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Le samedi 8 mars 2014 Bujumbura a été secoué par les coups de feu et une pluie de pierres de jeunes militants surexcités du parti MSD d’Alexis Sinduhije. Les événements scandaleux de ce samedi appellent des analyses et des actions.

Une provocation très dangereuse pour un leader politique

D’après des informations dignes de foi, Alexis SINDUHIJE avait tenu des réunions avec les responsables de son parti dans différents quartiers et des consignes avaient été données pour que la résistance dite pacifique se passe coûte que coûte. Des plans de la ville et des itinéraires à emprunter ont été élaborés et communiqués aux responsables. Un abonnement en réseau dit de « flotte » à la société des télécommunications Econet a été obtenu. Les consignes strictes de narguer la police et de faire croire que les jeunes ne font que du sport ont été trouvées sur des rapports manuscrits des réunions clandestines. Bref, Sinduhije montait une opération tout comme on prépare une guérilla urbaine.

Il faut rappeler que Sinduhije tenait à ce que cette manifestation politique maquillée en sortie sportive ait lieu le samedi aux heures des travaux communautaires et pourquoi ? Parce que le maire de la ville de Bujumbura venait d’interdire les exercices sportifs et les marches dans les rues pendant les heures dévolues aux travaux communautaires. Etant donné que dans la ville de Bujumbura les citadins méprisent les travaux communautaires, Sinduhije savait que beaucoup de gens allaient tenter de passer outre cette interdiction. Il espérait ainsi récupérer la paternité de la résistance à cette interdiction qui suscitait déjà beaucoup d’indignation.

De la récupération de l’indignation populaire, Sinduhije a franchi le Rubicon en dressant la jeunesse de son parti contre les forces de police. Ce genre de provocation est très dangereux et nulle part dans le monde, aucun gouvernement n’aurait toléré un tel acte de rébellion. Pire encore, alors que les forces de sécurité faisaient tout pour disperser les jeunes, Sinduhije a canalisé tout vers le siège de son parti qu’il a érigé en repaire de délinquants. Du siège de son parti, il a assumé toutes les agressions commises par les jeunes contre les forces de sécurité. Mais alors, quel politicien responsable aurait pu assumer la prise en otage de deux agents de la sécurité publique ? Quel politicien responsable aurait pu clamer haut et fort avoir désarmé les agents de l’ordre public et avoir confisqué les armes à feu ? Pour le cas du Burundi, il faut parler de politicien car il serait inapproprié de parler d’homme politique. Sinduhije en apprenti politicien a commis l’irréparable. Il a agi par mégalomanie et il a été pris à son propre piège. La folie de grandeur perd toujours les leaders sans mémoire ni vision.

Les jours du parti MSD sont comptés

Passées les fumées lacrymogènes qui ont éprouvé les habitants des quartiers Kinanira II et III de Bujumbura, l’heure est au bilan. Il y a eu beaucoup de blessés du côté des fauteurs de troubles comme du côté des agents de sécurité. Il y a eu beaucoup de peur et de douleur dans les quartiers où les affrontements violents ont eu lieu. Beaucoup d’expatriés ont paniqué et ne comptent plus rester au Burundi ou du moins comptent évacuer certains membres de leur famille à l’approche des élections. C’est une très mauvaise publicité pour le gouvernement.
Et pourtant, il faut reconnaître que la police a tout fait pour éviter les morts. La colère était à son comble car on s’imagine l’affront fait à la police qui devait négocier la libération des deux de leurs membres au lieu de lancer rapidement l’assaut et de laisser des morts sur le carreau. La police aura était très patiente et aura tout tenté pour ne pas ouvrir follement le feu sur les jeunes qui démolissaient les rues pavées pour s’emparer des pierres taillées à lancer aux agents de l’ordre. Notez-le bien : tout se faisait sous l’encadrement et les encouragements d’Alexis Sinduhije. Il jurait de ne jamais fuir mais de donner sa vie pour cette résistance !

Depuis le 8 mars 2014, Sinduhije s’est évanoui dans la nature. Lui et son parti ont déclaré la guerre au gouvernement. Quoi d’étonnant que celui-ci réagisse sans pitié et fasse tout ce qui est autorisé par la loi pour mettre le parti et son leader hors d’état de nuire. Déjà nous apprenons que le porte-parole de la cour suprême a confirmé un mandat d’arrêt lancé à l’encontre d’Alexis Sinduhije. Le ministre de l’intérieur prépare la décision de suspension du parti MSD. Très prochainement, le MSD n’existera que dans la trouvaille subtile de la coalition ADC IKIBIRI pour tirer à boulets rouges sur le Gouvernement.

Quelles leçons tirées ?

Les tensions qui se vivent actuellement au Burundi sont synonymes d’un malaise plus ou moins profond dans la société. Le gouvernement doit répondre aux préoccupations des citoyens et des partenaires et ne plus interdire les réunions et les meetings des partis de l’opposition. Le gouvernement doit démontrer sa capacité à gérer le désespoir qui gagne certains leaders des partis politiques qui se suicident publiquement comme c’est le cas d’Alexis Sinduhije. Il en va de sa crédibilité envers les partenaires du Burundi qui ne ratent aucune occasion pour inviter au dialogue et à la retenue. Le régime burundais doit communiquer avec des moyens plus importants et performants, sortir de l’autosatisfaction et de la confiance aveugle dans le soutien sans faille des gens des mille et une collines du pays.

Sous un autre angle, l’opposition doit comprendre que les réunions politiques et les manifestations ne peuvent en aucun cas favoriser l’anarchie et les troubles sociaux. Il faut cultiver le dialogue, la concertation et la patience en gardant le cap sur la feuille de route qui ne peut malheureusement être appliquée que si la constitution est révisée. Tous les acteurs politiques et les partenaires politiques en sont conscients et il est urgent que ce dossier se débloque dans les meilleurs délais.

Alexis Sinduhije est passé entre les mailles du filet. Il va rejoindre les membres de sa famille qui sont tous à l’étranger. Il va sillonner le monde pour se présenter en victime et accabler le gouvernement. C’est de bonne guerre. Mais il ne saura jamais réparer les traumatismes des jeunes qui vont croupir dans les geôles du Burundi de même qu’il ne saura jamais guérir ceux des familles qui souffrent des séquelles des gaz lacrymogènes et des blessures physiques. Les Burundais de l’intérieur comme de l’extérieur doivent être vigilants et ne pas cautionner les jeux machiavéliques de politiciens aux abois qui n’hésitent pas à précipiter le pays dans une crise susceptible de provoquer plus de dégâts que les pluies diluviennes. Ceux qui présentent Sinduhije en héros ou en résistant sont myopes ou par trop cyniques. Le Burundi mérite mieux que ce genre d’aventurier outrecuidant qui agit en mercenaire de quelque puissance étrangère et abandonne ses compagnons naïfs à la merci des foudres de l’ordre régalien.