Des tireurs au flanc voudraient ralentir voire freiner le travail de la CVR ?
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En cette période de vive inquiétude provoquée par le coronavirus, s’ajoute une autre non moins importante pour les victimes du génocide de 1972, parce que des informations, non encore vérifiées, font état de groupes très solides, de près ou de loin, des milieux des bourreaux de l’époque et bien organisés qui voudraient avec des moyens mesquins en découdre avec le travail, combien louable, de la CVR soit en gauchissant la stricte vérité qu’on exhume au jour le jour, soit annihiler les efforts actuels déployés pour connaitre la triste réalité des suppliciés de 1972.

D’ores et déjà, à chaque fois qu’on exhume des fosses communes des ossements des personnes occises, on entend des bruits de fond qui veulent confondre les tueurs et leurs victimes, qu’on ne sait pas qui y a été enterré, qu’il faudrait utiliser le carbone 14 pour connaitre la période exacte, que toute la population burundaise y est représentée, bref qu’on n’en sait rien. Heureusement, des témoins oculaires donnent régulièrement des éclaircissements quant au contexte de cette année 1972 de sinistre mémoire, de même qu’ils donnent avec précision le modus operandi des opérations de ratissage des gens à tuer, que les missions étaient bien structurées avec une logistique militaire de premier ordre.

Parmi les grands responsables encore en vie, certains sont moins connus alors qu’ils étaient au cœur même de la répression génocidaire, on peut citer par exemple Mr Kabunda Grégoire, qui se la coule douce à Bujumbura et est devenu un honnête citoyen avec son business qui a pignon sur rue à la vue et au su de tout le monde, a-t-il déjà donné son témoignage de la manière dont la machine broyante avait fonctionné pour arriver à l’efficacité des fosses communes ? Il était le greffier assumé du conseil de guerre pendant toute la période des tueries en 1972 et au delà. Un parmi d’autres.

Actuellement la CVR concentre ses travaux dans la région du centre du Burundi, il se fait que le commandant de camp militaire en 1972 à Gitega, qui contenait encore le territoire actuel de Karuzi, était Jérôme Sinduhije, tous les témoins oculaires de cette région le citent comme le bourreau principal, a-t-il déjà donné sa version des faits ?

Des questions claires et pertinentes commencent à germer dans les têtes et les cœurs des gens notamment au niveau des responsabilités judiciaires des officiels qui ont systématiquement donné les ordres de mission et pour débloquer les fonds devant couvrir les besoins de la machine à tuer, sont-ils déjà identifiés ? S’il faudra se pardonner et se réconcilier, cette vérité est nécessaire car on a besoin de les connaitre afin qu’on ne se trompe pas sur les parties qui doivent se pardonner et se réconcilier, le bourreau c’est le bourreau et la victime c’est la victime.

Au-delà de ces questions du moment, il faut aussi savoir qu’après un tel génocide le travail de justice, de mémoire, de prise en charge et de réparation est extrêmement important pour les survivants, ce travail ne sera pas possible, tant que les bourreaux se fondent encore dans la masse et versent les larmes de crocodile lorsqu’ils rencontrent les vrais rescapés avec le discours habituel depuis 1972 à nos jours, que tous avons perdu. Ce sarcasme ignore royalement la souffrance psychique, le traumatisme et le dénouement total dans lequel les enfants des Bamenja, après la spoliation des biens laissés par les victimes, ont dû endurer et endurent encore aujourd’hui.

Jusqu’à aujourd’hui, certaines générations se suivent et profitent encore des biens spoliés de 1972 alors que les enfants des victimes suppliciées sont là et voient tous les jours ce film de mauvais goût comme une marque indélébile d’une vie fauchée et gâchée par des semblables cupides et sans humanité. C’est pourquoi nous en appelons à la CVR de ne pas se laisser distraire par ces groupes déshumanisants qui exploitent encore aujourd’hui le fruit honteux de ce génocide, mais d’aller de l’avant, surtout concomitamment, œuvrer pour que les instances habilitées puissent commencer leur travail menant vers la reconnaissance officielle de ce génocide. Car chaque jour qui passe est un jour de trop, les bourreaux comme les survivants oculaires prennent de l’âge et le cycle de la vie est là pour nous le rappeler, si besoin en est.

 

Ruvyogo Michel