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«L’Occident est déjà en guerre, qu’il le veuille ou non. Ce n’est peut-être pas une guerre que nous reconnaissons, mais c’est une guerre », écrit Molly McKew dans une tribune fascinante sur Politico.eu.
« Cette guerre cherche, chez nous comme à l’étranger, à éroder nos valeurs, notre démocratie et notre force institutionnelle ; à diluer notre capacité à distinguer les faits de la fiction ou le bien moral du mal, et à nous convaincre que nous devons prendre des décisions allant à l’encontre de nos meilleurs intérêts. (…)
C’est une guerre de subversion plutôt que de domination (…) Cette Russie-là n’aspire pas à être comme nous, ou à devenir plus forte que nous. Non, ses dirigeants souhaitent plutôt que l’Occident – et en particulier l’OTAN et les États-Unis – devienne plus faible et plus divisé, jusqu’à ce que nous soyons aussi brisés qu’ils ont la perception de l’être eux-mêmes. (…)
Aucun nouveau départ [de la relation entre la Russie et les États-Unis] ne peut être couronnée de succès, quelque soit la personnalité qui pourrait l’initier, parce que la Russie de Poutine a besoin que les États-Unis soit son ennemi.
Nous ne pouvons faire face à ceci qu’au moyen d’une totale compréhension de la façon dont le Kremlin voit le monde (…)
Tout d’abord, c’est une guerre. Une chose qui doit être gagnée, de façon décisive, pas une chose qui doit être négocié ou marchandée. Tout n’est qu’une seule guerre : l’Ukraine, la Turquie, la Syrie, les Etats baltes, la Géorgie. C’est ce que Vladislav Sourkov, l’éminence grise de Poutine et son chef de la propagande a surnommé « une guerre non linéaire » dans son récit de science-fiction de 2014 «Without Sky ».
Deuxièmement, ce n’est qu’une seule machine de guerre. Les outils militaires, technologiques, diplomatiques, économiques, culturels, criminels, ou autres sont tous contrôlés par l’État et déployés contre un ensemble d’objectifs stratégiques.
La Russie veut remplacer les démocraties de type occidental
C’est la doctrine Gerasimov , décrite en 2013 par Valery Gerasimov, chef d’État-major des forces russes.
La guerre politique vise à atteindre des objectifs politiques spécifiques favorables au Kremlin : on la préfère au conflit physique, parce qu’elle est facile à mener, et peu coûteuse. (…)
C’est une erreur de voir cette campagne dans les termes traditionnels des alliances politiques : le but a rarement été d’installer des gouvernements ouvertement pro-russes. Beaucoup plus souvent, il consiste à remplacer des régimes démocratiques de type occidental par des régimes non libéraux, populistes, ou nationalistes.
Troisièmement, la guerre de propagande ne vise pas à créer une vérité alternative, mais à éroder notre capacité à distinguer la vérité du mensonge. Ce n’est pas une «propagande» telle que nous la concevons, mais des techniques moins évidentes connues en Russie comme des «mesures actives» et le « contrôle réflexif ».
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Obama et l’outil diplomatique du siècle dernier
De Moscou, Vladimir Poutine s’est emparé de l’élan de ce démantèlement des sous-jacents de l’ordre mondial libéral, les endommageant mortellement dans un laps de temps étonnamment court. Alors qu’il construit patiemment un nouveau système pour remplacer celui que nous connaissons, les tentatives faites par les États-Unis et ses alliés pour réparer les dégâts sont limités et lents.
Même cette semaine, lorsque Barack Obama a tenté de se confronter à l’ingérence ouverte et sans précédent dans notre processus politique, l’équipe sortante de la Maison-Blanche a réagi à une guerre d’information hybride du 21e siècle avec un outillage diplomatique du siècle dernier : expulsion des espions, sanctions ciblées et saisie potentielle d’actifs.
Trump agit provisoirement comme si l’Occident n’avait plus d’importance
Le nouveau gouvernement, tout en promettant une nouvelle approche, a fait montre d’un manque de vision analogue. Sa tentative promise de « nouveau départ » des relations avec la Russie est une redite d’une politique qui a totalement échoué au cours des deux dernières administrations américaines [celles de George W. Bush et d’Obama, ndlr].
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Jusqu’à présent, [le président élu] Trump semble beaucoup plus susceptible que ses prédécesseurs d’accélérer la dégradation de l’ordre mondial d’après-guerre, plutôt que de la combattre. Et cela pourrait être une très mauvaise chose ou une très bonne, de façon inattendue.
Pour le moment, il a choisi d’agir comme si l’Occident n’avait plus d’importance, et semble aveugle au danger que la Russie de Poutine pose pour la sécurité et la société américaines.
La question à laquelle nous avons à répondre est de savoir si Trump aidera le Kremlin avec sa rhétorique anti-mondialiste, anti-OTAN, ou s’il verra clairement la fin de l’ancien ordre mondial, qu’il saisira la nature de la guerre dans laquelle nous nous trouvons, et s’il aura la vision et l’esprit de confrontation pour gagner cette guerre ».

Redactie Express Business 3 janvier 2017