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Bras de fer entre BNUB et le gouvernement à propos de l’officier expulsé
Par Anaclet Muhakwanke

L’affaire du deuxième fonctionnaire de l’ONU expulsé du Burundi fait les choux gras des médias aussi bien nationaux qu’internationaux. Elle vient montrer l’attitude de fermeté du gouvernement par rapport au Bureau de l’ONU au Burundi qui n’a que cinq moins pour fermer les portes. Toute faute ou maladresse du BNUB est sanctionnée sans complaisance de même que le BNUB ne se gêne pas d’ignorer les arguments du gouvernement quant à la bonne préparation des élections de 2015 et de joindre sa voix à celle de l’opposition et d’une partie de société civile hostile au pouvoir pour alerter la communauté internationale contre les risques de crise politique sinon de guerre au Burundi. Un dialogue de sourds s’est installé et la collaboration n’est vécue que comme pure hypocrisie.

Le BNUB défend bec et ongles son cadre par trop défaillant

Après la note verbale du Ministère des Relations extérieures et de la Coopération internationale demandant au BNUB de se débarrasser de l’officier de sécurité attrapé avec deux chargeurs remplis de cartouches à l’aéroport de Bujumbura, le porte-parole du BNUB, Vladimir MONTEIRO, a sorti une déclaration ce jeudi 5 juin 2014 pour réfuter les arguments avancés par le Gouvernement du Burundi pour exiger du BNUB l’expulsion de l’officier de sécurité confondu à l’aéroport avec des munitions dans son bagage à mains.

Dans ladite déclaration, « le BNUB rappelle qu’en tant que spécialiste de la protection de sécurité rapprochée de l’ONU affecté au Bureau conformément au paragraphe 36 de l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et le Burundi concernant le statut du BNUB, conclu le 28 décembre 2011, les officiers de sécurité du BNUB sont autorisés à détenir et porter des armes à feu et des munitions. Contrairement à certaines déclarations des autorités burundaises, l’officier de sécurité ne possédait pas d’arme à feu au moment de l’incident. L’incident intervenu à l’aéroport résulte d’un déplorable et malencontreux oubli de sa part des deux chargeurs, comme d’ailleurs l’a déclaré l’officier du BNUB dans le procès verbal de la police aéroportuaire.

Nous tenons à souligner que l’infraction reprochée à l’officier du BNUB l’est contre une réglementation et non contre une loi, de surcroît, une loi quelconque de l’Etat burundais. En tant que tel, les mesures préconisées apparaissent donc disproportionnées. Même s’il y avait eu infraction volontaire comme semblent l’insinuer les autorités burundaises qui se sont prononcées sur cet incident, l’Accord entre les Nations Unies et le Burundi concernant le BNUB contient des prévisions spécifiques de règlement de différends qui pourraient subvenir entre les deux parties. La demande d’expulsion ne se justifie en aucun cas et n’est pas conforme aux engagements du Burundi, qu’il devrait, en tout état de cause, se garder de violer. »

Et la même déclaration précise que le BNUB « demande au ministère burundais des Relations extérieures et de la Coopération internationale de se conformer aux engagements et de lever la décision contre l’officier de sécurité, notamment en application des dispositions de l’Accord qui régit les relations entre le Gouvernement du Burundi et les Nations Unies, et plus particulièrement au regard des paragraphes 47 et 53. »

Le Gouvernement oppose une fin de non recevoir

Du côté du Gouvernement burundais, les arguments du BNUB ne tiennent pas la route. Si la Police burundaise a fait montre de souplesse en autorisant l’officier à embarquer à bord de l’avion, l’incident est considéré comme très dommageable pour l’aéroport de Bujumbura et pour le Burundi en général.

L’analyse des arguments donnés par le BNUB nous pousse à faire remarquer que quand une autorité franchit la cabine de sécurité pour accomplir les formalités d’embarquement à bord d’un avion de ligne, elle est déjà sous le contrôle de la Convention de Chicago sur l’aviation civile. Même les Chefs d’Etat ou de Gouvernement, les plénipotentiaires ou les envoyés spéciaux doivent déclarer à l’avance les armes et munitions lorsqu’ils prennent les avions de ligne. Dans le cas d’espèce, le droit qui s’applique est celui international et non l’accord entre l’ONU et le Burundi. Et si le Burundi a reconnu aux officiers du BNUB de détenir et de porter des armes, c’est pour l’accomplissement des missions claires et non pour prendre en congé à l’étranger avec ces armes ou munitions.

