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Monsieur le Président, Distingués délégués, comme c’est la première fois que je prends la parole sous votre présidence, je souhaite avant toute chose vous féliciter, vous personnellement et votre pays la Bolivie pour votre accession méritée à la présidence de ce prestigieux Conseil. Vous pouvez compter sur notre soutien et entière coopération tout au long de votre présidence.

Monsieur le président, je saisis cette opportunité pour partager avec vous les nouveaux développements intervenus dans mon pays sur le plan politique, sécuritaire, droits de l’homme ainsi les efforts de normalisation de la coopération avec les partenaires du Burundi.

En ce qui concerne la situation politique, qu’il me soit permis de rappeler qu’au lendemain du 26 avril 2015, le Gouvernement du Burundi s’est lancé dans un processus de dialogue inter burundais à la fois sous la facilitation de la Commission Nationale de Dialogue Inter burundais (CNDI) et celle de la Communauté Est-Africaine (EAC).

Sur le plan intérieur, le dialogue inter-burundais a connu des avancées significatives. La CNDI a présenté son rapport final le 12 mai 2017 à qui de droit. Depuis sa mise en place, elle a passé environ 600 heures dans des séances d’écoute et d’échange avec plus de 26 mille citoyens dans les 18 provinces et les 119 communes du pays. La CNDI a également rencontré des groupes organisés comme les femmes, les jeunes, les syndicats, les partis politiques agréés, les confessions religieuses, les journalistes, les étudiants, les opérateurs économiques, les policiers, la société civile dans son ensemble, et que sais-je encore. En outre, la commission a eu des entretiens avec la représentation de l’Assemblée Législative de la Communauté Est-Africaine (EALA), ensuite le Corps diplomatique et consulaire ainsi que les Organisations internationales présentes au Burundi, sans oublier la Commission Africaine des Droits l’homme et des Peuples et la diaspora burundaise dans les pays scandinaves comme la Norvège, le Danemark et la Suède.

Au niveau régional, la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) est à pied d’œuvre pour accompagner les burundais à trouver une solution durable aux conséquences politiques de la crise de 2015. Les consultations sont sur la bonne voie malgré quelques défis qui restent à relever. Le Gouvernement du Burundi reste très engagé à ce processus de dialogue politique. Ces derniers temps, des consultations au plus haut niveau se sont intensifiées entre le Burundi et la médiation et se poursuivront pour aller de l’avant.

Toujours sur le plan régional, sur l’initiative du président de la configuration-Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, les Représentants permanents de la région avec celui de l’Afrique du Sud se sont rencontrés autour d’un déjeuner de travail le 31 mai. Au terme de la rencontre, un consensus s’est dégagé sur les éléments suivants (I) le peuple concerné et la région doivent maintenir le lead dans la gestion de la situation au Burundi. L’apport de la communauté Internationale se limiterait à l’accompagnement (II) le volet social et économique doit toujours bénéficier de l’attention des partenaires au développement du Burundi. Tout comme le dernier Sommet de l’EAC, ils ont appelé à la levée des sanctions économiques qui pèsent sur le Burundi. Ma délégation espère que cet appel vibrant de la région au plus haut niveau sera attendu. (III) Les deux processus de dialogue (interne et externe) se complètent mutuellement et devraient servir de repère dans la mise en place prochaine d’une feuille de route en vue des élections apaisées en 2020.

Monsieur le Président, la culture de dialogue au Burundi va au-delà de ces deux processus susmentionnés. Ces derniers mois, l’Ombudsman du Burundi a multiplié des rencontres entre toutes les parties prenantes au processus de paix sous forme de retraites et cafés politiques. La prochaine retraite est prévue dès demain du 21-23 juin cette semaine. Cette dynamique intérieure est soutenue au plus nouveau par le Chef de l’Etat et mérite d’être soutenue par nos partenaires également.

