Bruxelles: Discours de Mme Mukerabirori Joséphine lors de la Journée internationale de la femme. 
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Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

Je voudrais à mon nom propre et au nom des femmes Burundaises qui ont organisé cette soirée, souhaiter la bienvenue à toutes et à tous. Sentez-vous chez vous, cette merveilleuse soirée est la vôtre !

Comme vous savez, aujourd’hui, nous célébrons la journée Internationale de la femme dont le thème central de cette année est: «acteurs ruraux et urbains ensemble, transformons la vie des femmes». Nous pouvons longuement méditer sur ce thème car la femme est une mère, elle donne la vie, elle fait des travaux de tous les jours et participe activement à la vie socio- économique du pays, bref, elle est le pilier du développement.

L’analyse du rôle de la femme rurale dans l’économie nationale se caractérise par un pro-fond déséquilibre entre sa forte participation dans le processus de développement et la faible rétribution qu’elle reçoit en contrepartie. Présente dans les activités de production, la contribution de la femme rurale au processus de développement est considérable. Malheureusement, sa part dans la production est souvent sous-estimée et ignorée parce que rarement comptabilisée.

( Photo : Burundi Forum 2018 )
( Photo : Burundi Forum 2018 )

Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

Comme vous savez, les femmes constituent l’épine dorsale de l’économie rurale en Afrique en général et au Burundi en particulier, et partant celle de l’économie nationale toute entière. Dans les zones rurales, du nord au sud, de l’ouest à l’Est, on note une forte implication des femmes dans les activités économiques. Plus de 90% d’entre elles vivent et travaillent dans les campagnes lointaines et souvent dans des conditions précaires. Nombreuses sont les femmes qui travaillent en moyenne 15 heures par jour pour subvenir aux besoins de leurs familles.

Au Burundi, la femme fournit l’essentiel de la force de production dans le secteur de l’agriculture. La femme burundaise s’occupe en majorité́ des activités champêtres: le labour, le semis, le sarclage, la récolte, le transport, la conservation, la transformation et la commercialisation des pro-duits agricoles. Mais elle n’a ni accès au contrôle des bénéfices, ni le pouvoir de décider de leur utilisation. Elle se fait aider quelquefois par l’homme et par les enfants mais le gros du travail lui revient. La situation difficile de la femme est encore aggravée par un manque d’accès aux technologies adaptées. Elle utilise par exemple des outils archaïques, outils qui la fatiguent et l’épuise davantage. Pour alléger sa charge de travail et réduire sa vulnérabilité, la femme fait donc beaucoup d’enfants. Il s’agit là d’une stratégie de défense qui a malheureusement de lourdes conséquences sur la santé reproductive de la femme et l’économie du pays.

En plus des travaux agricoles, l’élevage constitue aussi une activité importante des femmes rurales dans notre pays. Nombreuses sont des femmes au Burundi qui sont propriétaires de volailles pendant que d’autres élèvent de petits ruminants: moutons, chèvres, etc. A ces activités s’ajoute l’artisanat qui occupe de nombreuses femmes surtout pendant la saison sèche. Il s’agit

particulièrement de la fabrication manuelle de plusieurs produits artisanaux dont certains sont vendus dans les centres urbains et semi urbains par des intermédiaires.

Il sied de souligner toutefois que les revenus générés par cette activité ainsi que ceux de l’embouche bovine, ovine, ou porcine ne sont pas de nature à réduire de façon significative la dépendance économique des femmes. Le Burundi tout comme les autres pays africains doit développer un secteur agricole plus productif, plus durable et plus équitable, et pour faire, il ne peut pas se permettre de négliger les femmes, véritables moteurs de l’économie rurale.

Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

Au niveau des objectifs globaux de développement durable 2030 adoptés en 2015 par l’ensemble des Etats membres de l’ONU, il convient de rappeler que la femme rurale joue traditionnellement un rôle vital dans le soutien et la mise en œuvre du développement durable et inclusif. La femme rurale est le moteur de la croissance dans l’économie rurale et contribue à la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé communautaire. Le renforcement de la femme rurale et la réalisation de l’égalité de genre restent essentiels dans la promotion du développement durable.

