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Suite à la publication d’un rapport accablant de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Willy Nyamitwe, conseiller à la présidence burundaise chargé de la communication, a accepté de répondre par écrit aux questions de Jeune Afrique. Interview.

Jeune Afrique : Dans son rapport détaillé de plus de 200 pages sorti ce 15 novembre, la FIDH fait un bilan de 1 000 morts, de 8 000 personnes détenues pour des motifs politiques et de 300 à 800 personnes disparues depuis l’éclatement de la crise en avril 2015. D’après le même rapport, ces exactions ont été commises majoritairement par les forces de l’ordre. Le gouvernement ne devrait-il pas être inquiet avec un bilan si lourd ?

Willy Nyamitwe : Il y a exagération dans ces chiffres et même dans les faits. À titre d’exemple, la population carcérale se situe autour de 8 000 prisonniers au Burundi. Et à ma connaissance, il n’y a pas de prisonniers d’opinion. Ceux qui sont incarcérés le sont à cause des délits qu’ils ont commis et sont poursuivis conformément à la loi. Quant au bilan, le gouvernement reste préoccupé même s’il ne s’agissait d’une seule personne morte ou disparue. Il y a deux cas qui restent un mystère. Celui de Marie Claudette Kwizera (qui était trésorière de la Ligue Iteka, NDLR) et celui de Jean Bigirimana (journaliste à Iwacu, NDLR) dont les proches et autres compatriotes restent sans nouvelles. Les enquêtes se poursuivent pour les retrouver, identifier et arrêter les coupables afin qu’ils soient châtiés conformément aux lois en vigueur.

Vous avez toujours affirmé que la contestation du troisième mandat de Pierre Nkurunziza à Bujumbura ne s’est limitée qu’aux quartiers Musaga, Cibitoke, Mutakura Nyakabiga et Ngagara, des quartiers à majorité tutsie. Aujourd’hui, la FIDH dénonce une terrible répression dans ces mêmes quartiers et un risque de génocide…

La lecture que je fais est loin d’être celle-là. Je suis moi-même natif et originaire de Ngagara. Si la contestation a été accentuée et même circonscrite dans ces quartiers, c’est beaucoup plus parce qu’ils étaient le fief du MSD de Alexis Sinduhije et non pour le fait que des Tutsis y soient majoritaires. En outre, il n’y a pas de « terrible répression » ni dans ces quartiers ni ailleurs. Une campagne de désarmement a été menée de la façon la plus professionnelle possible et des milliers d’armes à feu, munitions, grenades et tenues policières ou militaires ont été récupérées. Arrêter les détenteurs illégaux d’armes à feu, pourchasser des individus qui perturbent l’ordre public afin de stabiliser la nation ne peut en aucun cas être considéré comme une répression.

Le Burundi s’est retiré du Statut de Rome après le vote du parlement le 12 octobre. Comment le gouvernement compte coopérer avec la CPI sur l’examen préliminaire en cours avant que le retrait ne soit effectif ?

Il sera difficile à la CPI de convaincre. Elle devrait s’occuper de son sort plutôt que de demeurer « instrument de répression » dans les mains de l’Occident. Elle ne remplace pas les tribunaux et notre système judiciaire. Qui plus est, le Burundi n’a pas sollicité d’appui quelconque à cette Cour pénale internationale, instrumentalisée et tout sauf indépendante.

Dans son rapport de ce 14 novembre, la procureure précise que la CPI a toujours la possibilité d’ouvrir une enquête sur le Burundi pendant cette période d’une année. Ne craignez-vous pas de vous retrouver devant la justice internationale dans ce cas ?

Il n’y a aucune crainte. Nous restons sereins et confiants quant à l’avenir du Burundi. Nous avons lutté pour mettre un terme à plusieurs décennies de conflits cycliques et fratricides et avons réussi. Nous avons mené un combat contre l’extrémisme de tout bord et pour la cohésion sociale et les résultats sont là. L’échec de l’insurrection de 2015, celui de la tentative de coup d’État et des différentes attaques armées sont certes le fruit d’une maturité politique du peuple burundais mais surtout de la cohésion et des liens qui unissent désormais le peuple burundais toutes ethnies confondues.

Par Armel Gilbert Bukeyeneza – à Bujumbura
Jeune Afrique, 21 novembre 2016