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C’est dans la sagesse traditionnelle burundaise qu’il est rapporté le conte d’un insensé qui a transporté une hyène sur son dos. Il est rapporté que les gens sensés ont crié au scandale et ont mis en garde contre une telle maladresse. L’homme insensé a fait la sourde oreille. Il a poursuivi sa route vers la tanière du prédateur carnivore. Une fois à destination, il a déposé par terre son amie et fut surpris d’être pris pour proie. C’était trop tard.

Rwasa a tenté de récupérer son parti en vain. Il est entré dans la coalition ADC avant de se retirer sur la pointe des pieds. Il est entré dans la coalition RANAC avant d’en être écarté par la loi: pas de coalition des partis politiques et des indépendants. C’est finalement en indépendant qu’il a décidé de participer aux élections. Son désarroi a été suivi à la loupe par un groupe peu recommandable: l’aile dure de l’UPRONA représenté par Charles Nditije. Un Hutu de service comme disent certains militants de l’autre aile légale. Car derrière Nditije, c’est le major Pierre Buyoya, Bernard Busokoza, Gasutwa, Manwangari et bien des caciques de l’UPRONA des putschistes qui tirent les ficelles.

On aurait cru à une stratégie de ceux qui redoutent la popularité de l’ancien rebelle. Que non! Il suffit de voir la composition des listes des candidats que Rwasa a alignées pour les communales et les législatives. Il a fait une part très grande aux caciques de l’UPRONA. Ne parlons pas d’alliance contre nature car en politique tout est possible: les ennemis d’hier deviennent des alliés de circonstances et contre un ennemi commun, l’union sacrée est vite créée! Il faut se demander plutôt si Rwasa ne va pas servir de marchepied pour les caciques de l’UPRONA qui ont besoin de lui pour récupérer le pouvoir!

La question taraude bien des esprits quand on sait qu’il s’agit d’une coalition des indépendants. Ils peuvent entrer dans les conseils communaux et au parlement mais jamais au gouvernement. La constitution en vigueur le veut ainsi: seuls les partis politiques qui ont atteint un certain score et qui le désirent peuvent entrer au gouvernement.

Toutefois, si les caciques de l’UPRONA avec Rwasa gagnent une minorité de blocage, la farce sera jouée car ils vont paralyser les institutions ou pousser à une révision rapide de la constitution pour soit instaurer le poste de Premier ministre, soit autoriser l’entrée des indépendants dans le gouvernement. Comme les caciques de l’UPRONA n’ont aucun doute sur la victoire du CNDD-FDD, ils vont jouer la carte ethnique pour décrocher le poste de Premier ministre. A ce moment, ils vont alors sortir de la coalition avec Rwasa et reprendre le tandem avec le CNDD-FDD. Comme une hyène déposée à terre et qui se tourne méchamment contre son bienfaiteur! N’a-t-on pas dit que l’UPRONA est un monstre sacré au Burundi? Abadacikana comme une hydre?

Plutôt que de présenter ce scénario à la rwandaise avec Rwasa dans le rôle de Pasteur Bizimungu, les caciques de l’UPRONA miroitent le poste de président de la république à Rwasa. Cela expliquerait d’ailleurs la position de Pierre Buyoya contre une nouvelle candidature de Nkurunziza. Tout le monde est tombé des nues après l’unité autour de sa candidature pour la Francophonie. Mais pour ce groupe des fossoyeurs de la démocratie burundaise, la mise à l’écart de Nkurunziza est synonyme de victoire pour Rwasa. Ils se basent sur les difficultés qu’aurait un autre candidat non préparé voire peu charismatique pour appeler Rwasa, son Excellence monsieur le presdient! C’est toujours maladroit de vendre la peau de l’ours avant qu’il soit tué!

L’espoir de gagner expliquerait l’attitude de Rwasa qui, en homme d’Etat potentiel, refuse de cautionner les manifestations des opposants aux abois. Il compte tout de même lancer sa horde des militants et sympathisants hutus dans la rue une fois que la candidature de Nkurunziza sera officialisée. Pierre Buyoya aurait promis l’appui des démobilisés ex-FAB comme cela a été compris lorsqu’un responsable d’une association de ce groupe a fait une déclaration en menaçant les Imbonerakure. Autrement dit, Rwasa ou le putsch! Comme en 1993? Et si Buyoya se trompait d’époque et sur le peuple?

Rwasa serait désormais sur un point de non retour. Il croit dans le projet de ses maîtres à penser. Il serait farouchement opposé aux sollicitations de Sinduhije, Léonce Ngendakumana ou Jean Minani qui ne cachent plus leur pessimisme quant aux chances de renverser le système DD. Et le boycott comme en 2010 est déjà évoqué mais en se disant déterminés à rendre le pays ingouvernable. L’option d’une transition est par ailleyrs privilégiée. Pour cela, il leur faut un chaos sur fond de bain de sang.

La communauté internationale commence à comprendre les véritables dangers et les enjeux derrière la dénonciation de la candidature de Nkurunziza. A New York, il est prévu le lundi 20 avril un déjeuner du secrétaire général de l’ONU avec des diplomates sur le Burundi. Déjà un appel vient d’être lancé aux politiciens burundais, toutes tendances confondues, à cesser les violences à travers la manipulation des jeunes. La diversion avec la diabolisation des Imbonerakure a été mise à nu. Les comploteurs doivent agir à visage découvert: soit pour ou contre les élections!

La candidature de Nkurunziza n’est plus une préoccupation de l’ONU voire de bien des partenaires du Burundi. Rwasa va-t-il faire montre d’intelligence et se contenter d’un score honorable pour devenir réellement la deuxième force politique du pays comme certains sondages le prédisent? Va-t-il-il se perdre derrière des chimères des caciques de l’UPRONA comme en 2010? Notez que, sans les Hutus de service comme Ngeze François et consorts, le Burundi aurait évité bien des tragédies. Et sans les Tutsis de service, que serait le Burundi sous le règne du CNDD-FDD? Question mark.

Paul Sorongo