Mahwa-Matana : Quand modernité rime avec dépravation des mœurs
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Grâce à la construction du barrage Jiji-Murembwe et la réhabilitation de la RN17, la commune de Matana est très animée, les deux localités sont en pleine expansion. Ce développement s’accompagne d’un bouleversement des mœurs. En plus de grossesses non désirées, la prostitution deviendrait  rampante.  

Tels des champignons qui sortent du sol, le long de la RN7, en plein centre de Matana, des maisons ne cessent de s’ériger. A chaque virage, dorénavant, il est  impossible de ne pas remarquer des  pancartes indiquant l’emplacement d’un hôtel dans les environs. Sans oublier le vacarme assourdissant des  véhicules le matin … A l’instar de Bujumbura où tout un chacun est contraint de se lever tôt le matin  pour éviter les bouchons. Depuis le début de construction du barrage et la réhabilitation de la RN17, Matana vit la même situation. La bonne habitude  de saluer son voisin, le matin, a disparu. Chacun marche d’un pas pressé. « Tout se fait à 100km à l’heure », confie non sans peine Marc, boutiquier. Le problème, avec nos jeunes, déplore-t-il, c’est qu’ils veulent adopter  les comportements des nouveaux venus. Réputée conservatrice pour leurs mœurs, c’est une population de Matana, de Mahwa, essentiellement certaines jeunes filles, qui est à la croisée des chemins. Depuis, l’avènement desdits projets, leurs comportements ont changé. Et les témoignages concordants sont plus qu’évocateurs. « Moyennant un certain montant, certaines contractent des unions libres ».

Ressortissante de la colline Mahwa, le cas d’une certaine Bella est sur toutes les lèvres. D’après des sources fiables, la jeune fille, la vingtaine, a contracté une union libre avec un Chinois travaillant pour China First, la compagnie en charge de la réhabilitation de la RN 17. Montant de la « transaction » est de 2,5 millions de BIF. Selon les termes de leur contrat, raconte une source, la jeune fille, pendant une année, doit satisfaire les envies sexuelles de l’autre. Plus étonnant, déplore notre source, c’est que ses parents auraient donné leur bénédiction. En prime, ajoute-t-elle, son père travaillerait comme sentinelle sur un des sites de l’entreprise en guise de remerciement depuis la signature de l’accord.

Un réseau bien huilé

A l’endroit communément appelé Ku Masanganzira ya Mahwa, vers 16h, la circulation refait surface.

« Parmi ces filles de joie, peu se connaissent. De son côté, le livreur s’arrange  à ce que la ‘’marchandise’’ arrive à bon port », révèle A.L., un des intermédiaires. Ainsi, l’endroit communément appelé Ku Masanganzira ya Mahwa serait la plaque tournante de ce business. Quasi déserte la journée, la place revit  aux environs de 16h. « A ce moment-là, les premiers ouvriers sont de retour des chantiers ». Entre les odeurs des brochettes de viande de chèvre, les vendeurs d’arachides qui font la navette, de petits groupes se sont formés. Chacun avec sa moitié. Durant les week-ends, indique notre source, des bus Hiace sont affrétés pour amener des filles de Bujumbura. Le temps de se désaltérer, un à un, les couples disparaissent.

Pour  fluidifier les « affaires », affirme notre source, les commissionnaires jouent un rôle de premier plan. Ce sont des rabatteurs de bus, des motards et élèves des environs, pour la plupart. Ils jouent les intermédiaires, négocient les prix, parfois les traducteurs ou louent les chambres.

Selon des témoignages concordants, certains parents se seraient invités dans ce business. « Comme tout le monde ne peut s’offrir la fille de ses rêves, ces derniers interviennent pour casser les prix». Ces témoignages évoquent aussi certaines femmes qui proposent leurs services à qui veut, moyennant une certaine somme. Néanmoins, nuancent nos sources, peu de clients les préfèrent car elles sont trop exigeantes et discrètes.

La partie émergée de l’iceberg

Les chauffeurs rencontrés à l’endroit communément appelé Ku Masanganzira ya Mahwa observent que le  phénomène prend  de l’ampleur : « Outre des paysannes, des fonctionnaires s’y adonnent.»

Et d’évoquer le cas d’une enseignante de l’Ecofo Mitabamo. Mariée avec six enfants, elle a quitté son mari pour aller vivre avec son amant : un chauffeur de camion d’une des compagnies en train de construire le barrage Jiji-Murembwe. D’après ces chauffeurs, ces cas deviennent légion. « C’est à peine  si les gens en parlent, mais sur toutes les collines à Mahwa, à Kiyange et leurs environs, des couples se défont et se refont ». Allusion faite aux nouvelles unions qui naissent après qu’une femme ait quitté le ménage conjugal.

Les personnes interrogées déplorent la complicité de certains parents : « A chaque fois que nous avons ouï dire qu’une élève est tombée enceinte, il n’y a jamais de poursuites à l’encontre de l’auteur  de ce délit. La preuve que tout se règle à l’amiable quand ces cas surviennent. »

Dieudonné Nshemezimana : « Nous veillons au grain. »

Pour endiguer à jamais de telles pratiques, ces derniers devraient être sévèrement punis. Un avis partagé par Dieudonné Nkunzimana, administrateur communal de Matana : « Tant qu’il n’y a pas de plainte, il est difficile d’appréhender qui que ce soit. » Néanmoins, de concert avec les forces de l’ordre de la division des mœurs, il assure qu’en permanence des fouilles dans les hôtels se font. « Nous veillons au grain », conclut-il.

Par Hervé Mugisha (Iwacu)