Monsieur le Président, pour ce qui est de la sécurité, le constat partagé est que la situation sécuritaire au Burundi depuis la dernière réunion du Conseil a connu une amélioration remarquable. Tout le pays est calme, les citoyens et les étrangers résidant au Burundi vaquent à leurs activités en toute quiétude. Il n’y a plus de crise politique au vrai sens du terme au Burundi, car qui dit crise politique dit l’absence ou la paralysie des institutions ou alors une insécurité généralisée dans le pays. Le Burundi d’aujourd’hui n’a rien de tout cela. Les institutions démocratiquement élues de la base au sommet fonctionnent normalement et la sécurité est une réalité au pays. Aujourd’hui, nous gérons plutôt les conséquences politiques et économiques de la crise de 2015 à travers le dialogue politique, la mobilisation des ressources domestiques ainsi que la reconquête de la confiance perdue avec certains partenaires

Ce retour à la normalité sur le plan sécuritaire a été confirmé par plusieurs organisations régionales et sous régionales comme la Communauté Est-Africaine (CEA) et la Conférence Internationale sur la Région des Grands (CIRGL), l’African Bar Association ainsi que l’Union Africaine. Suite à la paix retrouvée, plusieurs réunions régionales, notamment celle de la Force en Attente de l’Afrique de l’Est en février 2017, celle des Ministres de la Santé de la CEA en mars 2017, la 8ème conférence de la CEA sur le pétrole et le gaz du 7-9 en juin 2017 se sont tenues avec succès à Bujumbura. Nous nous préparons aussi à accueillir le 5ème Forum annuel du SG de la CEA pour le secteur privé, la société civile et autre du 22 au 23 juin 2017 ainsi que le Sommet du COMESA au mois d’octobre 2017.

Dans le domaine des droits de l’homme, le Burundi continue ses efforts en vue de promouvoir et d’assurer la protection des droits de l’homme. C’est un combat permanent que le Gouvernement s’est engagé de mener afin de relever les défis qui subsistent encore dans ce domaine. Pour y parvenir, il faudrait éviter autant que faire se peut le recours facile au curseur accusateur pour adopter plutôt une approche allant dans le sens de la coopération. Nous devons rompre définitivement avec la politisation, la sélectivité, la partialité et la subjectivité dans le processus de protection des droits de l’homme. Seule la coopération internationale et le partenariat mutuellement bénéfique et respectueux des piliers de l’existence de tout Etat que sont la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique, pourraient bien contribuer à la véritable protection des droits humains au Burundi et ailleurs. A ce sujet, permettez-moi de citer en substance une haute autorité d’un Etat membre de ce prestigieux conseil qui a déclaré il y a quelques jours « si certaines lois nationales relatives à la protection des droits de l’Homme deviennent des obstacles à la sécurité de nos citoyens, nous les changerontpour les adapter à la situation du moment». Cette déclaration peut être aussi valable pour les autres pays qui font face au terrorisme et à la criminalité aiguë.

Monsieur le président, ce n’est plus un secret de polichinelle, tout ce qui se passe au Burundi depuis 2015, est une mise en exécution d’un plan de déstabilisation des institutions burundaises minutieusement conçu par des éléments exogènes identifiables. Les documents jusque-là tenus confidentiels de l’UE, contrats à l’appui, sur le financement et l’évacuation des acteurs clés de l’insurrection de 2015 qui a débouché au coup d’Etat manqué du 13 mai 2015, qui ont fuité récemment, en sont une illustration parmi beaucoup d’autres. Les membres de ce prestigieux conseil qui n’ont pas d’agenda caché sur le Burundi ont droit de connaitre cette réalité. A cela s’ajoute une guerre humanitaire qui se planifie derrière le dos des burundais comme si les échecs successifs récents de ce genre d’ingérence déguisée en humanitaire en Afrique et ailleurs n’ont pas suffisamment servi de leçons pour rompre définitivement avec cette attitude belliqueuse.

