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gambie_president.jpgLe gouvernement gambien a donné 72 heures à la chargée d’affaires de la délégation de l’Union européenne (UE) à Banjul pour quitter la Gambie, une décision qui “stupéfait” Bruxelles samedi.
“Le gouvernement gambien informe le public qu’il a décidé de demander à Mme Agnès Guillaud, chargée d’affaires par intérim à la Délégation de l’Union européenne en Gambie, de quitter le territoire gambien dans les 72 heures”, a annoncé un communiqué officiel lu vendredi soir à la télévision publique.
Le texte précise que le délai court “à compter de ce vendredi 5 juin 2015”, mais il ne fournit aucune explication sur les motifs de cette expulsion qui créait samedi la surprise dans les milieux diplomatiques et politiques.
“Nous sommes stupéfaits de cette annonce qui n’a été accompagnée d’aucune explication”, a réagi un porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères à Bruxelles. “Nous convoquons l’ambassadeur de Gambie pour lui demander une explication”, a-t-il ajouté, disant la “pleine confiance” de l’UE dans “le travail et l’engagement de notre chargée d’affaires en Gambie”.
Selon une source occidentale à Banjul, Agnès Guillaud, de nationalité française, se trouve depuis 2011 en Gambie, dont l’UE est un des principaux partenaires économiques avec des subventions allouées pour la période 2008-2013 totalisant 65 millions d’euros.
Joint par l’AFP, le principal opposant gambien, Ousainou Darboe, a fustigé “une des pires décisions inconsidérées prises par le gouvernement gambien”, précisant également en ignorer le motif. “L’UE est l’un de nos plus importants partenaires au développement. Nous ne devrions rien faire qui mette en péril nos relations avec eux (…). Cette décision va nous coûter cher”, a réagi M. Darboe, responsable du Parti démocratique uni (UDP).
Pour lui, quels que soient les griefs de Banjul contre Mme Guillaud, ils auraient pu être traités “de manière plus convenable”, d’autant que la diplomate a récemment annoncé lors d’une réception à Banjul la fin prochaine de sa mission.
Ex-colonie britannique enclavée dans le Sénégal, à l’exception de sa façade maritime, la Gambie est dirigée depuis près de 21 ans d’une main de fer par Yahya Jammeh. En 2010, l’UE avait annulé l’octroi d’une aide budgétaire en faveur de la Gambie de 22 millions d’euros en arguant de préoccupations concernant les droits de l’Homme et la bonne gouvernance.
Yahya Jammeh de son côté attaque fréquemment les pays occidentaux qui, selon lui, conditionnent leur aide à la Gambie aux droits des homosexuels. “Si vous voulez nous donner de l’aide pour que nous mariions les hommes avec les hommes et les femmes avec les femmes, abandonnez. Nous n’avons pas besoin de votre aide car aussi longtemps que je serai président de la Gambie, vous ne verrez jamais cela arriver dans ce pays”, avait-il dit dans une déclaration au Parlement le 21 avril 2012.
M. Jammeh s’était aussi énervé lorsque, en décembre 2012, l’UE avait exhorté la Gambie à abolir la peine de mort, rouvrir des médias fermés -généralement pour avoir critiqué le pouvoir – et autoriser des diplomates étrangers à accéder aux prisons du pays.
Puis en janvier 2013, il avait accusé l’UE de vouloir “créer une situation d’instabilité” en Gambie ou y “installer un gouvernement fantoche”. Des milliers de personnes avaient alors marché à Banjul en scandant des slogans hostiles à l’UE.
Bruxelles avait de son côté assuré ne pas vouloir “imposer” ses vues à la Gambie mais dialoguer.

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