Fête de l’Unité : le président tape du poing sur la table
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Lors de la célébration du 30e anniversaire de l’adoption de la charte de l’Unité nationale, le 5 février, le président de la République a été on ne peut plus ferme sur certains points. Une sortie qui a suscité moult interrogations et réactions. Iwacu revient sur les passages « saillants » de ce discours.

Par Alphonse Yikeze, Hervé Mugisha, Emery Kwizera, Clarisse Shaka et Jérémie Misago

> Souvenez-vous de Moïse quand il tranchait les litiges à longueur de journées ? Son beau-père Jethro est venu lui dire : tu meurs mon frère. Moi aussi il y a ceux qui m’ont dit que je mourrai en cours de route car je suis déjà la quête des fautes des leaders jusqu’à la base. Puisque je n’ai pas trouvé ceux qui m’appuient au niveau inférieur ! Mais nous les trouverons petit à petit jusqu’à ce que nous ayons des gens comme ceux-là que Jethro a proposés à Moïse. Nous en aurons. N’ayez pas peur. Ça ne sera pas fatiguant car nous devons savoir que les citoyens sont dans leurs droits. Pour le savoir, tu te mets parmi eux pour les écouter puisque les autres ont refusé de te le dire. Le roi est alors appuyé par des hommes responsables. Tu ne peux dire que tu es un président de la République, un père de la Nation alors que tu n’as pas des adjoints responsables qui peuvent te représenter. Je vous ai dit que si nous prenons une décision ici même, ça sera fini. Les leaders religieux sont ici, les leaders du pays dans le secteur sécurité, dans le secteur justice… tout le monde, même la communauté internationale est représentée, si nous prenons une décision, nous allons avoir une même vision. C’est pourquoi j’ai voulu que nous quittions cet endroit au moins en comprenant les choses de la même façon.

> La guerre entre frères ne se termine pas facilement. Si nous avons atteint ce niveau alors que nous nous sommes entretués, cela n’a pas été chose facile. Le crime de sang est mauvais. Tu peux commettre d’autres crimes mais laisse le crime de sang. Chers frères Burundais, leaders, donnons des conseils au Burundais : commets n’importe quel péché mais ne tue pas. Car le sang cause la malédiction. Donnons-nous des conseils. Que tu te rebelle ou pas. Rebelle-toi jusqu’à ce que tu dormes dans la rue. Mais, ne tue pas. Il n’y a aucune raison qui peut te pousser à tuer. Aucune raison. Car une personne ne t’appartient pas. C’est une créature de Dieu. Tu peux brûler une maison et en construire une autre. Mais tu ne peux pas ressusciter une personne que tu as tuée. Maintenant nous regrettons tous ce qui s’est passé. En regardant les restes des corps déterrés, nous sentons des douleurs au cœur. Mais ce qui me fait plaisir est que cela fait mal à tous les Burundais. Car j’entends des Burundais se demander mutuellement : est-ce que ces leaders étaient bien portant mentalement ? Cela montre que nous Burundais avons un autre cœur plein d’humanité. Ce n’est pas anodin de retrouver l’humanité alors que nous nous sommes entretués.

> Si, à partir de maintenant nous décidons de rentrer jurant que nous allons bâtir le Burundi dans l’unité, c’est-à-dire que c’est fini. Car je vous le dits aucun pays n’a jamais été détruit par de simples citoyens, il est détruit par la gouvernance, par les leaders. Et ici vous êtes des leaders, vous êtes la tête du pays. Décidons d’être un et vous verrez que personne ne pourra nous diviser.

> Maudissez les responsables politiques qui se méconduisent même si vous avez des liens de sang !


Ce qu’ils ont retenu

Le discours du Chef de l’Etat lors de la fête de l’Unité, a été différemment apprécié par les politiques. Quelques-uns s’expriment…

Sylvestre Ntibantunganya : « Un discours d’une profondeur inouïe »

L’ancien président de la République ne tarit pas d’éloges. « Un discours rempli d’idées novatrices, très en phase avec les problèmes qu’a connus et traversent le Burundi ». Plus que tout, M. Ntibantunganya insiste sur le caractère pédagogique qu’il revêtait, ainsi que les mécanismes très adéquats empruntés au niveau de la communication pour aborder tous les aspects de la vie socio-politique.

Ainsi, à travers son discours, l’ancien président indique avoir senti un président de la République déterminé, décidé à se défaire du passé pour jeter les bases d’un Burundi qui va de l’avant.

Allusion faite à ce moment où il rappelle le parterre de dignitaires à ces cérémonies que le développement du pays passe par leur changement. « Un moment important parce que, sans détours, il a fait comprendre à ces responsables que la balle est dans leur camp. Désormais, il n’allait plus tolérer certains égarements ».