Depuis 2014 en effet, toutes les stratégies ont été utilisées pour opérer un changement de régime au Burundi. Le plan de déstabilisation du Burundi a été exécuté en plusieurs étapes doublées chaque fois de plan B en cas d’échec. Tout a commencé par la création d’une certaine confusion dans l’interprétation de la constitution faisant ainsi fi à l’arrêt de la cour constitutionnelle du Burundi et celui de la Cour Est Africaine de Justice qui ont validé sur le plan légal la candidature de S.E M. Pierre NKURUNZIZA, président de la République du Burundi. La deuxième phase était de poursuivre l’expérimentation de changement de régime en Afrique noire par la rue qui venait de réussir au Burkina Faso et dans certains pays du Maghreb. Grâce à l’unité et au patriotisme des Burundais, l’insurrection de rue a échoué. Après cet échec, la machine déstabilisatrice est passée au plan B en planifiant et en finançant le coup d’état du 13 mai 2015. Tout comme le premier plan, le coup d’état échoua lamentablement grâce au patriotisme de l’écrasante majorité des forces de l’ordre. Le troisième plan fut la création, sur impulsion des acteurs endogènes et exogènes, des escadrons de la mort avec comme mission d’opérer des assassinats ciblés dans les deux camps pour diviser les burundais et les pousser à se rentrer dedans. Après plusieurs mois de mis en œuvre de ce plan macabre, la machine de changement de régime s’est heurtée encore une fois à l’unité des Burundais et décida de passer au quatrième plan qui est toujours en cours aujourd’hui. Il s’agit de la campagne de diabolisation et de médisance contre le Burundi et ses leaders élus en passant cette fois-ci par la politisation massive de la situation des droits de l’homme au Burundi.

Des résolutions et des rapports biaisés et politiquement motivés sur la situation des droits de l’homme au Burundi sont régulièrement adoptées à Genève sur impulsion des mêmes acteurs exogènes et dans la foulée des commissions d’enquêtes ont été créées et commencent à produire des rapports à distance sans jamais mettre le pied au Burundi.

Pour nous en effet, un rapport d’enquête sur la situation des droits de l’homme produit sans être sur le terrain, sur la seule base des témoignages des réfugiés et des informations collectées sur les réseaux sociaux ressemble tout simplement à une mise en scène théâtrale visant effectivement le changement de régime tant souhaité par le même axe bien connu. Sinon, ayant été moi-même réfugié dans le passé, je ne connais pas un seul réfugié dans le monde qui parle du bien de son pays d’origine sur le plan politique. Ceci est encore vrai lorsque les réfugiés interrogés sont ceux-là même qui ont fait des incursions au Burundi après avoir subis des entrainements militaires dans un pays voisin et dont le rapport d’experts de l’ONU sur la RDC a pointé du doigt. Vous en êtes au courant ! Alors prétendre produire un rapport sur la situation des droits de l’homme dans un pays sur base des seuls témoignages des réfugiés est tout simplement un fait réducteur susceptible de diluer la crédibilité de l’organisation mandataire.

Je dois vous avouer que les rapports biaisés et politiquement motivés qui sortent en cascade depuis 2015 dans l’intention de nuire attisent le feu et contribuent à la déstabilisation du pays plutôt qu’à l’apaisement. Il est grand temps que le harcèlement politico-diplomatique dont le Burundi est victime depuis 2015 cesse et cède la place à la coopération car aujourd’hui la crise dont certains acteurs extérieurs continuent de parler est plus artificielle que réelle. A ces forces exogènes qui continuent à harceler directement ou par procuration le peuple burundais, je leur dis ceci : La souveraineté, l’unité et la dignité du Burundi n’ont pas de prix. Le Burundi ne cèdera jamais aux pressions injustes de ceux qui veulent lui arracher ces trois valeurs qui sont le fondement même de notre nation. Le Burundi est un petit pays certes, mais il est aussi une grande nation très jalouse de sa souveraineté et de sa dignité.

Monsieur le Président, au chapitre de la coopération, le Gouvernement œuvre pour la reprise des relations apaisées avec ses partenaires au développement dans un esprit de partenariat mutuellement bénéfique et respectueux.

L’embellissement des relations que nous recherchons vise aussi la nouvelle administration de l’ONU sous le leadership du nouveau SG. C’est dans cette optique que le Burundi a rapidement donné son accord à la nomination M. Michel Kafando comme Envoyé spécial du SG. Nous venons aussi de confirmer sa première visite au Burundi afin de lui donner l’occasion d’entrer en contact direct avec les autorités nationales. Le Gouvernement du Burundi se tient prêt à coopérer pleinement avec lui dans le strict respect principes et valeurs consacrés par la Charte de l’ONU. Le Burundi vient également de donner son agrément à la nomination du nouveau Représentant pays du PNUD et coordinateur résident des Agences des Nations Unies pour contribuer aux efforts de développement durable du Burundi.

