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L’ancien président du Burundi Jean Baptiste Bagaza s’est éteint aujourd’hui 4 mai 2016 dans un hôpital belge. C’est manquer de pudeur que de critiquer un mort; mais étant un homme public, Bagaza ne peut pas échapper au jugement de l’histoire. Le bilan de sa vie comme président de la République de 1976 à 1987 se résume en trois paroles: travail, hégémonie, persécution.

Bagaza était obsédé par le travail et les réalisations concrètes. C’était un fil conducteur de sa politique. Le premier acte de son règne, ce fut la suppression d’ubugererwa, le contrat de servage, pour que chacun ait sa terre à cultiver. Il contraignait les employés de l’Etat à donner le maximum d’eux-mêmes. Lui aussi ne se reposait pas,et les résultats se voient. Il a tracé les grands artères routiers macadamisés, qui ont rendu la mobilité très facile. On lui doit aussi les barrages de Rwegura , et celui de Mugere dans Bujumbura rural. C’est cela l’héritage positif qu’il a légué au pays. A cela il faut ajouter que pendant les 10 ans de pouvoir, une seule personne a été tuée, et elle était parait-il folle. Il répétait souvent « vyose bizova mu maboko yacu » (par notre labeur nous pouvons tout), et s’inspirait abondamment de Pyongyang. Nous nous souvenons aussi des grandes chorégraphies de jeunes filles (de Ntega et de Mwumba) qui égayaient les fêtes nationales. Bagaza voulait opérer des réformes, sans consulter la population, et leur impact fut négatif: par exemple, il avait supprimé les fêtes, dont celle de la dot, pour que les gens ne dépensent pas trop. Il avait fait tailler les bananiers, à la grande fureur des paysans, pour dégager la terre à cultiver. Même la fermeture des églises avait pour motivation la perte de temps de ceux qui les fréquentent.

Bagaza n’était pas un ange. Voyons comment il a construit l’hégémonie des hima de Bururi. Il a fait son coup d’état seulement 4 ans après le génocide contre les hutu opéré par son cousin Michel Micombero. Il prolongea ce génocide en fermant aux enfants hutu l’accès à l’école. Il appliqua le fameux système « i » et « u » ( inventé par un personnage du début du 20è siècle que nous décrirons dans un prochain article) qui permettait de distinguer les tutsi des hutu à l’école primaire, de sorte que seuls les tutsi pouvaient obtenir les certificats pour entrer à l’école secondaire. Ce fut un génocide intellectuel. En parallèle, Bagaza faisait construire les meilleures écoles à Bururi pour contenir tous les lauréats tutsi du territoire. Les écoles secondaires de tout le pays étaient peuplées par des tutsi en très grande majorité, et le gros d’entre eux venaient de Bururi. Quand ces jeunes finissaient leur parcours scolaire, l’administration les distribuait sur tout le territoire national. Tout ce qui est poste de travail se retrouva occupé par les tutsi de Bururi, du planton à la secrétaire, en passant par les chefs de zone et les admistrateurs communaux. En un mot, tout le patrimoine national rentrait dans les poches des hima de Bururi, à travers les salaires. Bagaza créait aussi de l’emploi pour caser les siens, par exemple les Sociétés Régionales de Développement. Il a distribué plus de la moitié de la ville de Bujumbura aux hima, à travers les sociétés de constructions comme l’Ecosat, SIP. C’est pour cela que les quartiers qui en sont issus sont monoethniques tutsi (exemple: tout Kinanira, Kabondo, Mutanga Sud, Jabe). Les 10 ans de Bagaza connurent l’apogée de l’influence des hima bururiens sur le Burundi. Cette classe dirigeante monocolore exerçait une oppression écrasante sur le pays. Tout le monde épiait tout le monde, et une parole qui s’échappait conduisait l’infortuné en prison. Les espions (abasekeri) se faufilaient comme des ombres en rasant les murs des maisons, pour écouter les dialogues des habitants. Les rares hutu n’avaient pas le droit de se retrouver en groupe de plus de deux personnes, sinon on les ramassait comme des conspirateurs!

Le dernier méfait qui est passé inaperçu, ce fut la mise à sac de la CADEBU, caisse d’épargne du Burundi, où les paysans épargnaient par force, mais d’où ils n’ont tiré aucun sou; cette classe dirigeante a tout vidé pour se construire les maisons, ou pour commencer de nouvelles banques dont certaines existent encore maintenant.

Enfin, Bagaza a entrepris une grande persécution du christianisme, en renvoyant d’abord les missionnaires, puis en fermant les églises et les Séminaires. Ce fut une erreur qui a précipité sa chute et son oubli. Heureusement que le généreux président Ndadaye l’a fait retourner de l’exil, où, parait-il il a connu de grands déboires.

Cela étant dit, Bagaza est le moins mauvais du trio de Matana, car les deux autres, Micombero et Buyoya, ne sont champions que d’un seul sport, celui de coupeurs de têtes. Qu’il repose en paix.