L’autre fait marquant de son discours, selon le président Ntibantunganya concerne sa façon d’aborder les problèmes relationnels avec les pays colonisateurs, en l’occurrence l’Allemagne et la Belgique. D’après lui, en affirmant haut et fort que le Burundi était disposé à les assainir dans le respect, c’est un geste fort. En témoigne, son clin d’œil aux Burundais qui veulent toujours s’infantiliser face aux problèmes que traverse notre pays, oubliant leur part de responsabilité.

Olivier Nkurunziza : « Pas d’unité nationale là où règnent les voleurs »

Pour le secrétaire général de l’Uprona, le propos du chef de l’Etat où il juge qu’au Burundi, il n’y a aucune raison valable pour tuer un être humain est la première chose qui l’a marqué.

La déclaration présidentielle sur la justice a aussi retenu l’attention de ce haut responsable du parti de Rwagasore. « Là où les procès sont rendus de manière inéquitable, il y aura toujours des troubles »

Et d’ajouter également. « Le président a également insisté sur le fait d’éviter de se fier aux commérages, il s’est aussi plaint de ses collaborateurs qu’il estime ne pas être à la hauteur de leur tâche ». Olivier Nkurunziza n’oublie pas de souscrire aux dires du dirigeant burundais sur les dirigeants qui ne doivent céder à la corruption, sur l’Etat qui doit assumer ses responsabilités.

Le secrétaire général de l’Uprona dit soutenir « à 100% » le président Ndayishimiye quand il évoque la lutte ferme contre la corruption et sa plaidoirie en faveur de la bonne gouvernance. « Pas d’unité nationale là où règnent les voleurs, là où règnent l’injustice, là où se commettent des homicides. L’unité nationale c’est dans le développement, la solidarité et la compassion envers autrui », a conclu M. Nkurunziza.

Léonce Ngendakumana inquiet de la possible disparition des quotas ethniques

Le vice-président du Sahwanya Frodebu, dit avoir été marqué par la reconnaissance du président de la République de la valeur du contenu de cette charte pour faire du Burundi une nation digne, unie, réconciliée et prospère. Pour lui, Evariste Ndayishimiye a tout de suite reconnu qu’aucun gouvernement du Burundi n’a jusqu’ici respecté cette charte d’unité nationale. « Depuis son adoption en 1991, seul le parti CNDD-FDD est au de 15 ans au pouvoir depuis plus de 15 ans. Pourquoi pendant toute cette période, il ne l’a pas mis en application. Y aura-il un miracle ?», doute cet ancien président de l’Assemblée nationale.

D’après M. Ngendakumana, le président a fustigé le rôle du colon dans la rupture de l’unité nationale. Et de s’interroger : « Comment expliquer que 60 ans après les Burundais n’ont pas su redresser la situation ? ». Pour lui, c’est inacceptable de continuer à responsabiliser les colonisateurs pour les différentes tragédies qu’a connues notre pays. « Nous devons impérativement reconnaître nos responsabilités et accepter d’assumer solidairement notre histoire », insiste-t-il.

Ce vice-président du Frodebu salue l’intention d’un engagement et d’une détermination du président de la République à réconcilier réellement le peuple burundais sur des bases désormais objectives. En revanche, dit-il, sa volonté et sa détermination risquent de rester lettre morte à cause de la mauvaise intention de ses proches collaborateurs. « On voit des personnes égoïstes, sectaires et orgueilleuses qui restent prisonnières de leur passé».
Pour lui, réconcilier réellement le peuple burundais suppose un courage et un soutien ferme et évident de tous les acteurs à travers des actions concrètes. Il parle notamment de la lutte contre toute forme d’exclusion et violence, l’engagement d’un dialogue franc et sincère sur les questions de fond comme le rapatriement des réfugiés et la libération des prisonniers politiques.

Enfin, Léonce Ngendakumana se dit inquiet par l’annonce implicite de la suppression des quotas ethniques dans les institutions et les services de l’État. « Si cela ne se fait pas dans la transparence, le risque de réveiller les démons ethniques est évident. C’est une question qui doit être abordée avec sérénité, neutralité, impartialité et objectivité car c’est hautement sensible », met-il en garde.

Alice Nzomukunda : « Un président qui veut écarter les malfaiteurs »

La présidente du parti ADR (Alliance démocratique pour le renouveau), Alice Nzomukunda, affirme avoir retenu du discours du président de la République une ferme volonté de voir les Burundais vivre en paix et en harmonie. Et d’écarter ceux qui font du mal pour qu’il soit entouré de bons conseillers qui l’aident à faire avancer le pays.

Par Alphonse Yikeze (Iwacu)