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Récemment de retour au Burundi, l’ancien président Ntibantunganya livre son analyse sur la légitimité des présidents Nkurunziza et Mkapa. Il s’exprime aussi sur les questions de génocide, sur la session parlementaire de février, etc.

Monsieur le Président, bien de choses ont été dites sur votre retour. Mais revenons sur votre départ du Burundi. Pourquoi avez-vous décidez de quitter le pays au début de septembre 2015?

Je suis parti effectivement au début du mois de septembre 2015. Je ne fuyais pas le pays contrairement à ce qui a été dit souvent à travers des manipulations à des desseins que je qualifie de malveillants. Moi, j′allais dans une réunion à Bruxelles.

En deuxième lieu, j′ai la famille à Bruxelles.Tous mes enfants se trouvent là. C′était pour moi une occasion également de visiter la famille. J′avais prévu que je reviendrai deux ou trois semaines après mon départ et j′avais acheté un billet aller-retour en conséquence.

Mais votre visite familiale a été plus longue apparemment…

Quand je suis arrivé à Bruxelles, j′ai trouvé à l′aéroport que la police belge était paraît-il informée que je voyageais avec un passeport volé. Ça m′a fortement étonné puisqu′elle me disait que c′étaient les services burundais qui l’avaient avertis de cela alors qu′en partant, je suis passé par l′aéroport de Bujumbura, et le plus officiellement et le plus régulièrement du monde.

Alors il y a eu des tractations, des consultations et puis on m′a laissé passer en me disant que c′était un problème lié à la crise qui sévissait au Burundi. Quelque temps après, j′ai parlé aux médias et quand les médias ont reporté cela, il y a eu une réaction du conseiller principal chargé de l′information et de la communication à la présidence de la République ici, qui a dit non, que c′est malencontreusement que le numéro du passeport du président Ntibantunganya s′est glissé parmi les numéros qui ont été transmis à Interpol.

Un long séjour qui s’apparente à un exil pour certains ?

J′ai séjourné en Belgique pendant tout ce temps si vous voulez, non pas comme refugié mais comme résident. Je n′ai jamais demandé le statut de refugié. C′est pourquoi je dis de manière d′ailleurs ferme que je n′entends plus qu′il y ait des gens qui manipulent en disant que Ntibantunganya s′est rapatrié. Non, je ne me suis pas refugié.

Mkapa dit que la question de la légitimité de Nkurunziza ne se pose plus, qu′il faut plutôt préparer les élections de 2020. Etes-vous ou non d′accord avec cette analyse?

Il y a des questions urgentes dans ce pays. Le premier objectif doit être de travailler de manière que ce pays ne sombre pas dans une guerre civile. On doit stopper toutes les stratégies criminelles dans ce pays pour que les Burundais vivent dans la quiétude.

Le deuxième objectif : le souci de la politique dans un pays c′est de garantir que les populations vivent correctement, notamment en ayant à manger, en ayant se vêtir et en ayant où se loger. En troisième lieu nous devons agir de manière que l′option démocratique qui a été prise par le peuple burundais dans ce pays à travers le referendum de 1992 qui a consacré le retour au multipartisme et le retour aux élections, que cette option démocratique soit plus que jamais sauvegardée et consolidée. Si on va dans ce sens, toutes les autres questions dont celles qui peuvent intéresser celui-ci ou celui là au niveau des groupes antagoniques vont certainement trouver une solution. Voilà là où moi je me positionne aujourd’hui.

Le CNARED répète que la crise actuelle a été motivée par la décision de Pierre de briguer un troisième mandat. Votre parti a décidé de répondre aux sessions de dialogue convoquées par le président Mkapa. Et ceci en total contradiction avec la décision du CNARED. Faites-vous encore partie de cette plateforme?

Au moment où nous parlons, je suis toujours membre du CNARED et j’en suis fier. En tant qu’ancien président de la République, mon expérience politique vieille de 40 ans – si ce n’est pas plus aujourd’hui, m’a montré que chaque fois que les Burundais dans les crises qu’ils traversent ont eu le courage de se parler, même s’ils n’ont pas obtenu tout de suite des solutions, ils ont créés des conditions qui les amènent après à trouver les solutions. C’est pourquoi, même dans la crise de confiance actuelle entre certaines parties de la crise burundaise par rapport au Facilitateur Mkapa, j’ai toujours dit : il ne faudrait pas fermer les portes, il ne faudrait pas rompre les passerelles, il faut écouter.

Etes-vous optimistes que la sagesse que vous mettez en avant sur la question du Facilitateur finira par s’imposer ?

Je pense que la sagesse prévaudra chez les uns et les autres au niveau des Burundais nous-mêmes, parce que c’est nous d’abord qui sommes concernés. Ensuite au niveau de la région qui est à l’origine de la facilitation de l’ancien président Mkapa.

