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L’Ambassadeur du Royaume de Belgique vient de passer trois mois au Burundi. Iwacu a voulu comprendre les relations qu’entretiennent actuellement les deux pays.
bernard-quintinM. l’Ambassadeur, comment vous sentez-vous ?

Je me sens fier et heureux. Fier de représenter mon pays, en soi, mais surtout de le faire au Burundi vu les relations très particulières que nos pays entretiennent. Heureux aussi parce que je découvre petit à petit un pays superbe avec un potentiel que je ne soupçonnais pas avant mon arrivée et les quelques missions que j’ai déjà pu effectuer dans les provinces.

Comment sont, actuellement, les relations entre la Belgique et le Burundi ?

Elles sont complexes -parfois compliquées- multiformes mais toujours passionnantes, comme elles l’ont toujours été. C’est notre histoire et c’est normal. Il y a de temps en temps quelques poussées de fièvre, mais rien qui puisse tuer le patient.

Qui est ce patient ?

Ce sont ces relations entre nos deux pays. Nous avons connu une phase comme celle-là il y a quelques mois, voire quelques semaines, mais je sens qu’il y a une volonté commune de dépasser des malentendus. C’est en tous cas dans cette perspective que je place mon action. La vie n’est jamais un long fleuve tranquille et il nous revient d’être de bons navigateurs.

Des manifestations anti-Belgique se font, de temps en temps, devant les bureaux de votre ambassade. Comment appréciez-vous la situation ?

D’abord j’apprécie que vous parliez de manifestations anti-Belgique et pas anti-Belges, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Cela fait partie des poussées de fièvre. Nous ne sommes pas toujours d’accord entre nous. Nous avons des inquiétudes, des préoccupations même face à certaines situations, concernant le respect des Droits de l’Homme par exemple et nous l’exprimons. On doit pouvoir se dire les choses, parfois dures et difficiles, mais toujours avec courtoisie et respect.

Pour revenir sur les manifestations elles-mêmes, nous sommes trop soucieux de l’ouverture de l’espace démocratique et de la libre expression pour que je m’en plaigne.

Bujumbura vient de rappeler son Ambassadeur accrédité à Bruxelles. Votre interprétation.

C’est une décision du gouvernement burundais qu’il ne m’appartient pas de commenter. C’est une mesure forte mais classique dans les relations diplomatiques. Cela fait partie du caractère complexe de nos relations que j’évoquais avant et nous verrons plus tard quelle sera le résultat de ces consultations.

Le Royaume de Belgique a arrêté l’aide bilatérale avec le gouvernement burundais. N’est-ce pas condamner la population burundaise à la misère ?

Je voudrais tordre le cou à ce canard : la Belgique, ni l’Union européenne d’ailleurs (mais je parle ici pour mon pays) n’ont arrêté leur coopération au développement au Burundi. Rien n’est moins vrai.
Nous avons certes suspendu une partie de nos programmes parce que nous sommes dans une phase particulière du dialogue entre le Burundi et l’Union européenne et ses Etats membres. Cette suspension concerne environ 20% de nos programmes, ce qui veut dire que près de 80% sont en cours de réalisation. Cela veut quand même dire entre 30 et 35 millions d’euros de décaissement en 2016 pour la Belgique, ce n’est pas rien.

Concrètement, comment votre pays soutient-il la population burundaise ?

Nous continuons à être très actifs dans quatre domaines jugés par tous essentiels : l’éducation, la santé, l’agriculture et la consolidation de la société. Nous contribuons au fonctionnement de nombreux centres de santé qui permettent une médecine de proximité. Nous travaillons beaucoup dans le domaine de l’optimisation en agriculture, avec un accent particulier sur le rôle des femmes d’ailleurs.

Dans l’éducation, nous continuons un programme de longue haleine de formation initiale des enseignants et nous soutenons aussi des organisations qui accueillent des enfants en situation de vulnérabilité.

Le facilitateur dans la crise burundaise vient de reconnaître que le pouvoir de Bujumbura est légitime. Qu’en dites-vous ?

Si j’ai bien entendu le Président Mkapa, il a plutôt dit que ce n’était pas à lui de déterminer la légitimité du gouvernement burundais. Dans le cadre des relations internationales, il y a un principe fondamental, ce sont des Etats qui reconnaissent des Etats. La question ne se pose pas en ces termes même si je ne vis pas sur la planète mars. Il y a des raisons, des déclencheurs à la crise de 2015. Nous avons des relations avec le Burundi qui a un gouvernement avec qui nous sommes en contact, en rapport, en discussion.

Sur le processus lui-même, notre ligne n’a pas changé : nous accordons une importance fondamentale aux Accords d’Arusha et nous soutenons la facilitation de l’ex-Président Mkapa.

Le Burundi accuse la Belgique, entre autres, de soutenir des gens poursuivis par la Justice .

La Belgique accueille des personnes qui appartiennent à une opposition en exil. Et cela est dû à notre histoire commune. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la Belgique accueille des réfugiés burundais. On dit souvent, en parlant de pays, qu’on ne choisit pas ses voisins. Même si la distance géographique est grande, l’histoire la rétrécit considérablement.

Des personnes sont en Belgique, des demandes ont été formulées et sont examinées.

Est-ce que la Belgique soutient financièrement ces personnes ?

Ce n’est pas le cas. Peut-être certaines bénéficient-elles du soutien social, comme toute personne qui en remplit les conditions. Peut-être que d’autres ne sont tout simplement pas extradables pour des raisons de droit.
Ce que je veux dire clairement, c’est qu’il n’y a pas de volonté de nuire de la part des autorités belges.

(Iwacu 23/12/16)