Gitega et Rainbow mining Burundi en terrain miné
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Au moment où le conflit entre l’Etat burundais et la société d’exploitation minière Rainbow mining Burundi s’enlise, Iwacu a fait parler un membre de la société civile et recueilli le témoignage anonyme d’un employé du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines.

Dans une lettre datée du 31 mars 2021, le cabinet du Premier ministre précise au ministère de l’Hydraulique, l’Energie et les Mines que suite au rapport d’étape de la commission d’évaluation de la convention de l’exploitation minière sur les gisements des terres rares de Gakara, l’exportation des terres rares est désormais interdite étant donné, souligne cette lettre, la violation de la Convention signée entre le Gouvernement burundais et la société Rainbow mining Burundi.

 
Gitega et Rainbow mining Burundi en terrain miné

Le 24 juin 2021, le ministre Ibrahim Uwizeye a annoncé la suspension des activités d’exploitation minière des terres rares de Gakara.
 
8 avril 2021. Dans une lettre à la société Rainbow mining Burundi, le ministère en charge de l’Energie et des Mines signifie à la société Rainbow mining Burundi l’interdiction de l’exportation des terres rares. Six jours après, Rainbow mining Burundi rédige une lettre à l’endroit du ministère en charge de l’Energie et des mines où la société demande la levée de l’interdiction de l’exportation des terres rares.

18 mai 2021, la société Rainbow mining Burundi, dans une correspondance au ministère de l’Hydraulique, l’Energie et les mines, sollicite une négociation avec le Gouvernement burundais pour adopter le principe gagnant-gagnant.
24 juin 2021, le ministère de l’Energie et des Mines annonce à la société Rainbow mining Burundi la suspension des activités d’exploitation minière des terres rares de Gakara « jusqu’à l’adoption des clauses issues des négociations entre la société Rainbow mining Burundi et le Gouvernement burundais ».

Alain-Guillaume Bunyoni : « Nous nous sommes rendus compte que ces sociétés n’étaient là que pour piller nos richesses minières. »

Dans une séance de questions à l’Assemblée nationale en date du 15 avril, le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni a eu des mots très durs vis-à-vis des sociétés d’exploitation minière au Burundi. « Beaucoup de ces sociétés ont reçu des mises en demeure parce que nous nous sommes rendu compte qu’elles n’étaient là que pour piller nos richesses minières. Elles ont dupé le Gouvernement depuis les conventions qui régissent leur fonctionnement jusqu’à l’exécution de leurs activités. Des crapules en quelque sorte ». Le Premier ministre a poursuivi sur cette lancée en expliquant que le Gouvernement ne pouvait plus laisser faire ces sociétés d’exploitation minière « pour ne pas que nos sous-sols se retrouvent vides jusqu’à manquer du sable pour boucher les trous occasionnés par l’exploitation »


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« Des pots-de-vin ont été perçus par de hautes autorités », dixit T.Z, un employé au ministère de l’Energie et des Mines

Selon T.Z., la société Rainbow mining Burundi payait une taxe minimale par rapport à la valeur des différents éléments contenus dans les terres rares « eu égard au fait que la société ne payait ses taxes que pour les éléments de base et non sur les éléments associés parmi les terres rares ».

« Comme Rainbow mining rechigne à montrer ses résultats en matière de teneur pour les terres rares qu’elle exporte, l’Etat ne récolte que 10% du bénéfice de ce qu’il devrait avoir », avance notre source au sein du ministère en charge des Mines.

D’après cet employé du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, Rainbow mining Burundi n’a pas aussi rempli ses engagements. « Il était prévu la construction d’infrastructures socioéconomiques telles des écoles, des structures de santé. La société devait par exemple construire une école technique à Mutambu (Province Bujumbura rural) et une route goudronnée y menant. De tout cela, elle n’en a rien fait »

D’ailleurs, voyant que la société n’a pas accompli ses promesses, défend T.Z., la population de Mutambu s’est érigée contre la poursuite des activités de Rainbow mining.

Et de soutenir qu’à partir du moment où Rainbow mining Burundi n’a pas respecté ses engagements, l’Etat est dans son bon droit de suspendre la poursuite des exploitations minières menées par la société.

Interrogé sur de possibles défaillances du côté gouvernemental, T.Z. révèle : « Quand les gens de Rainbow mining sont arrivés au Burundi, des personnages haut placés nous ont ordonné d’accéder à leurs demandes.» Preuve en est d’un tel favoritisme, selon lui, aucun appel d’offres pour la société qui allait gagner le marché d’exploitation des terres rares à Gakara n’avait jamais été lancé.

T. Z. ne s’arrête pas là : « Des pots-de-vin ont été perçus par de hautes autorités pour laisser faire la société Rainbow mining Burundi.»

Gabriel Rufyiri : « C’est du pillage des ressources »

Le président de l’Olucome avance que le Code minier est la principale source du problème : « Il est dit dans le Code minier que la société signataire de la convention dispose de 51% des parts, 39% détenus par d’autres actionnaires et 10% des parts appartenant à l’Etat burundais. Dans ces conditions-là, le principe gagnant-gagnant n’est pas possible.»

Gabriel Rufyiri pointe aussi la responsabilité des pouvoirs publics : «Comment se fait-il que les choses aient pu en arriver là au moment où l’Etat dispose d’un vice-président dans le Conseil d’Administration au sein de la société mixte d’exploitation minière sans parler d’autres membres au sein du même Conseil ?»

Et de poursuivre : « Quand on jette un œil sur les marchés internationaux, on se rend compte que le Burundi exporte de grandes quantités de matières premières, mais on ne saura jamais les revenus tirés de leur vente. C’est du pillage des ressources minières. Mais par qui ? C’est la grande question qui se pose.»

Pour le leader de la lutte anticorruption, les mines sont l’un des secteurs où l’Etat perd beaucoup d’argent « du fait que ceux qui devraient veiller à la protection de la chose publique ne le font pas».

M. Rufyiri demande que ce dossier soit porté devant la justice : « Il faut des poursuites contre ceux qui ont représenté le gouvernement burundais dans la négociation et le suivi quant à l’exploitation minière par des sociétés. C’est là le nœud du problème.»

« Il faut que le code dont il y a lieu de penser qu’il sera amendé ne se mette pas en place à huis clos, mais soit le fruit d’un consensus entre tous les partenaires (gouvernement, société civile, …) », conclut-il.

Dans les jours à venir, Iwacu publiera la réaction de la société incriminée.