, estime M. Ramadhan Karenga, journaliste de profession, ancien ministre burundais de l’Information et actuel président du Conseil national de la communication(CNC). ″Ma préoccupation du moment est le fait d’ajuster au niveau de cette loi, des dispositions qui ne cadrent plus avec les réalités du terrain. Moi, je régule, je gère les médias au quotidien et je sais que le problème crucial d’actualité, c’est cette préoccupation omniprésente portant sur la sécurité physique des journalistes et de leurs matériels pour pouvoir fonctionner normalement″, a-t-il dit mardi à Bujumbura, au cours d’une une interview accordée à l’Agence burundaise de presse (ABP), en marge d’une session d’information à des représentants des médias opérationnels au Burundi.

Pour ce faire, l’ancien ministre Karenga a encouragé les journalistes burundais qui ne se sont pas encore fait inscrire au registre national des médias instauré par le CNC, à ″presser le pas″ en vue de se faire protéger par un cadre réglementaire adéquat. Une mise à jour régulière de l’enregistrement des journalistes au registre national des médias, a-t-il expliqué, permettra au CNC de s’acquitter ″efficacement″ de sa mission constitutionnelle de ″protecteur″ des droits des professionnels des médias vis-à-vis des obstacles croisés sur leur parcours professionnel.

″La pertinence de ce plaidoyer trouve ses fondements dans l’histoire récente burundaise ; car, qu’on se le dise avec intensité, cette nouvelle loi, sortie en pleine crise et dont le contenu est ignoré par la quasi-majorité des journalistes, n’a donc pas pu être vulgarisée et largement diffusée jusqu’ici″, a-t-il fait remarquer. M. Karenga s’est voulu ″rassurant″ vis-à-vis du caractère inclusif de cette nouvelle législation sur la presse burundaise. La nouvelle loi, a-t-il insisté, est venue servir tous les courants médiatiques indépendamment de leur ligne éditoriale. ″Non, la loi concerne tout citoyen. Par ailleurs, la question qui se pose est celle de savoir si les professionnels des médias partis en cavale des suites de la crise, l’ont été en association avec leurs organes de presse respectifs ou à titre personnel″, a-t-il souligné.

Il a reconnu cependant que trois médias audio-visuels, à savoir la Radio publique africaine (RPA), la Radio-Télé Renaissance FM et la Radio Sans Frontières-Bonesha FM (RSF-Bonesha FM), ne sont pas encore fonctionnels du fait des poursuites judiciaires engagées contre elles, par rapport à l’affaire du coup d’Etat avorté du 13 mai 2015.Toutefois, M. Karenga s’est dit heureux de constater que certains journalistes appartenant à ces médiums sont présents dans le pays. Il a saisi l’occasion d’interpeller les professionnels des médias, burundais ou étrangers opérant à partir du territoire burundais, à s’armer de la loi pour mieux se protéger.

″Car, pour pouvoir exercer, ils doivent disposer, au préalable, d’une accréditation du CNC ; tout en restant, sur le terrain professionnel, en contact permanent avec l’institution de régulation pour la gestion des situations imprévues pouvant surgir de manière subite″, a-t-il recommandé. Pour exemple, il a cité l’implication récente du CNC, pour faire libérer au nord de la ville de Bujumbura une journaliste américaine, certes détentrice d’une pièce d’accréditation, mais qui s’était fait accompagner d’un collaborateur burundais ″non encore inscrit″ au registre national des médias.

Selon M. Karenga, les journalistes burundais doivent ″s’accrocher mordicus aux acquis″ de la nouvelle loi régissant la presse au Burundi, au niveau des innovations qu’elle renferme. Sur ce, il a pointé du doigt la réaffirmation de la liberté de la presse, la protection des sources d’information, la protection du journaliste et son matériel, l’exonération de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ainsi que la jouissance de l’exercice du droit syndical. Cependant, M. Karenga a signalé que les pouvoirs publics burundais sont à pied d’œuvre pour ″aménager″ au sein de cette loi, certaines clauses, pour les conformer aux réalités du terrain professionnel.

Ces clauses en train de subir des retouches, a-t-il révélé, se veulent porteuses de changement au niveau de l’instauration des modalités de fonctionnement de l’imprimerie, de la librairie, de l’édition, du cinéma et des agences en communication. Il a souligné également que les aménagements envisagés sont un apport de réponse à une disposition, qui, jusque-là, est restée conflictuelle.″La disposition dit que, pour exercer au Burundi, tout journaliste ou technicien d’information, doit requérir une carte de presse délivrée par le CNC ; alors que, la même loi dispose que le CNC, pour délivrer cette carte, doit recourir aux modalités précisées dans un texte de loi portant statut de journaliste professionnel et de technicien de communication, n’existant pas encore aujourd’hui″, a-t-il explicité. Pour lui, c’est cette situation qui explique pourquoi les journalistes burundais n’ont pas encore de carte de presse.

En attendant la délivrance de celle-ci, a-t-il dit, le CNC a été autorisé à ″créer des conditions intermédiaires″, via notamment la mise en place d’un registre national des médias, sur base duquel les professionnels peuvent obtenir une ″attestation de reconnaissance″ de la part de cet organe de régulation.

BUJUMBURA, 26 octobre (ABP)