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Interview avec Son Excellence Ambassadeur TABU Rénovat, Représentant permanent du Burundi auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des organisations internationales en Suisse.

Burundi-24 : Bonjour votre Excellence
S.E : Bonjour

Burundi-24 : A quand le Burundi va-t-il effectivement sortir de la Cour Pénale Internationale ?

S.E : L’article 127 du Statut de Rome dispose que «Tout État Partie peut, par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, se retirer du présent Statut. Le retrait prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue, à moins que celle-ci ne prévoie une date postérieure».
Le Burundi, État souverain, a les prérogatives de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux, de les dénoncer et, le cas échéant, de s’en retirer. Dans l’exercice de cette prérogative souveraine, le Burundi a signé le Traité de Rome le 31 janvier 1999 avant d’y adhérer en date du 21 septembre 2004, devenant ainsi le 95ème État membre de la CPI. Le 26 octobre 2016, il a formellement notifié au Secrétaire Général des Nations Unies sa décision de se retirer du Statut de Rome.
En vertu de cet article 127, le retrait du Burundi de la Cour Pénale Internationale prendra automatiquement effet un an après la date de notification, soit le 27 octobre 2017.

Burundi-24 : Vous vous inscrivez en faux contre le rapport des experts des Nations Unies, pourquoi ?

S.E : Je ne sais pas de quel rapport vous parlez parce le Burundi a connu plusieurs rapports des experts des Nations Unies notamment celui de septembre 2016, dit rapport de l’EINUB, et celui de septembre 2017, dit de la Commission d’enquête sur le Burundi, tous étroitement liés dans leur essence et leur finalité. Le rapport de l’EINUB repose sur une fraude de vérité et donne son odeur de corruption à sa descendance qu’est le rapport de la Commission. Le Burundi ne pouvait que s’inscrire en faux contre l’un et l’autre de ces rapports qui ne sont par ailleurs que des démembrements d’une ossature de rapports biaisés savamment dressés contre lui.

Burundi-24 : Dans ce rapport les experts demandent à la CPI d’ouvrir rapidement une enquête sur les crimes commis par les autorités burundaises. Y a-t-il lien avec cette date butoir de retrait de la CPI ?

S.E : Les experts des Nations Unies, dans le cadre de la Commission d’enquête sur le Burundi, avaient un mandat précis à savoir « a) Mener une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi depuis avril 2015, notamment pour en évaluer l’ampleur et déterminer s’il s’agit de crimes de droit international, afin de contribuer à la lutte contre l’impunité ; b) Identifier les auteurs présumés de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises au Burundi, en vue de faire pleinement respecter le principe de responsabilité ». Or, étant donné que ces experts se sont vus attribuer à défaut le pouvoir juridictionnel de qualifier les faits en crimes de droit international, sachant qu’en vertu de l’article 5 du Statut de Rome la CPI est compétente pour en connaître, et que l’heure de la sortie du Burundi de la CPI va bientôt sonner, il ne pouvait y avoir d’autre comportement salutaire et conforme au mandat, dans le chef de ces experts, que de demander à la CPI de se saisir rapidement du cas. Néanmoins, je m’imagine mal comment un juriste enquêteur, qui se dit n’être pas encore au bout de ses enquêtes, peut a priori qualifier les faits, en déterminer les responsables et appeler au jugement rapide. C’est de l’amalgame judiciaire et un pur fiasco.

Burundi-24 : La 36ème session du conseil des droits de l’Homme s’est achevée vendredi 29 septembre dernier, avec deux résolutions sur le Burundi. Pouvez-vous nous décrire en détail ce qui s’est passé pour en arriver là ?

