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Burundi : Un SOFA de moins en moins confortable pour les USA

Après la tentative de coup d’État de mai dernier, le Burundi doit encore faire face à un nouvel essai de déstabilisation qui ressemble fort à une révolution de couleur… Vendredi, dans la capitale, Bujumbura, trois sites militaires ont été attaqués, causant la mort de 79 assaillants, de quatre militaires et quatre policiers.
Ces émeutes sanglantes trouveraient leur source dans la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, alors que la Constitution n’en permet actuellement que deux. Prétexte un peu léger ­­- on a pu constater en France même, combien une Constitution peut être modifiée : 25 fois depuis 1958, ce n’est plus du marbre, c’est du papier offset.

Mais il semblerait que toutes ces manifestations ne soient pas si spontanées, ni si populaires… Car le Burundi profite d’une situation enviée par bien des pays africains.

Ce pays de dix millions d’habitants, bordant le lac Tanganyka, se remet économiquement et politiquement d’une guerre civile longue de 15 ans entre Hutus et Tutsis, avec une hausse du PIB de 13,6% en 2014. En avril, la situation politique se normalisait avec la libération d’un dernier groupe de 1 864 prisonniers, dits politiques, essentiellement des Hutus accusés de massacres de Tutsis, portant à 3 299 le nombre de détenus libérés depuis janvier, dans le cadre de la politique de réconciliation nationale.

Difficile donc, de comprendre ces explosions de violence… si l’on ne sait pas que le Burundi a refusé d’installer sur son sol, en début d’année, un SOFA, ces fameux Statuts of Forces Agreement, qui transforment tout pays signataire en base militaire américaine permanente. Qu’on en juge, voici quelques-unes des dispositions intégrées d’office dans le SOFA :
● Les parties Burundaise et Américaine conviendraient que les membres des Forces Armées Américaines, le personnel civil du Département de la Défense Américaine et les sous-traitants des USA – et donc toutes les sociétés de mercenaires – mèneraient des activités d’entraînement, d’exercice ou d’action humanitaire au Burundi (art.2), et jouiraient des privilèges, exemptions et immunités au même titre que les diplomates (art.3). Ils entreraient et sortiraient librement du Burundi avec des documents délivrés par les seules autorités Américaines. La validité de leurs licences et permis de conduire serait reconnue comme tel. Ils pourraient porter des uniformes et des armes (art. 3, 4, 5 et 6) et qu’en matière pénale, c’est le droit américain qui s’appliquerait au Burundi (art.7).

● Les mêmes parties s’entendraient que dans le domaine de la fiscalité, notamment la passation des marchés et le transport, aucune taxe ou redevance ne serait prélevé au Burundi.
● Le Département de la Défense, le personnel civil et les sous-traitants des USA seraient habilités à exporter du Burundi tout bien meuble, équipement, fourniture, matériel, service, toute technologie et formation sans inspection, sans licence, sans taxe ni redevance sur tout le territoire du Burundi. Leurs navires, véhicules et aéronefs seraient exemptés de toutes redevances (art.8-10). La passation des marchés serait conforme au droit américain (art.11), avec usage libre des infrastructures Burundaises : ports, aéroports, terrains d’entraînement et dépôts (art.12).
● Dans le domaine de la télécommunication, la partie Américaine aurait le droit d’utiliser tous moyens et services disponibles pour exploiter le spectre des fréquences radioélectriques (art.13).

Comme on peut le constater, c’est ni plus ni moins qu’une colonisation forcée visant à transformer le Burundi, en porte-avions américain au cœur de l’Afrique… juste aux frontières de pays stratégiques et de richesses minières convoitées comme le Rwanda, la République Démocratique du Congo ou encore la Tanzanie.
Les autorités du Burundi, le président Pierre Nkurunziza en tête, ont rejeté l’accord car, je cite, « la mise en application de ses dispositions remettrait en cause des pans entiers de l’indépendance, de la souveraineté nationale, de la sécurité intérieure et de l’économie de la République du Burundi ». Moins d’un mois après la signification de ce refus par le Burundi, des manifestations éclatent dans le pays, pour protester contre le président qui brigue un troisième mandat. Jusqu’alors, cela n’avait dérangé personne…

Le 13 mai, la tentative de coup d’État perpétré par le général Godefroid Nyombaré, chef des services de renseignements, a échoué en moins de 48 heures. Les institutions ont résisté. Et la majeure partie des unités de la Police et de l’Armée sont restées fidèles au Gouvernement légal. Alors que le Burundi fait partie de la communauté francophone, la France, bien sûr, joue contre ses propres intérêts et a gelé sa coopération sécuritaire dans les domaines de la police et de la défense, alors que 85% de la population, rurale, a manifesté son soutien au Président en place. Seuls certains quartiers de la capitale, dont le quartier musulman, ont participé à la tentative de putsch. Pourtant toutes les chancelleries occidentales suivent le département d’État américain et font porter la responsabilité des violences, au gouvernement de Nkurunziza…

Cela fait donc la troisième fois que le président Nkurunziza résiste aux appétits géopolitiques américains. C’est la troisième fois qu’il prouve qu’ils peuvent être contrés, non seulement par les autres superpuissances, comme la Russie ou la Chine, mais également par les petits états pour peu que leur société soit soudée, ethniquement homogène et que leurs élites aient la volonté de résister au nouvel ordre mondial. C’est un échec cinglant et sanglant pour la CIA.

La presse occidentale a exploité les attaques de vendredi, pour tenter de déstabiliser le gouvernement, en affirmant que l’armée aurait abattu des adolescents désarmés, commettant un massacre sans nom… Mais pas une photo ne confirme les faits, pas un témoignage n’accrédite cette version des faits. Un peu comme les morts de la place Maïdan dont l’autopsie révélera qu’ils ont été tués d’une balle dans le dos, tirée de leur propre camp.
Il n’est pas sûr que cette troisième tentative soit couronnée de plus de succès que les précédentes. Et il semblerait que le Burundi ne sera pas une base opérationnelle franchisée américaine, tant que le président Nkurunziza sera aux commandes…

Le Parti de la France rappelle son attachement au principe de souveraineté de chaque nation, y compris pour les nations africaines. Il faut que cesse le pillage des ressources africaines par des multinationales qui s’octroient des richesses à coup d’État, lancent des millions d’Africains dans le mirage mortifère de l’immigration vers l’Europe, pour mieux faire baisser les salaires des ouvriers européens.
La diplomatie française doit reconnaître la légalité du Gouvernement du Burundi, et lui apporter l’aide nécessaire au rétablissement de la sécurité et de la justice, conformément aux accords de défense que nous avons conclus avec ce pays francophone.

Extrait de l’Édition du 14 décembre 2015
Réinfo, journal d’information bimensuel du Parti de la France

http://www.parti-de-la-france.fr/Burundi-un-SOFA-de-moins-en-moins-confortable-pour-les-USA_a1394.html