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Burundi  -  Itongo  familial  ( Photo : Douce Cahute  )Jusqu’au mois d’août de cette année, l’hypothèque et ses modalités de paiement étaient régies par un arrêté belge datant de 1925. Une loi qui a permis aux banques de flouer ses débiteurs durant presque tout un siècle, estime notre contributeur Pierre Claver Banyankiye.

J’ai suivi avec une grande curiosité les plaintes des associations des consommateurs de crédits défaillants. Bien plus, j’ai eu de belles occasions d’échanger avec eux. Pères de familles angoissés, ils ont assisté impuissants à la vente de leurs immeubles hypothéqués. Je me suis inquiété de l’avenir de ces gens sans secours. J’ai constaté que ces consommateurs ont été victimes d’un arrêté belge du 21 novembre 1925.

J’ai eu la chance de lire cette loi belge, rendue exécutoire au Burundi le 8 mars 1927. J’ai remarqué qu’au départ, cette loi ne concernait pas les « indigènes». Je n’ai pas compris comment une telle loi a fini par régir les sujets burundais. Ce qui me semble encore plus étrange : le Burundi a continué à appliquer une loi que la Belgique, pays législateur a abrogé. Ce vieil arrêté a permis aux banques de se faire payer sa créance en faisant réaliser l’hypothèque sans devoir prendre un jugement. Elle a autorisé les banques de vendre rapidement des maisons données en garantie. C’est-à-dire forcée, des hypothèques données en garantie par les débiteurs. C’est ce qu’on appelle «la vente par voie parée ». Il est regrettable que cette loi vieille de 99 ans régissant les colons installés au Congo, était en vigueur au Burundi indépendant jusqu’en le 22 Août 2017.

En lisant cet arrêté royal, son article 1er indique que la vente en vertu de la clause de voie parée doit être précédée de la mise en demeure signifiée au débiteur, de payer la somme due, dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours. Cette mise en demeure énonce que, faute de paiement, il sera procédé aux formalités tendant à l’expropriation de l’immeuble. C’est donc dire que, si le délai de quinze jours s’écoule sans aucune réaction du débiteur et sans payement, le juge doit prendre l’ordonnance autorisant la vente de l’immeuble. À mon avis, peu de « débiteurs défaillants » pourraient vendre leurs immeubles hypothèques pour rembourser la banque en 15 jours.

Ce qui m’a encore plus choqué, la procédure des ventes par voie parée n’oblige pas le juge à vérifier si la dette est réelle, et si le montant est vraiment dû. J’ai rencontré les clients débiteurs qui déplorent que leurs immeubles ont été rachetés par la banque en leur absence ou leur insu. D’autres fustigent que leurs immeubles ont été vendus à un prix inférieur à leur valeur. Il est aussi vrai que la vente par voie parée permet aux créanciers de laisser «dormir» la dette, puis de surprendre le débiteur, en réclamant des montants indus plus les intérêts capitalisés. Je comprends mal pourquoi l’Etat a attendu des années pour secourir les consommateurs des crédits.

«Vaut mieux tard que jamais»

L’adage français ne croyait pas si bien dire. Une nouvelle loi bancaire régissant la vente des biens immobiliers des « débiteurs défaillants » a été mise en place. Une loi que je qualifierais de salvatrice pour les consommateurs de crédit. En jetant le coup d’œil sur cette nouvelle loi, son article 95 est libellé ainsi : « Est nulle toute clause, qui permet à un établissement de crédit de devenir propriétaire de l’immeuble hypothèque à défaut de paiement. » Quel progrès? J’ai conclu que les banques perdent leur pouvoir de réaliser les hypothèques à leur guise.

De surcroît, cette loi précise noir sur blanc qu’en cas de non remboursement, le débiteur hypothécaire est tenu, dans un délai d’une année au plus tard à compter de la première mise en demeure, de vendre par ses propres soins, le bien hypothèque pour désintéresser le créancier avec le prix de réalisation.

À défaut de la vente par le débiteur lui-même dans une année, le créancier peut adresser une requête de vente publique du bien hypothèque au président du Tribunal de commerce qui, par voie d’ordonnance, saisit le Directeur des titres fonciers endéans un mois à compter de la requête aux fins d’organiser une vente publique. Dans ce cas, le créancier ne peut pas se porter acquéreur de l’immeuble sauf, si le prix offert est inférieur à la valeur de l’arrêté au moment de l’octroi du crédit.

Selon le président de l’Abuco , Noël Nkurunziza, cette loi constitue un atout pour les consommateurs des crédits. Le délai leur accorde un temps suffisant pour s’organiser et vendre eux-mêmes leurs hypothèques.

Malheureusement, c’est dommage que cette loi salvatrice ne soit pas rétroactive pour rétablir les victimes de l’arrêté belge dans leurs droits.