Le président Mkapa ne s’est pas autoproclamé, il a été désigné par le sommet des chefs d’Etats des pays membres de la communauté de l’Afrique de l’Est. Cette communauté aujourd’hui, ce sommet aujourd’hui est dirigé par le président de la République Unie de Tanzanie : John Magufuri. Je pense donc qu’il y a tout un tas de procédures qu’ils vont utiliser pour essayer de raviver, renforcer la confiance entre tous les partenaires concernés. Evidemment, moi je dis : le premier rôle fondamental revient à nous Burundais.

Est-ce que vous n′estimez pas que le Président Nkurunziza soit assez fort et qu′il puisse aller jusqu′au bout de son mandat sans toutefois devoir recourir à ce dialogue externe?

Mais, s′il y a un Président fort, ça serait bien ! Qu′est-ce que les Burundais attendent? Que les problèmes auxquels ils sont confrontés aujourd′hui trouvent une solution, c′est tout. S′il trouve une solution et que les Burundais sont satisfaits, ils feront le constat !

Vous avez fait part d’inquiétudes sur les possibles crimes de masse du Burundi sauf intervention de la communauté internationale. Avez-vous le même avis depuis votre retour?

Dans ce pays, les pouvoirs publics comme les diverses autres acteurs, qu’ils soient politiques, qu’ils soient constitutionnels, qu’ils soient de la société civile ont montré que quand ils ne jouent pas correctement leurs rôles, des crises perçus au départ comme simples crises politiques peuvent rapidement se transformer en de crises très graves. Il suffit en cela d’étudier comment par exemple nous sommes arrivés au drame de 1972 sur lequel nous avons d’ailleurs même jusqu’aujourd’huides perceptions différentes. Il suffit de voir également comment nous sommes arrivés au drame de 1988. J’étais parmi les acteurs politiques importants depuis 1990 jusque justement à la victoire du président Melchior Ndadaye en 1993, et il y a la crise qui a suivi après son assassinat.

Vous voyez que quand de telles crises sont mal gérées, il y a des sollicitations qui arrivent, qui malheureusement peuvent conduire à des drames.

Avez-vous l′impression qu′un génocide au Burundi soit possible?

Il faut rester toujours vigilant, parce qu′il y a des fois des choses qui tombent sur vous sans que vous le sachiez. Moi, j′ai vu ce qui s′est passé dans ce pays en 1993. Il faut être vigilant. Quand il y a génocide, menace de génocide, les premiers responsables ce sont les responsables des Institutions de l′Etat parce que ce sont eux qui ont la mission première qui est constitutionnelle de protéger les citoyens face à ce drame. Et dans tous les cas, chaque humain a un devoir de ne jamais accepter des crimes aussi effarants se produisent dans notre pays, jamais, et s′engager à être le premier à crier au cas où il aurait des menaces. Et moi je serais le premier à crier s′il y a des menaces.

Vous êtes Sénateur, allez-vous prendre part aux prochaines sessions du Sénat au mois de février?

Il est dit dans notre constitution qu′un ancien chef de l′Etat peut siéger. On n’a pas dit que cest une obligation. Et le rôle majeur d′un ancien chef de l′Etat c′est pas de siéger nécessairement au Sénat, c′est plutôt d′être un facteur qui contribue à asseoir tout ce qu′il faut dans ce pays pour la stabilité et la confiance. Il peut le faire en siégeant au Sénat, et nous l′avons fait. Moi je l′ai fait pratiquement de 2002 jusqu′en 2015. Maintenant aussi, le jour où je jugerai que pour moi les conditions sont réunies, je jouerai ce rôle. Ceux qui ont dirigé le Sénat peuvent en être témoins : des fois, le rôle des anciens présidents peut être un rôle extrêmement positif et contribuant justement à asseoir la démocratie et la stabilité dans ce pays.

Selon votre analyse, quel intérêt aurait le président Kagame à déstabiliser Burundi ?

Vous me posez une question à laquelle je ne peux pas répondre parce que je n’ai pas suffisamment d′éléments qui me permettent d′y répondre.

Quelle garantie concrète qu’il faut donner aux réfugiés pour qu’ils rentrent dans leur pays?

Vous me posez une question très facile pour moi, parce que j′ai connu la vie de refugié entre 1979 et 1983.Un refugié agit par ses pieds et ses jambes, autant quand il part parce qu′il y a des conditions qui l′obligent à partir qu′autant quand il veut retourner. En 1983, moi j′étais refugié au Rwanda et j′ai décidé de revenir. C′était une décision politique pour moi parce qu’il y avait des dizaines de milliers d′autres qui restaient au Rwanda. Il y avait des centaines de milliers d′autres qui étaient en Tanzanie, d′autres dizaines erraient au Congo, etc. et ailleurs. Mais je suis rentré en

by Philippe Ngendakumana, http://www.ikiriho.org