Force est-africaine : les chefs d’Etat ont donné leur feu vert
Partage

Tous les chefs d’Etat de la CAE ont répondu présents à l’invitation, exceptée Samia Suluhu, présidente de la République unie de Tanzanie.
C’est en marge du 3e conclave des chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), tenu à Nairobi, que cette force a reçu son mandat opérationnel. C’était ce lundi 20 juin.

Le communiqué du conclave commence par un briefing détaillé sur le volet militaire de cette nouvelle force, présenté par le Général Robert Kikochi, chef des forces de défense du Kenya, également président du comité des chefs des forces de défense de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Ledit conclave faisait suite à une réunion des chefs des forces de défense de la CAE, tenue dimanche 19 juin. Les chefs d’Etat ont brossé la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est de la RDC, particulièrement dans les provinces du Sud-Kivu, Nord-Kivu et de l’Ituri, et réaffirmé leur engagement et détermination à contribuer à la réconciliation par une solution rapide et durable au conflit en RDC, notamment dans ses provinces orientales.

Tout en soulignant l’impérieuse nécessité de maintenir la suprématie de la Constitution de la RDC, ils se sont engagés à maintenir un pays unifié et sûr, avec des institutions cohérentes et crédibles du gouvernement central exerçant la pleine autorité territoriale et reconnaissant que les moyens pacifiques sont le meilleur moyen de résoudre les conflits. Dans son exposé, M. Kikochi a défini le problème, souligné l’analyse de la menace, le concept d’opérations (CONOP), l’accord sur le statut des forces (SOFA), les règles d’engagement (ROE) et d’autres règlements juridiques et techniques pour faciliter l’opérationnalisation de la force régionale et de ses divers bras.

Une urgence sur laquelle se sont accordés les chefs d’Etat présents. Car, dans la foulée, ils ont adopté et accepté ces instruments pour une mise en œuvre immédiate. Néanmoins, ces derniers ont instruit que cette force régionale, en plus de coopérer avec les forces militaires et autorités administratives pour stabiliser et assurer la paix en RDC, devrait également participer/contribuer à la mise en œuvre du processus de désarmement et de démobilisation. « Et ce, en vertu du protocole de la CAE sur la paix et la sécurité dans son article 124 sur la paix et la sécurité régionales et de son article 125 sur la coopération en matière de défense ».

Cessation immédiate des hostilités

En entérinant sa mise sa place, cette force régionale a, dans la foulée, reçu son mandat opérationnel de la part de tous les chefs d’État. Toutefois, au regard de la montée des tensions dans cette partie orientale de la RDC, ils ont ordonné qu’un cessez-le-feu inconditionnel soit appliqué et que la cessation des hostilités entre en vigueur immédiatement, y compris le retrait des positions récemment prises. Allusion faite de la prise des rebelles du M23 de Bunagana, ville à la frontière avec l’Ouganda.

Tout en poursuivant le processus politique, le conclave s’est convenu que le sort des combattants pendant la réintégration, le statut des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays figurent parmi les autres questions critiques qui nécessitent une résolution concertée, urgente et durable. Avant de clore les débats, les chefs d’Etat ont rappelé que tout langage offensant, tout discours de haine, toute menace de génocide et autres propos politiquement incitatifs à la violence doivent cesser. Et la RDC a exigé que le Rwanda ne fasse pas partie de cette force militaire régionale au motif de son ‘’soutien’’ à la rébellion du M23.

Pour rappel, outre la Tanzanie qui a été représentée par son ambassadeur au Kenya, Steven Shimbachawene, tous les chefs d’Etat de la CAE ont répondu présent à l’invitation de leur homologue kenyan.

La Lucha s’inscrit en faux contre cette force régionale

En moins de 24h après la tenue dudit conclave, la Lutte pour le Changement, Mouvement citoyen non partisan et non violent du Nord-Kivu (La Lucha) a adressé une correspondance au président Tshisekedi. Elle s’insurge contre la mise en place de cette force régionale, et donne des contres propositions.

Entre motifs de son rejet, elle rappelle au chef de l’Etat que les armées du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi et du Soudan du Sud, sont présentes sur le sol congolais sous une forme ou une autre. « L’armée rwandaise est associée au M23 au Nord-Kivu et soutient le Red-Tabara au Sud-Kivu. Et ce, en plus des opérations dites spécialisées qu’elle mène sur notre territoire avec votre permission ». Idem pour l’armée ougandaise, rappelle-t-elle, qui a été ouvertement invitée sur le Nord-Kivu et en Ituri via l’opération Shujaa, depuis novembre 2021. Quant au Burundi, la Lucha indique qu’il opère dans le Sud-Kivu et de même que celle sud-soudanaise qui opère dans la province du Haut -Uélé.
Concernant les armées tanzaniennes et kenyanes, elles sont présentes dans le Nord-Kivu et en Ituri dans le cadre de la Brigade d’Intervention des Nations Unies.

gnl eac 640×368

Cette force régionale va également participer dans la mise en œuvre du processus de désarmement et de démobilisation.
De quoi laisser entendre qu’avec au moins trois des sept Etats de la CAE impliqués depuis deux décennies dans l’agression et la déstabilisation de la RDC, en plus de la présence des Casques bleus déployés depuis 20 ans sur le sol congolais, estime la Lucha, l’idée d’une force régionale comprenant des armées hostiles ou déjà présentes sur leur territoire pose de multiples problèmes d’ordre politique , stratégique voire opérationnel. Et d’enfoncer le clou : « Il ne suffit pas de mettre à l’écart l’armée rwandaise de cette force. La participation des armées burundaises, ougandaises, sud-soudanaises est aussi indésirable.» Comme alternative, la Lucha propose de requérir du Conseil de sécurité de l’ONU un renforcement de la brigade d’intervention en troupes, à l’exclusion de celles du Rwanda, du Burundi, de l’Ouganda et du Sud Soudan du Sud.

Autre proposition : l’arrêt immédiat de l’opération Shujaa de l’armée ougandaise et toute autre opération militaire qui serait en cours sur le territoire congolais avec l’autorisation du président Tshisekedi. A cet égard, dans le but de dissiper tout soupçon, la Lucha estime que le président de la RDC devrait rendre publics ou transmettre au Parlement tous les accords militaires et économiques passés avec le Rwanda/M23, le Burundi et l’Ouganda, depuis son arrivée au pouvoir.

La saisie dans les plus brefs délais des Nations Unies pour la création d’un tribunal pénal International pour la RDC ou d’un mécanisme judicaire équivalent en vue des juger les principaux auteurs Congolais et étrangers des crimes de génocide , des crimes de guerre et contre l’humanité commis sur le sol congolais depuis 1990 jusqu’à nos jours, est l’autre urgence.

La Lucha appelle le gouvernement à faire de la reforme de ses forces de sécurité une priorité absolue. A cet effet, elle propose une réduction d’au moins 30% des budgets de fonctionnement et du personnel politique des institutions républicaines, et l’allocation des ressources économisées à l’armée dans la cadre du récent projet de loi de programmation militaire. « Car, à terme, continuer à faire dépendre notre sécurité du bon vouloir des autres et des interventions étrangères quelles qu’elles soient est un déni de notre souveraineté et une humiliation insoutenable ». Et de conclure : « Notre pays a besoin d’avoir une armée et des forces de sécurité véritablement professionnelles, apolitiques, capables de défendre son territoire, l’ensemble de ses citoyens et nos intérêts vitaux contre toute menace intérieure et extérieure.»

Par Hervé Mugisha (Iwacu)