Même si les 17 objectifs de développement durable sont interdépendants l’un de l’autre, l’épanouissement intégral de la femme ne peut se faire qu’en mettant un accent particulier sur l’objectif 1 (mettre fin à la pauvreté), objectif No3 (assurer une santé durable et le bien-être social pour tous), l’objectif 5 (réaliser l’égalité de genre et renforcer toutes les femmes et les filles, l’objectif 8 (promouvoir une croissance économique durable, l’emploi et le travail décent pour tous).

Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

Parlons maintenant des défis auxquels les femmes doivent face au quotidien. Au Burundi, la question des contraintes auxquelles les femmes font face doit être abordée si l’on croit réellement au rôle majeur que joue l’agriculture dans la croissance économique. Ces contraintes sont de divers ordres.

La première est l’accès à la terre. Dans les zones rurales, les femmes sont rarement pro-priétaires de la terre et quand elles le sont, leur patrimoine foncier tend à être plus petit celui des hommes. La rareté des terres partout dans le pays accentue cette vulnérabilité de la femme rurale qui en est la principale victime, si je peux m’exprimer ainsi. Il est néanmoins intéressant de signaler qu’un projet de loi sur les successions, les régimes matrimoniaux existe mais n’est pas encore adopté.

Autres difficultés majeures, l’accès aux ressources financières. L’accès au crédit est un problème épineux. La femme n’étant pas propriétaire de la terre ou de tout autre bien, elle n’a aucune garantie à offrir en contrepartie d’un prêt bancaire ; de nombreux types de prêts sont de ce

fait inaccessibles à la femme et les banques la considèrent comme un client à risques. Elles se tournent donc vers des modes informels de prêts avec taux usuraire. Exemple des fameuses banques Lambert au tôt d’intérêt prohibitif ainsi que la tontine.

De même, le non-accès aux connaissances techniques et de gestion constitue un handicap sérieux pour la valorisation du rôle de la femme dans le développement. Dans le milieu rural au Burundi, l’encadrement agricole fourni au cours des dernières années n’a pas suffisamment profité à la femme rurale. Elle est restée en marge des innovations et l’homme s’est souvent substitué dans des domaines qui lui étaient réservée. Il est clair que non-maîtrise des connaissances techniques adaptées excluent la femme de la modernisation agricole et la maintiennent par conséquent dans un système de production et de commercialisation reposant sur les méthodes traditionnelles se sou-ciant peu de la rentabilité et de la compétitivité.

Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

La liste des défis étant très longues, la question qui s’oppose en ce moment est de savoir comment les relever car la résignation ou l’immobilisme ne sont pas une option viable pour nous et nos sœurs restées au pays ? Il est hors de tout doute que pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes, la problématique de la promotion de la femme et l’autonomisation de la femme reste un défi majeur auquel il faut des solutions rapides et appropriées. Pour atteindre l’épanouissement durable de la femme, il faut investir massivement dans l’éducation des filles, futures femmes, encourager les micros finances pour financer les projets à impact rapide des femmes rurales en association. Il faut aussi s’assurer qu’une bonne proportion des femmes participent dans la prise des décisions politiques et budgétaires les concernant.

Mesdames, Messieurs, chers invités, chers amis,

Pour conclure, il me plaît de vous rappeler que cette journée constitue pour nous une excellente occasion pour nous les femmes Burundaises de prendre conscience des défis auxquels nous faisons face, ainsi que les opportunités qui nous sont offertes. Certes, nous sommes ici en Europe (Belgique) mais nous pouvons travailler en synergie avec nos sœurs qui sont au pays. Femmes rurales et femmes urbaines, travaillons ensemble pour transformer la vie de la femme car elle est et restera le moteur de l’économie de notre beau pays le Burundi. La distance artificielle qui nous sépare de nos sœurs en milieu rural dans notre pays ne pourrait en aucun cas justifier l’immobilisme.

Je vous souhaite de passer une agréable soirée. Vive la femme Burundaise, vive la femme Africaine, vive la femme en général. Je vous remercie de votre aimable attention !