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À Kayanza lors d’une retraite des responsables politiques et sociaux organisée par l’institution de l’Ombudsman, l’une des interventions a provoqué un tollé : celle de Jacques Bigirimana, président du parti FNL. Pour le contributeur Fridolin Nzambimana, la polémique qui en a résulté n’a pas de fondement car les propos du leader ont été sortis de leur contexte.

« C’est l’heure du Hutu contre Hutu», que les « Tutsis ont peur » et que « leur protection relève des responsabilités du pouvoir en place », … Voilà les déclarations polémiques de Jacques Bigirimana pendant son intervention.

Et soudain sur Twitter, l’armée virtuelle qui, pour moi, assure la communication et le marketing politique de l’opposition radicale se fâche et se lâche, s’indigne, critique et dénonce. La charge et la condamnation sont rapides et violentes. Et haro sur le gouvernement, encore une fois sur fond d’un sujet résultant d’une impossibilité de dépassement des clivages. Pour eux, « le discours est abject, haineux et divisif » et « reflète surtout l’idéologie du parti au pouvoir ». Incroyable et absurde !

Parce que est « haineux » qui dénigre, stigmatise, chosifie, animalise, et divise, montant les uns contre les autres. Le procès fait au président du FNL est à mon sens injuste et tous ceux qui s’y collent semblent être sous l’emprise d’une ivresse ethnique inquiétante! D’abord ils ont sectionné le discours et en ont relayé une partie. Et puis, ils ont sorti les propos de leur contexte lors de leur interprétation. Ils ont ainsi manqué à l’objectivité et à l’honnêteté et ont opté pour la manipulation.

Naissance d’un nouvel ordre politique

Disons donc les choses telles qu’elles sont. Jacques a tort sur un point: le conflit actuel n’oppose pas que les Hutus. Il y a des Tutsis et des Twas aussi. Acteurs et victimes. Ce n’est donc pas un match de Hutu vs Hutu. A ce point, il a absolument et indubitablement tort. Toutefois, le fond de son discours dicte que le jeu politique n’est plus comme avant, qu’il s’est complexifié et que les ralliements ne tiennent plus compte des communautés ethniques. Il indique une évolution. Allant du simple au complexe, et de l’ethnique au politique.

Depuis l’indépendance, toutes les crises meurtrières que le Burundi a eu à traverser opposaient d’un côté les Hutus, de l’autre côté l’administration politico-militaire majoritairement Tutsi. Ce n’est qu’en 2015 où l’on a vu les Hutu se coaliser avec les Tutsi pour combattre Nkurunziza et des Tutsi militer activement aux côtés de leurs frères Hutu pour défendre le président Nkurunziza. Pour dire que ceux qui jadis étaient reliés par un combat à caractère ethnique divergent actuellement sur la gestion de la chose publique et de l’orientation politique du pays. Hutu vs Hutu ou Tutsi vs Tutsi, qu’importe l’ordre ! L’heure n’est plus à la solidarité ethnique, donc mécanique, mais à la solidarité politique, donc organique parce que le conflit est politique et non ethnique. Voilà ce dont parle Bigirimana avec une référence sur l’idéologie de Gahutu Rémy.

L’interprétation qui, pour moi, est fallacieuse que certains donnent à ce discours a pour but de renforcer les peurs et alerter le monde sur un probable génocide imminent à la rwandaise sur le sol burundais, chose qu’ils font depuis 2014. Et ces raccourcis sont dangereux parce que ceux qui les prennent sont, à mon avis, souvent à la recherche des intérêts sectaires. Dommage que même les « moins ignorants » se livrent à cet exercice !

12 juillet 2017, Fridolin Nzambimana