S.E : En principe lorsqu’il y a initiative d’une résolution sur un Etat donné, le meilleur des cas est que les deux parties coopèrent pour en arriver à une résolution consensuelle. Les discussions peuvent ne pas aboutir pour des raisons diverses et plusieurs scenarios peuvent alors se dégager.
Dans le cas de la 36ème session du Conseil des Droits de l’homme, l’Union européenne a initié une résolution sur le Burundi dont le contenu n’a pas été apprécié ni accepté par le groupe africain en général et l’Etat concerné en particulier. Le groupe africain a alors proposé son projet de résolution à confronter à celui de l’Union européenne pour un éventuel consensus. Les discussions n’ayant pas abouti, le groupe africain s’est résolu de tabler sa résolution et l’Union européenne a préféré camper sur sa position de routine.

Burundi-24 : On remarque que certains pays qui ont voté pour la résolution dite « africaine », ont aussi voté pour la résolution « européenne », pourquoi cette ambivalence ? Et quelle différence entre les deux résolutions ?

S.E : Cela ne m’étonne pas du tout. Cette ambivalence peut s’expliquer de différentes manières. D’une part, il faut savoir que l’Union européenne a, dans les coulisses, cherché à « bilatéraliser » son projet de résolution sur le Burundi sous la houlette des relations diplomatiques en jeu qu’elle entretient avec tel ou tel Etat africain. D’autre part, en tant qu’Etat africain, il est difficile de se désolidariser du groupe africain dont la solidarité est non seulement une règle mais également un acquis. C’est donc regrettable qu’un Etat soit pris au filet de deux volontés politiques contradictoires. Cela symbolise une sorte de déficit de maturité politique qui prouve encore une fois que l’Afrique doit accepter de prendre sa destinée en main. Le processus d’indépendance de l’Afrique n’a pas encore pris fin et quelque part ce sont les Africains eux-mêmes qui en retardent l’accession effective.
La différence entre les deux résolutions réside au niveau du type de mécanisme mis en place pour gérer la situation des droits de l’homme au Burundi. La résolution initiée par le groupe africain prône l’assistance technique et le renforcement des capacités sous coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme. Les trois experts préconisés vont travailler en étroite collaboration avec les autorités burundaises dans la lutte contre l’impunité. La résolution initiée par l’Union européenne est une prolongation du mandat de la commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme au Burundi, une commission que le Burundi a toujours contestée et s’est refusé de légitimer sous quelque forme que ce soit.

Burundi-24 : Au final, quel est l’impact de ces deux résolutions sur le Burundi ?

S.E : L’existence de deux résolutions sur un même Etat, pour une même cause et à l’occasion d’une même session du Conseil des droits de l’homme est une situation qui dénote la politisation des droits de l’homme par certains pays qui usent de leur influence financière pour mettre à genou le travail objectif des institutions onusiennes et chercher à imposer leur volonté aux autres Etas. Le Burundi reste juridiquement fondé à respecter la mise en œuvre de la résolution initiée par le groupe africain et dont il est partie prenante. Quant à l’autre résolution, qui par ailleurs entre en contradiction avec la première, la position du Burundi est déjà connue.

Burundi-24 : La France salue l’intention du gouvernement du Burundi, de reprendre sa coopération avec le haut-commissariat aux droits de l’Homme et avec son bureau dans le pays, comme il s’y engage dans la résolution présentée par le groupe africain et également adoptée par le conseil. Est-ce vrai ?

S.E : Le gouvernement du Burundi n’a jamais coupé sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Les deux parties sont déjà à l’œuvre pour arriver à un nouvel accord de siège et d’ici peu celui-ci sera signé parce que les discussions sont très avancées. Que la France se dit saluer l’intention du Gouvernement du Burundi de reprendre cette coopération, j’estime qu’il s’agit d’un positionnement dont les soubassements ont une nette corrélation avec la mission et le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi. Je ne saurais m’écarter de sa position connue vis-à-vis de la situation au Burundi depuis 2015 pour apprécier son attitude quant à la reprise de la coopération entre le gouvernement du Burundi et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Burundi-24 : Merci encore une fois Excellence Monsieur Ambassadeur

S.E : Merci de m’avoir invité.

Lu pour vous,
Ruvyogo Michel