Pourquoi l’ONU se contredit-elle sur le Burundi, l’Union européenne serait-elle toujours dans la danse ?
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Il y a cinq jours, dans une déclaration de presse, Monsieur Doudou Diène, président de la Commission d’enquête sur le Burundi, créée en septembre 2016 par le Conseil des droits de l’homme, a annoncé la couleur du débat sur le second rapport final de la Commission qui sera présenté au Conseil, lors du dialogue interactif du 17 septembre 2017. D’ores et déjà, il faut savoir que ce rapport n’apporte rien de nouveau ; c’est encore le discours du « tout va mal », pendant qu’ailleurs, on préfère plutôt les mots « amélioration » et « stabilisation », notamment au Conseil de Sécurité qui, inspiré par la déclaration de l’envoyé spéciale Monsieur Michel Kafando le 9 août 2018, a réaffirmé au cours de ce mois dernier que la situation au Burundi n’était plus préoccupante.

Pourquoi donc le discours du Conseil des droits de l’homme, tout particulièrement de sa Commission d’enquête sur le Burundi, diffère-t-il de ceux des autres instances de l’ONU, tels que le Conseil de Sécurité, l’Assemblée Générale ou encore la Commission de Consolidation de la paix ? Pendant que le Conseil de Sécurité porte un regard, certes critique, mais conciliateur, le Conseil des droits de l’homme et sa commission ad hoc se cantonnent dans la même rhétorique qui veut que le Burundi soit l’enfer sur Terre, le pays de mille maux, celui où la vie n’a aucun sens, une jungle où ne vivent que des fauves assoiffées du sang humain. D’où vient donc cette rage, cette agressivité, ces attaques insensées ? Quelles peuvent être les motivations du Conseil ? Où plutôt, quels sont les véritables acteurs de cette machination de Genève ?

Pour rappel, l’action du Conseil des droits de l’homme au Burundi s’est déroulée respectivement en deux étapes.

La première a consisté à dépêcher au Burundi une équipe d’experts en droit de l’homme. Celle-ci a effectué au moins deux visites sur terrain et a pu bénéficier, dans un premier temps, d’une coopération, toute entière que franche, de la part de l’Etat burundais. Les experts ont rencontré tous les acteurs qu’ils souhaitaient interroger, y compris les Putschistes du 13 mai 2015, dans leur cachot évidemment. Ils ont même apprécié le pays, son paysage, son climat et son hospitalité. Leurs premiers discours contenaient, à chaque fois, le mot espoir. Il faut remarquer que le Gouvernement burundais a suivi le jeu parce qu’il jugeait n’avoir rien à cacher aux experts et à la Communauté Internationale. C’était d’ailleurs son slogan : « venez vous rendre compte vous-même de la réalité sur place, ne soyez pas influencés par nos détracteurs qui ont fui à l’étranger ». Mais c’était sans compter sur la ténacité de ces mêmes détracteurs ou plutôt sur la détermination de leurs protecteurs à casser les forces politiques qui découlent du jeu démocratique. L’Europe avait décidé que le Burundi devait changer son visage politique ; ces arrogants du CNDD-FDD devaient être poussés hors de l’échiquier. Dès lors, l’Equipe d’experts a viré à l’amateurisme géopolitique ; elle a vite hypothéqué ses qualités de juristes de carrière internationale pour embrasser les injonctions européennes. C’est après qu’elle a produit un premier rapport copié sur les déclarations de divers acteurs farfelus, tels que Bernard Maingain et le belge Euro-député Louis Michel, que l’Etat burundais a compris que ce Conseil des droits de l’homme exécutait un agenda caché de l’Union Européenne, du moins du Royaume des belges et de la France. C’est ainsi que le Burundi, membre du Conseil des droits de l’homme jusqu’en 2018, a décidé de ne plus coopérer avec l’Equipe d’experts. Cette dernière ayant brandi la menace de la Cour Pénale Internationale, le Burundi a également décidé de quitter le Statut de Rome.

A partir de là, c’est une véritable course contre la montre qui a mis au coude-à-coude le Burundi et l’Union Européenne qui avait changé de stratégie : épingler les leaders du CNDD-FDD à la CPI. Pour ce faire, redorer la crédibilité de leurs opposants vivant en Europe (galas de discernement des prix organisés autour de Louis Michel), pour enfin pousser ces héros-victimes (Maggie et Mponimpa) à sensibiliser le monde par des scènes émouvantes sur la supposée tragédie qui se déroule au Burundi. Et là encore, c’est le Conseil des droits de l’homme qui devient le fer de lance de cette manigance à très haut niveau de la diplomatie internationale. L’Europe (Belgique-France-Allemagne) doit absolument avoir de gros enjeux dans ce petit pays du cœur d’Afrique pour avoir sorti le grand jeu diplomatique.

Face à la nécessité d’agir rapidement avant que le retrait du Burundi de la CPI ne soit effectif, le Conseil des droits de l’homme a remplacé l’Equipe d’experts, en septembre 2016, par une Commission d’Enquête sur le Burundi. C’est la seconde étape de l’action du Conseil des droits de l’homme au Burundi. Et cette fois-ci, c’était bien clair. La commission a eu pour mission d’établir les violations des droits de l’homme qui relèvent du droit international. Il ne s’agit plus de chercher la vérité et soutenir le pays dans ses efforts de promotion et protection des droits l’homme et de lutte contre l’impunité, mais plutôt d’amorcer la saisine de la Cour Pénale Internationale. Cet acharnement européen, du Conseil et de sa commission a finalement abouti à pousser la CPI à annoncer, deux semaines après le retrait effectif du Burundi, que la Cour avait gardé secrète (sic !) une ouverture d’enquête. Quand l’Europe critique l’interférence de l’exécutif dans la justice burundaise, il y a aussi lieu de chercher à connaitre le degré d’injonctions européennes dans l’action de la CPI ; c’est trop flagrant.

Il est évident que la Commission d’enquête sur le Burundi cherche à donner de la matière de travail à la CPI. Dans son nouveau rapport, la Commission relate les mêmes accusations que le premier rapport de l’équipe d’expert (2016). Elle y ajoute une liste secrète, dont elle se réserve le droit de partager, probablement avec la CPI.

Ce qui est ridicule, c’est de voir une Commission qui décrit une population en gros besoin de soutien, mais qui termine son rapport par encourager la coupure d’aide et le renforcement des sanctions. C’est dire que le Cœur n’y est pas ; alors que la défense des droits de l’homme exige tout au moins de l’humanisme.

Et c’est précisément à ce niveau où se trouve la différence de classe et de sérieux avec les autres organes de l’ONU. A titre d’exemple : « notant qu’un certain nombre de partenaires bilatéraux et multilatéraux ont suspendu leur assistance financière et technique au gouvernement du Burundi, compte tenu de la situation dans ce pays, le Conseil de Sécurité a encouragé, dans sa déclaration à la presse du 23 août 2018, une reprise du dialogue entre le Burundi et ses partenaires pour créer les conditions de reprise de l’assistance. » Pendant ce temps, la Commission d’enquête se range du côté de l’UE pour sanctionner le pays. On comprend pourquoi Monsieur Fatsah OUGUERGOUZ a démissionné de son poste de président de la Commission, car elle est ridicule ; aucun homme intègre ne peut accepter de se laisser manipuler comme une marionnette. Monsieur Doudou Diène devait s’inspirer de l’exemple Ouguergouz et démissionner à son tour.

Par Appolinaire NISHIRIMBERE