Aller jusqu’à affirmer que l’officier a oublié les munitions dans son bagage à mains revient à étaler au grand jour les disfonctionnements au sein du BNUB en matière de gestion et de contrôle de l’usage des armes et des munitions. Ces arguties scandalisent quand l’on sait que les officiers de Police détiennent des registres où ils notent les activités au quotidien et le retrait ou la remise des armes et des munitions.

Quant à dire que la décision d’expulsion est disproportionnée, il s’agit des larmes de crocodile. Les Burundais sont loin d’oublier l’incident du Président Pierre Nkurunziza à Frankfurt et l’humiliation qui a été la sienne lorsque son officier de sécurité a été attrapé avec une arme non déclarée.

Pire encore, avant l’arrivée des scanners modernes à l’aéroport de Bujumbura, il y a quelques années, un officier burundais a oublié deux cartouches dans son sac de voyages et ce n’est que lors du contrôle à Nairobi que les munitions ont été découvertes. Ledit officier a été écroué pendant deux ans au Kenya ! Ce n’est qu’après d’âpres négociations et pour des raisons de bonnes relations bilatérales que le Kenya a consenti à le relâcher.

Fort de ces expériences, le Gouvernement du Burundi préparerait une réponse du berger à la bergère par rapport à la déclaration du BNUB. A la demande de lever la mesure d’expulsion de l’agent onusien originaire du Kenya, une fin de non recevoir a été déjà communiquée au BNUB. Des contacts ont déjà été entamés avec les autorités kenyanes pour leur demander de comprendre que la sanction dictée par les faits gravissimes.

Un silence trop éloquent du BNUB comme foudroyé subitement !

L’annonce de l’interpellation de l’officier onusien a foudroyé subitement le BNUB. D’où le silence qui a été observé pendant plus d’une semaine avant de réagir. Il faut rappeler que l’officier du BNUB a été interpellé le 25 mai 2014. Le procès verbal de l’autorité de l’aviation civile est parvenu au BNUB le 27 mai 2014. Malgré les menaces qui pesaient sur l’officier, le BNUB n’a essayé ni d’entrer en contact avec les autorités burundaise ni de donner sa position sur le cas. Comme on le voit dans la déclaration, le BNUB a minimisé l’incident et se croyait tout permis partout au Burundi. Or, l’appréciation des faits était tout autre au niveau du Gouvernement.

Non seulement le Gouvernement ne croit pas à la justification d’oubli qu’a donnée l’officier. Il faut remarquer que si l’officier était parvenu à voyager avec les munitions et à les abandonner à bord ou à les remettre à l’équipage, l’aéroport de Bujumbura aurait été mis sur la liste des aéroports dangereux. Et la communauté internationale aurait été réconfortée dans ses accusations de dire que les armes et munitions circulent librement au Burundi.

Devant le silence du BNUB, le Gouvernement a décidé d’écrire de nouveau pour inviter l’ONU à sanctionner sévèrement l’officier défaillant. Il a proposé la sanction d’expulsion mais n’est pas allé jusqu’à déclarer l’officier persona non grata. Le gouvernement laissait donc au BNUB le choix de prendre la décision recommandée et cela endéans 48 heures. Pour dire que si le BNUB tentait de recourir aux manœuvres dilatoires, le Gouvernement se réservait le droit de déclarer l’officier persona no grata. C’est ici une grande différence avec la procédure utilisée contre le cadre du BNUB qui avait envoyé un câble portant sur la distribution des armes à feu aux jeunes affiliés au parti au pouvoir. Pour lui, le Gouvernement n’était pas passé par quatre chemins mais avait immédiatement décidé de le déclarer persona non grata avec obligation de quitter immédiatement le territoire burundais.

Avec ces deux expulsions de fonctionnaire du BNUB, il ne fait aucun doute que la méfiance est à son comble. Mais reste à savoir si le Gouvernement va y gagner en se mettant au dos une puissante machine comme l’ONU ou si les plumes que le BNUB laisse déjà au Burundi ne vont pas cristalliser les Etats africains à se montrer solidaires du Burundi et dénoncer un complot international pour ne pas fermer le bureau de l’ONU au Burundi. Le BNUB accumule des maladresses et cela suscite des interrogations sur sa bonne foi et les intérêts des puissances qui tirent les ficelles dans l’ombre.