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Source:Roland Rugero

Il y a une appréhension presque ludique en regardant comment la plupart des pourfendeurs du “3ème mandat maudit de Nkurunziza” applaudissent des deux mains la réélection de son homologue du Rwanda pour un cinquième mandat, après modification de la Constitution.

Pourquoi cette duplicité ?

Au plus fort de la crise politique et sécuritaire de 2015 au Burundi, nous avions été à plusieurs pour dire que le “3ème mandat” était le prétexte le plus médiatiquement “captivant” pour rejeter un parti politique auquel on reprochait en réalité “le manque de vision et de bilan économique”, surtout pour la jeunesse urbaine.
Les acclamations de Kagame viennent nous donner raison.

Le coup de maître de Paul Kagame est éminemment économique. Partout en Afrique, et le Burundi de 2015 en est l’exemple (https://web.facebook.com/roland.rugero/posts/10158296290880287), et le Kenya de ce 8 août la preuve, les élections sont synonymes d’insécurité. Les échoppes ferment, les fortunes et les puissants du pays évacuent les leurs “au cas où”, les forces de sécurité bandent les muscles, ça fout la trouille.
Au Rwanda, il n’en fut rien. L’on nous montra “la liesse du peuple en campagne électorale”, des vacanciers rentrèrent pour se faire photographier pétant la santé et le sourire en tenant le drapeau du FPR, et l’on décora les salles de vote comme lors des mariages.

Résultat: les investisseurs au monde entier savent désormais, Facebook, Instagram, Twitter aidant, qu’au Rwanda on peut y faire non seulement son jogging à minuit à Kigali, mais qu’en plus, les élections n’affectent nullement le business.
“Les élections sont un moment de liesse”. C’est le récit électoral rwandais. Et l’Occident tout en crocs contre Nkurunziza et Kabila ne sait plus comment se tenir, après la modification constitutionnelle de décembre 2016, elle aussi obtenue “dans la paix totale” (le fameux “consensus social” souligné en 2015 https://wazaonline.com/…/roland-rugero-un-troisieme-mandat-…).

De fait, Kagame est resté cohérent avec lui-même depuis des années: le développement économique (qui s’obtient sur le long terme) permet l’émergence d’une “démocratie apaisée débarrassée des considérations identitaires”.
Les médias friands d’empoignades électorales peuvent aller se rhabiller.

Et le développement économique repose principalement sur l’argument sécuritaire. Si le Rwanda reste paisible avant, pendant et après les elections de 2017, c’est au prix d’un long et lourd investissement sur la sécurité des Rwandais (“qui passe avant tout” martèle Kigali qui dit répéter Paris, Washington, Londres, etc). Les assauts des Human Rights Watch et autres Amnesty dénonçant “les violations des droits de l’Homme” n’y font rien.

L’on peut déjà envisager ce scénario: les milliards de $ d’investissement au Kenya buttent sur l’insécurité électorale du 8 août 2017, mais constatent la prouesse rwandaise quatre jours plutôt et alors Kigali (qui se positionne déjà comme un hub régional) commence à accueillir des quartiers généraux déménageant de Nairobi…

Du coup, c’est tout un paradigme qui change: l’Occident nous avait promis le développement grâce à la démocratie “qui passe par l’alternance” nous scande Envoyés spéciaux, Émissaires, doctes penseurs et savants journalistes. Nous soupirions désormais: cette démocratie nous apporte des angoisses tous les 5 ans.
Et soudain, le Rwanda vient nous raconter, assurance et preuves à l’appui, que c’est plutôt le contraire qui convient à l’Afrique.

Nous savons la suite: le débat sur la limitation des mandats en #Afrique est mort.
Chaque fois que les puissants du monde voudront critiquer des présidents africains qui veulent rester au pouvoir, on leur demandera les yeux grands ouverts d’étonnement la raison de leurs balbutiements face au “cas rwandais”. Plusieurs Constitutions vont changer en Afrique. Les Etats vont massivement investir dans la sécurité. Au nom de l’argument économique. Pour la démocratie, il faudra juste une bonne communication.

Voyez: les Présidents africains, malins qu’ils sont, ont déjà demandé à Kagame de penser “la modernisation de l’Union Africaine”. Il la présidera d’ailleurs en 2018.

L’Occident voulait que l’Afrique prenne place dans les agoras.
L’Afrique court plutôt vers le marché.

A Ngara, Magufuli ne proverbait-il pas à Nkurunziza il y a quelques jour