Publié le 4 mai 2016Leave a comment
DECLARATION DU GENOCIDE DES HUTU DE 1972: ACTE LIBERATOIRE POUR HUTU ET TUTSI

La déclaration officielle du génocide contre les Hutu en 1972 est un acte de justice envers le peuple burundais, parce qu’il s’agit de mettre un cachet sur un événèment réel, qui traumatise toutes les composantes de notre société. D’un côté, les hutu qui ont été massivement et traîtreusement abattus, avec le déniement des deuils et commémorations, de l’autre, des générations de tutsi qui se sentent accusés d’avoir commis un génocide contre les hutus. L’acte juridique de reconnaissance de ce génocide indiquera aussi les responsables, qui sont un groupe de conspirateurs, et non toute l’ethnie tutsi. Ce sera un acte libératoire pour les hutu et pour les tutsi. D’ailleurs, ensemble aux hutu, un certain nombre de tutsi du nord du Burundi ont été massacrés par la furie du capitaine Micombero. L’exemple que nous connaissons est Amédée Kabugugu, psychologue, de Busiga (Ngozi). Ses frères et ses cousins, bien que tutsi s’exilèrent ensuite pendant des années au Rwanda (d’après un informateur).

QUI DECLARERA CE GENOCIDE ?

Beaucoup pensent que les cris des activistes hutu vers les Nations Unies auront une suite. Nous en doutons, parce que l’ONU est dirigée par ces mêmes grands pays qui ont favorisé le génocide et en ont tiré des avantages aux côtés des exécutants, membres du clan Tutsi-HIMA. Sachez que les blancs sont têtus, ils ne changent pratiquement jamais d’idées. Pour l’instant, ils roulent à plein régime pour les tutsi, donc il est plus que probable qu’ils ne reconnaîtront pas le génocide fait contre les Hutu, tandis qu’ils sont prêts à signer les yeux fermés pour un génocide imaginaire contre les tutsi.

C’EST LE PARLEMENT et LE GOUVERNEMENT DU BURUNDI, qui doivent déclarer officiellement ce génocide, parce qu’ils en ont l’autorité. Même l’Arménie l’a déclaré, en attendant que d’autres pays petit à petit l’acceptent. Il faut partir de la base et non du toit. D’ailleurs, si un pays ne semble pas intéressé par un problème, pourquoi les Nations Unies viendraient-elles le résoudre à sa place ? Le Burundi vient de démontrer à la face du monde qu’il n’est plus parmi ces pays qui se laissent bercer comme des enfants, et attendent toujours que Maman Europe fasse tout pour eux. Même dans ce cas de génocide, le première déclaration doit être faite par les concernés.

LES PLANIFICATEURS DU GENOCIDE CONTRE LES HUTU

Une liste de noms revient en permanence sur les lèvres des survivants et des divers témoins qualifiés.

Capitaine Michel MICOMBERO, président de la République
Arthémon SIMBANANIYE, ministre de l’Intérieur
Philippe MINANI, Procureur Général de la République
Albert SHIBURA, Ministre de la Justice et officier
Marc NDAYIZIGA, ministre
André YANDA, Ministre de l’Information et Secrétaire exécutif du Parti Uprona
Capitaine Désiré MAKUZA
Colonel Jérome SINDUHIJE, commandant du camp Commando de Gitega et Ambassadeur
Mechior BWAKIRA, Directeur Général du Ministère Affaire Sociales
Charles NDIKUMAGENGE, commandant
André MUHUZENGE, commissaire
Gaspard KAZOHERA, gouverneur de Bururi
Lieutenant NDINGANIRE
Venant NTWENGA
Thomas NDABEMEYE, lieutenant Colonel et Chef d’Etat Major Général
Venant GASHIRAHAMWE, commandant
Gabriel MPOZAGARA
Simon SIMBANANIYE
François GISAMARE
Bernard BIZINDAVYI
Longin KANUMA
Samuel NDUWINGOMA
Jean Baptiste Bagaza, Lieutenant Colonel
Joseph BIZOZA, major (le boucher de Ngozi)
Pierre BUYOYA, major
Gabriel NDIKUMANA, lieutenant-colonel
Sylvère NZOHABONAYO,major
Joseph RWURI, officier
Alexis NIMUBONA, officier
Gervais GAHUNGIZA, officier
Damas NIYUNGEKO, officier
NTUNGUMBURANYE Jerome, Ministre
Libère NDABAKWAJE, ministre de l’économie
Lazare NTAWURISHIRA, directeur de l’ENS
Bernard RUBEYA, officier
Joseph RYUMEKO, officier
Emmanuel NKUNDWA, officier
Tharcisse RUHWIKIRA.
Sûrement il y en a d’autres… Mais pour les exécutants, comme écrira Pierre Buyoya en 1989 (après Ntega-Marangara), en 1972 les tutsi se sont livrés à une » hystérie collective ». Tuer les hutu pour eux était très facile, parce que ce fut un acte d’indicible trahison. Personne ne s’y attendait, et personne n’aurait pu imaginer qu’un groupe fût capable d’une barbarie pareille envers une ethnie entière. Toutefois, nous répétons, cette horreur ne doit pas éclabousser les générations ultérieures qui n’y ont pas participé, raison
pour laquelle les planificateurs au moins doivent en porter la responsabilité.