RDC: l’annonce prématurée du Dr. Muyembe d’une probable vaccination test sur des Congolais contre le COVID-19 fait débat.

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Questions d’éthique médicale au respecté Docteur Muyembe, directeur général de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) de la République démocratique du Congo, nommé par le président Félix Tshisekedi coordinateur de la riposte face à la pandémie de COVID-19
 
Respecté Docteur Muyembe
Je suis Olivier Nkulu Kabamba, Docteur en Bioéthique et en éthique médicale de l’Université de Montréal au Canada où je suis également enseignant. En date du vendredi 3 mars 2020 dans les réponses que vous avez données aux journalistes lors de votre conférence de presse quotidienne sur le suivi de la pandémie du Covid-19 en République Démocratique du Congo, vous avez indiqué (je vous cite) « la recherche sur les vaccins est très avancée au Canada, aux États-Unis, en Chine et même en Europe. Les essais cliniques vont débuter incessamment au mois de mai, et se poursuivre au mois de juin et de juillet 2020, et en République Démocratique du Congo nous sommes candidats ». À la question de précision du journaliste : « essais cliniques même ici chez nous en République Démocratique du Congo ?». Vous avez confirmé que « oui, ici chez nous en République Démocratique du Congo nous sommes candidats à ces essais cliniques ». En clair, cela veut dire que selon vous : « les congolais et les congolaises sont des candidats volontaires aux essais cliniques à venir ». En clair, cela veut dire aussi que selon vous : « les congolais et les congolaises sur lesquels seront appliqués ces essais cliniques acceptent qu’ils n’en tireront pas bénéfice, parce que c’est le principe même d’un essai clinique : L’objectif d’un essai n’est pas d’apporter un bénéfice thérapeutique au volontaire »
 
Respecté Docteur Muyembe
Vous êtes-vous rendu compte du terrible choc qu’ont subi les congolais et les congolaises en vous écoutant ce vendredi 3 avril 2020, vous, l’autorité médicale chargée par le Président Tshisekedi et qui êtes son conseiller principal pour le contrôle de la pandémie du Covid-19, vous déclarez publiquement que « nous en République Démocratique du Congo, nous sommes candidats aux essais cliniques des vaccins et médicaments contre le Covid-19 qui sont en élaboration en Occident ».
 
Respecté Docteur Muyembe
Vous êtes-vous rendu compte de l’onde de choc que votre déclaration a provoqué dans les pays africains et au-delà. Vous confirmez que la République Démocratique du Congo, à travers votre décision et donc celle du Chef de l’État dont vous êtes conseiller, est candidate aux essais cliniques des vaccins et médicaments contre le Covid-19 qui sont en train d’être développés dans les unités de recherche en Occident et en Chine. Même si vous-même et le président de la République vous n’avez aucune maîtrise sur les recherches menées et leur nature, vous déclarez que la population congolaise est déjà candidate aux essais cliniques à venir.
 
Respecté Docteur Muyembe, 
Peut-on d’abord expliquer en bref la définition d’un essai clinique ?  Sans chercher une définition compliquée dans nos dictionnaires de médecine dont le langage est trop difficile pour les gens, j’ai choisi la définition que donne le dictionnaire en ligne Wikipédia parce que celui-ci est accessible et proche des gens. « Un essai clinique, ou étude clinique, ou encore essai thérapeutique, est une étude scientifique réalisée en thérapeutique médicale humaine pour évaluer l’efficacité et la tolérance d’une méthode diagnostique ou d’un traitement. L’objectif d’un essai clinique n’est pas d’apporter un bénéfice thérapeutique au volontaire ».
Le standard de tout essai clinique doit obéir aux règles déontologiques de haute qualité et à un cahier très strict des règles éthiques scrupuleusement établies.
 
Respecté Docteur Muyembe
De par ma spécialité universitaire (éthique médicale et bioéthique), je voudrai que vous puissiez aussi informer le public sur les faits suivants : lorsqu’un essai clinique a lieu en Europe, aux États-Unis, au Canada, il est soumis aux stricts critères d’éthique qui sont indispensables pour protéger les personnes. Tout essai clinique se fait sur base d’un échantillon des volontaires. Les volontaires participants aux études cliniques doivent être parfaitement informés et donner leur consentement éclairé à l’inclusion dans l’essai, en signant un formulaire de consentement. Les volontaires doivent être parfaitement avertis des risques éventuels de façon exhaustive. En France, en Belgique, au Canada, aux États-Unis, l’avis d’un Comité indépendant de protection des personnes est obligatoire. Ce comité rend son avis en vérifiant l’intérêt scientifique et médical de l’étude, son rapport risque éventuel/ bénéfice est toujours très attendu, la conformité aux bonnes pratiques de la méthode, notamment en ce qui concerne le promoteur et l’investigateur principal de l’étude et la présence d’une assurance permettant d’indemniser les participants à l’étude en cas de dommages sur leur santé. Les liens financiers entre les investigateurs et les promoteurs de l’étude, quand ils existent, doivent être annoncés. Les conflits d’intérêt doivent absolument être évités.
 
Respecté Docteur Muyembe,
Pouvez-vous dire aux Congolais et aux Congolaises quelles sont les règles éthiques qui ont été établies dans les protocoles de recherche de ces médicaments et vaccins contre le Covid-19? Êtes-vous déjà en possession de ces règles éthiques et les avez-vous déjà mises sur la place publique pour que les citoyens congolais en prennent connaissance ? Un essai clinique se fait sur base des volontaires recrutés de manière transparente. Existe-t-il déjà en République démocratique du Congo un appel aux candidats volontaires à ces essais cliniques ? Quel est le profil du candidat ? L’échantillon des candidats volontaires à ces essais cliniques sera-t-il en toute transparence communiqué aux scientifiques congolais en la matière et aux élus ? Êtes-vous déjà en possession du rapport risques éventuels/ bénéfices attendus ? Quels sont les éventuelles mesures préconisées en cas des dommages sur la santé des volontaires ? Et surtout, avez-vous déjà les éléments qui vous permettent de rassurer les congolais et les congolaises sur les intérêts des instigateurs et les promoteurs de ces vaccins et médicaments ?
 
Voilà, respecté docteur Muyembe, des questions éthiques auxquelles, j’espère que vous apporterez suffisamment des réponses dans les conseils que vous prodiguez au Président de la République, des réponses que le peuple congolais a le droit de savoir. Parce que dans l’état de droit qui est suffisamment chanté en République Démocratique du Congo notre beau pays, la personne humaine doit être suffisamment protégée. J’espère que vous vous donnerez à vous-même la règle déontologique et le devoir éthique d’informer. J’espère qu’avec rigueur, les élus du peuple, les scientifiques en la matière, la société civile, avec l’éclairage des éthiciens et des bioéthiciens, se chargeront de mettre en place un Comité national indépendant de protection des personnes, et qui donnera un avis contraignant à la demande des essais cliniques que vous lui soumettrez.
 
Olivier Nkulu Kabamba,
Docteur en Bioéthique et en éthique médicale et enseignant universitaire