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Engouement pour le sensationnel et les débats stériles
par Côme Karabona ⋅ lundi 31 mars 2014

Les médias burundais ont compris que pour avoir une audience considérable, il ne servirait à rien de parler des réalisations positives et remarquables du gouvernement. La RTNB ne s’en occupe-t-elle pas ? Il faut donc exploiter les scoops et le sensationnel. Prenons le cas du bras de fer entre le gouvernement et les étudiants. Nul n’ignore que le nombre des étudiants qui frappent aux portes de l’université du Burundi a exponentiellement augmenté. A en croire le porte-parole du Président de la République, le budget destiné au paiement de la bourse d’études est passé de plus ou moins quatre milliards en 2005 et avoisinerait quatorze milliards en 2013. Ce qui a poussé le gouvernement à être réaliste et proposer une réforme qui permettrait de ne pas accorder de bourses aux étudiants qui redoublent. Autrement dit, l’étudiant boursier doit éviter la paresse et travailler d’arrache pied pour réussir.

Mais ce débat de fond est occulté par d’autres débats stériles qui sont susceptibles de créer l’émotion dans l’opinion et de présenter les dirigeants du moment comme des monstres. « Ils ont étudié grâce à la bourse d’études et voilà qu’ils cherchent à la priver aux générations montantes » ! Avec une telle accusation, l’opinion nationale comme un poisson mord à l’hameçon. Mais le débat intéressant aurait dû être : « Le Burundi peut-il continuer à accorder des bourses d’études comme il y a dix ou vingt ans ? Pourquoi dans d’autres pays de la région les gouvernements ont-ils dû supprimer la bourse ? Faut-il au encourager le crédit bourse et quelles institutions peuvent octroyer ce genre de crédits et sur quels taux d’intérêt ? »

Oui, le Burundi c’est un Etat en voie de développement et la population fait face à une pauvreté préoccupante. Oui, investir dans les ressources humaines c’est stratégique. Mais est-ce possible pour l’Etat de continuer à payer plus de deux millions de francs chaque année par étudiant alors que les effectifs dans l’université publique ont plus que quintuplé ? Par le passé, le gouvernement recourait à des notes élevées pour écarter certains étudiants du diplôme d’Etat qui ouvre la voie à l’enseignement supérieur. Bien des enfants pourtant intelligents et travailleurs perdaient ainsi arbitrairement la chance de faire des études supérieures. Le gouvernement a voulu corriger cette injustice et prendre une note raisonnable en se disant que ceux qui ne vont pas obtenir la bourse d’études, qu’ils aient au moins la possibilité de fréquenter légalement les universités privées. Mais savez à combien s’élève le nombre de diplômés d’universités privées qui l’ont fait sans diplôme d’Etat et qui autrement dit ont des titres académiques non légaux au Burundi ? Oui, les réformes font peur mais des fois pour un homme politique ou un système politique consciencieux, il faut prendre le risque d’être impopulaire et affronter les défis au lieu d’encourager la facilité et le statuquo.