Le processus de négociation d’un nouvel Accord de siège mutuellement consensuel permettant la reprise de la coopération entre le Gouvernement du Burundi et le Bureau du haut-Commissariat aux droits de l’homme suit son cours normal et devrait se finaliser prochainement avec la volonté des deux parties. Le maintien de ce bureau au Burundi est donc un acquis et ne devrait plus rester une préoccupation majeure de nos partenaires. De même, les observateurs militaires et des DH de l’Union Africaine qui sont déjà déployés sur le terrain au Burundi travaillent librement sans aucune entrave et bénéficient de l’entière coopération du Gouvernement et de tous ses services.

Sur le plan de la sécurité collective, nous continuons aussi à participer activement dans les opérations de maintien de la paix avec environ 6500 hommes sur le terrain principalement en Somalie et en RCA. Notre participation au maintien de la paix dans le monde est un retour d’ascenseur à la Communauté Internationale qui nous a toujours soutenus durant les moments difficiles de notre histoire. En toute logique, le Burundi attend aussi de nos partenaires de gestes réciproques allant dans le sens de l’apaisement.

Monsieur le Président, je ne saurai pas terminer mon propos sans partager avec cet auguste conseil les quelques défis majeurs auxquels fait face le Burundi. Sans être exhaustif, je retiendrai les défis suivants :

Premièrement, il est clair que le plus grand défi du Burundi est d’ordre économique. La pauvreté est toujours le lit de l’instabilité politique car les manipulations politiciennes vont à l’endroit des jeunes, frustrés par le manque d’une assurance pour un lendemain meilleur. En cette période où le Burundi s’efforce à mettre en œuvre l’agenda de l’ONU 2030 et 2063 de l’UA les discussions politiques ne devraient pas supplanter le volet économique et social. Tout doit se faire parallèlement conformément aux trois piliers de l’ONU qui sont nos repères. Je salue à cet effet, la nouvelle approche de la configuration-Burundi de la CCP qui, depuis novembre 2016, tend à mettre de l’importance au relèvement socio-économique.

Deuxièmement, le retour des réfugiés : le Gouvernement du Burundi a entrepris une vaste campagne de sensibilisation à l’intention des réfugiés pour encourager le retour volontaire. L’administration locale a également le devoir de veiller aux terres et autres biens de ceux qui sont partis pour éviter tout conflit lors du retour. Suite à ces efforts et à la paix retrouvée, 156 mille réfugiés, y compris certains leaders de partis politiques sont rentrés au bercail. Le Chef de l’Etat vient de demander à l’Ombudsman du Burundi de poursuivre les efforts de sensibilisation des réfugiés et des acteurs politiques non violents pour rentrer au pays se préparer aux échéances électorales de 2020. Vous êtes sans ignorer que le rapatriement des réfugiés est un gage de stabilité sous régionale, maintenant qu’il est avéré que parmi ceux qui ont fui, que ce soit pour des raisons économiques ou suite aux rumeurs de guerre imminente ont été recrutés, formés, encadrés puis enrôlés dans des mouvements de rébellion mort-nés contre le Burundi, en violation flagrantes de laConvention de 1951 relative au statut des réfugiés et d’autres lois internationales ainsi que de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région du 24 février 2013.

Troisièmement et enfin, la réconciliation nationale : l’impératif de réussir le processus de réconciliation nationale à travers la Commission vérité et Réconciliation (CVR) est extrêmement important pour nous les Burundais. Les Burundais doivent connaitre leur histoire avant de tourner définitivement la page de leur passé douloureux. A cet égard, nous voudrions plaider encore une fois pour le soutien à la CVR qui a un grand rôle à jouer dans la recherche de la vérité, la réparation des cœurs brisés et la réécriture authentique de notre histoire qui a toujours été délibérément falsifiée.

Je vous remercie de votre aimable attention !