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Un charnier a été découvert ce mardi sur la colline Gasenyi, zone Makamba, province Mwaro. Sept personnes tuées en 1972 y ont été jetées selon les témoignages. Ce mercredi 11 janvier, la CVR, les associations des victimes, l’administration et une foule de curieux étaient sur les lieux.

Derrière les bureaux de la zone Makamba, des ouvriers terrassent, depuis une semaine, un terrain où sera construite une école des métiers. Mardi, 10 janvier, raconte un d’entre eux, ils sont tombés sur des ossements humains, des crânes, et des lambeaux de vêtements et même un cache-poussière qui a résisté à l’épreuve du temps. « Et nous avons constaté qu’il s’agissait d’une fosse commune et nous avons vite alerté l’administration»,renseigne-t-il.

Ce que confirme Athanase Mpawenayo, chef de zone de Makamba qui, à son tour, a informé le gouverneur de Mwaro. « Nous avons alors décidé d’arrêter les travaux à cet endroit et une équipe de policiers y a été déployée.»Le lieu a été interdit au public voire aux médias avant l’arrivée des membres de la CVR (Commission Vérité et Réconciliation).
Sur place, tous les témoignages s’accordent à dire qu’il s’agit de Hutu, victimes de la crise de 1972 ensevelis dans ce charnier. Ils affirment qu’il y a une autre fosse commune plus importante, juste à côté et d’autres dans les parages.

Onésime Nzojibwami, la soixantaine se souvient que cette crise a débuté le 29 avril, avec la mort du roi Ndizeye : « J’étais en 4ème année à l’école primaire Rwintare. Et des rondes nocturnes ont été instaurées dans le but de chercher les Mulelistes, disaient les administratifs.» Et paradoxalement, raconte-t-il, tous ceux qui s’y rendaient ne rentraient pas tous : « Et quand on leur apportait de la nourriture, on nous disait qu’ils sont partis à Muramvya».

Quelques jours après, indique cet homme, des directeurs, des instituteurs, des pasteurs, des catéchistes et des commerçants ont été interpellés : «On leur disait qu’ils sont convoqués par le Chef. Et jusqu’aujourd’hui, ils ne sont plus revenus.»

C’est à cette époque que Barumpozako, directeur de l’EP Rwintare, Régina une institutrice et beaucoup d’autres instituteurs ont été tués. Et à Rose Habonimana, la soixantaine d’ajouter que seulement des hommes adultes étaient visés.

Elle parle des scènes horribles : « Beaucoup de cadavres étaient entassés derrière l’actuelle zone Makamba. Pendant plus d’une année, il se dégageait une odeur suffocante de ce lieu du supplice, les corps étaient en décomposition».
Cette femme ne doute pas que son père, ses oncles et son grand-frère ont été jetés dans des fosses communes éparpillées aux environs des bureaux de cette zone. «C’est d’ailleurs à cause de cette crise que j’ai abandonné mes études», regrette-t-elle avant d’essuyer quelques larmes avec un pan de son pagne délavé.

Un enterrement digne

« Nous demandons au gouvernement d’enterrer dans la dignité les nôtres », lance Onésime Nzojibwami. Pour lui, ces restes de même que ceux des autres crises doivent être protégés et conservés en attendant l’organisation des funérailles, en présence des familles et après leur identification. Une idée appuyée par Aloys Batungwanayo, président de l’association pour la Mémoire et la protection de l’humanité contre les crimes internationaux (Amepci Gira Ubuntu) : « Que ça soit celles de Mwaro ou dans d’autres coins du pays, toutes les fosses communes doivent être identifiées et protégées. Elles constituent des preuves du passé douloureux du Burundi».

Ensuite, les familles des victimes ont besoin d’être indemnisées. «Beaucoup des familles sont devenues plus pauvres, des orphelins ont abandonné les études, et beaucoup de leurs biens comme les vaches, les maisons, …ont été spoliées », motive M. Nzojibwami. Ce qui doit s’appliquer aussi pour les charniers de 1993et d’autres selon lui.
Et de demander également au gouvernement d’aider les familles à organiser le deuil et la levée de deuil. « Car, toutes ces personnes ont été massacrées par le régime d’alors. Et par conséquent, il revient alors à l’Etat de rétablir les victimes dans leurs droits».

Beaucoup de charniers à Mwaro

Aloys Batungwanayo, président de l’association pour la Mémoire et la protection de l’humanité contre les crimes internationaux (Amepci Gira Ubuntu) dit qu’il s’agit d’une des trois grandes fosses déjà localisées dans les communes Rusaka et Kayokwe.

D’après lui, il est difficile de dire avec exactitude le nombre de personnes jetées dans cet endroit. Ce qui est évident, poursuit-il, une centaine des personnes ont été emportées par la crise de 1972 à Mwaro.

Pour les identifier, un test ADN s’avère nécessaire. M. Batungwanayo accuse l’administration de vouloir détruire les preuves de l’histoire douloureuse : «Cette fosse commune était connue depuis longtemps».

Pour lui, tous ces crimes sont le fruit de l’impunité : « l’impunité appelle la violence et déshumanise les victimes. Parce qu’elles se sentent laissées à elles-mêmes ».Ce qui fait naître en elles, un esprit de vengeance. Et dans ces conditions, analyse-t-il, les bourreaux sont plutôt glorifiées et le crime banalisé. Et de conclure : « S’il y a eu des crimes contre l’humanité en 1972, 1988,1991, 1993 et même en 2015, c’est parce qu’il y a eu l’impunité».

Il faut ajouter qu’Athanase Mpawenayo, Chef de zone Makamba parle de cinq charniers déjà identifiés à Rusaka et Gisozi. A ceux qui parlent de la volonté de détruire les preuves du passé, cet administratif affirme qu’il détenait des informations sur l’existence des charniers dans cette localité. « Mais, on ne pouvait pas les localiser avec exactitude», confie-t-il.

La CVR appelle au calme
Mme Clotilde Niragira, secrétaire exécutif de la CVRMme Clotilde Niragira, secrétaire exécutif de la CVR
« C’est pénible de voir des personnes jetées dans une fosse commune. Je sais que c’est traumatisant pour les familles qui ont perdu les leurs », a reconnu Mme Clotilde Niragira, secrétaire exécutif de la Commission vérité réconciliation (CVR), après sa descente à Rusaka, ce mercredi. Elle aainsi appelé la population à rester calme, à collaborer avec cette commission afin de localiser d’autres charniers.

Mme Niragira a fait savoir que d’autres ont été déjà repérés à Bugarama, commune et province Muramvya et à Kivyuka, commune Musigati en province Bubanza. « Et de tels sites doivent être protégés de même que les restes humains déterrés. »

Elle a rassuré à la population de Rusaka qu’un enterrement digne sera organisé. Et une protection provisoire de ces restes a été instaurée : « Nous allons les emballer dans un grand sachet et mettre de la terre dessus», a-t-elle précisé. Reconnaissant que leurs moyens financiers sont insuffisants, Clotilde Niragira compte sur la collaboration des partenaires comme la CICR dans leur identification.

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