L’Allemagne dépendra du gaz russe pendant encore deux ans
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La première économie de la zone euro va réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes. Si l’abandon du pétrole sibérien s’annonce rapide, les choses sont plus complexes concernant le gaz. Berlin exclut un embargo mais se prépare à l’éventualité d’une rupture d’approvisionnement de la part de Moscou.
Des décennies passées à conforter les accords de livraison d’ hydrocarbures russes ne s’effacent pas d’un claquement de doigts. « Nous avons bien progressé. L’Allemagne réduit sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie à un rythme soutenu. Mais nous devons continuer d’agir de manière réfléchie », a déclaré vendredi matin le ministre de l’Economie et du Climat, Robert Habeck.
Ses maints déplacements de Washington à Doha, en passant par Oslo pour diversifier ses approvisionnements lui ont permis de desserrer l’étau de Moscou. Selon le ministre, la part des importations de pétrole russe « aura probablement diminué de moitié d’ici le milieu de l’année. Nous visons une quasi-indépendance à la fin de l’année. » Il a ajouté qu’il en serait de même du charbon dès l’automne.
Encore deux hivers difficiles
Pour ce qui est du gaz russe, les choses sont plus complexes. La dépendance de l’Allemagne a été abaissée en quatre semaines de 55 % à 40 % et cette part ne devrait plus atteindre que 30 % à la fin de l’année. Grâce à la construction de nouveaux terminaux de gaz liquide, « il sera possible de devenir indépendant d’ici la mi-2024 », précise Robert Habeck et cela ne pourra se faire « qu’au prix d’un effort commun ».
Le ministre compte sur le « développement des énergies renouvelables » qui fera l’objet d’une profonde modification de la loi dédiée au secteur d’ici à Pâques. Il table aussi sur la « réduction systématique de la consommation », et la « montée en puissance rapide de l’hydrogène ». Mais cela prendra plusieurs années. « Il est trop tôt pour imposer un embargo sur l’énergie. Les conséquences économiques et sociales seraient encore trop graves », conclut le ministre.
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La fébrilité des entreprises est d’ailleurs perceptible dans l’indice du climat des affaires de l’Ifo, publié vendredi : il a chuté de 4,7 points en un mois à 90,8, son plus bas niveau depuis janvier 2021. « Les entreprises allemandes semblent se rendre compte que les implications économiques de la guerre sont plus importantes pour l’économie allemande que la pandémie », commente Carsten Brzeski, chef économiste chez ING. Selon lui, une stagflation est devenue le scénario le plus probable.
Berlin est prêt à toute éventualité
Face à la pression de Washington mais aussi aux appels de la société civile allemande à plus de courage, le gouvernement allemand assure contribuer aux efforts pour isoler Vladimir Poutine. Il se refuse en particulier à régler les livraisons d’hydrocarbures russes en roubles comme l’exige Moscou. Dans ce contexte, Berlin assure se tenir prêt en cas de rupture d’approvisionnement déclenchée par la Russie.
« Il y a une grosse différence entre décider soi-même d’un embargo, dont nous devrons assumer toutes les conséquences et une rupture qui serait décidée par Moscou . Cela ne veut pas dire que nous ne nous préparons pas à une telle éventualité », souligne Robert Habeck. Au terme de l’hiver, les réserves de gaz atteignent ainsi encore 25 %. Le Bundestag devait adopter une nouvelle loi vendredi qui imposera dès le 1er mai des objectifs de remplissage à l’automne.
Robert Habeck a aussi confirmé la suspension des fermetures des centrales à charbon. Alors que la présidente de la Fédération de l’énergie et de l’eau (BDEW), Kerstin Andreae, exige le déclenchement du niveau d’alerte précoce et un plan indiquant quelles industries seraient livrées en priorité en gaz en cas de pénurie, le ministre assure disposer d’assez de marges pour éviter un tel scénario. « Nous n’avons pas de problème d’approvisionnement, nous ne céderons pas au chantage de Vladimir Poutine », martèle Robert Habeck.

Par Ninon Renaud