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Source:ARIB.INFO

BUSOKOZA : chronique d’une mort politique annoncée

Par Anaclet Muhakwanke

Quand on analyse la forme de la lettre que l’ex-Vice Président de la République a signée pour annuler la décision du ministre de l’Intérieur, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger.

Pourquoi BUSOKOZA a-t-il signé une lettre portant l’entête de son Bureau du protocole et non du Chef de cabinet ? Pourquoi ce désordre dans la justification du texte ? Pourquoi cette référence écrite à la main ? Pourquoi cet oubli quant à la nature du texte : Arrêté ou simple Communication ?

Des indiscrétions au sein de l’UPRONA, il ressort que BUSOKOZA ne faisait pas confiance à son équipe sauf au chef du protocole qu’il avait nommé. Le reste de l’équipe datait du temps de SINUNGURUZA. Il aurait d’ailleurs tenté de s’en débarrasser mais se serait heurté à l’opposition du camp de réhabilitation. Celui-ci décourageait toute initiative pouvant créer des mécontents alors qu’il fallait viser un vaste rassemblement. C’était un stratagème.

Il faut dire que BUSOKOZA a été pris à son piège des ambitions démesurées. Il vous souviendra que l’ancien colonel des forces armées burundaises a tenté un coup d’Etat contre le président BUYOYA en 1993. En effet, après la proclamation des résultats donnant NDADAYE vainqueur, BUSOKOZA a considéré BUYOYA comme un traître. Bien avant la prestation de serment de NDADAYE, il a tenté de renverser BUYOYA pour mettre un frein au processus de démocratisation. Il a été arrêté et incarcéré à Mpimba. Cet affront envers BUYOYA n’a jamais été pardonné par l’homme de Rutovu et ses inconditionnels.

Après le coup d’Etat du 21 octobre 1993, BUSOKOZA a pu fuir le pays. Il redoutait les représailles des amis de BUYOYA. Quand il rentre au Burundi, il fait profil bas voire même amende honorable. Il est vrai qu’entre loups, on ne se mange pas ! Il pourra alors couler des jours heureux et accumuler une fortune très confortable. Il quitte l’armée et devient un homme d’affaires prospère. La société des télécommunications AFRICELL TEMPO lui appartient.

C’est fort de cette fortune qu’il négocie une place comme député de l’UPRONA. Il aurait corrompu et le camp du CNDD-FDD et les ténors alors de l’UPRONA. Elu député, il se voit candidat au poste de Vice-Président de la République. Encore une fois, son argent va lui faciliter la tâche.

La disgrâce de Térénce SINUNGURUZA devient une aubaine inespérée. Alors que BUSOKOZA n’a jamais fait partie du comité central de l’UPRONA et qu’il ne participait guère aux réunions importantes de ce parti, tous les grands militants dudit parti sont surpris d’apprendre qu’il fait partie des candidats présentés au Président de la République pour remplacer SINUNGURUZA ! Victoire NDIKUMANA et Jean Claude NDIHOKUBWAYO perdent de justesse. C’est l’indignation polie et on lui réserve un passage éclair aux affaires.

Il faut dire que BUSOKOZA qui n’avais jamais été au gouvernement, qui n’a jamais participé à des réunions de stratégies politiques, qui est toujours rejeté par les inconditionnels de BUYOYA faisait littéralement cavalier seul. Pire encore, il n’a ni conseillers ni amis dans son entourage à la première vice-présidence de la République. Il est très vulnérable.

Le camp de la réunification de l’UPRONA et Charles NDITIJE vont alors transformer BUSOKOZA en pion plutôt utile. Il lui déconseille fermement d’agir comme ses prédécesseurs mais de respecter scrupuleusement les consignes du parti. Autrement dit, BUSOKOZA doit se montrer en dur-à-cuire, intransigeant et radical envers le système CNDD-FDD. Il doit résister aux cadeaux du Président de la République. En homme d’affaires, il encaisse pourtant les provisions quand il est envoyé en mission aux Etats Unis d’Amérique et au Tchad. Il est alors heureux et reconnaissant envers le système CNDD-FDD. Pourtant, il reste un obligé du tandem NDITIJE-NGAYIMPENDA. Ce dernier n’ignore rien de l’effet des avantages d’un tel poste juteux et accélère le dossier de l’UPRONA en justice. Dans leur for intérieur, les faucons et parrains de l’UPRONA rêvent de voir BUSOKOZA chuter avec fracas et sans délais. Ils le gardent vers les sentiers de l’héroïsme grotesque.

Et on voit BUSOKOZA envoyer le projet de révision de la Constitution au Parlement et déclarer par après qu’il faut que le texte revienne au Gouvernement ! Il est contredit sèchement par ses services ! On voit BUSOKOZA dénoncer la Commission Terre et Autres Biens alors que le Président de la République la félicite pour un travail remarquable. On voit BUSOKOZA s’arroger les prérogatives du Chef du gouvernement et annuler la décision d’un ministre. Il se perd bêtement ? Oui, il a été détruit pas ses frères ennemis comme un naïf.

BUSOKOZA devenu Vice-président de la République aurait dû comprendre qu’il a accepté d’être le proche collaborateur du Président de la République. Il aurait dû comprendre qu’un parti politique qui entre au Gouvernement ne peut plus se réclamer de l’opposition. Il aurait dû comprendre que la solidarité gouvernementale n’est pas un vain mot. Il aurait dû rapidement s’entourer de conseillers fidèles et rompus aux rouages de la politique. Hélas, son manque d’expérience des affaires d’Etat l’a perdu à jamais.

La sortie de crise de l’UPRONA va naturellement le laisser sur le carreau. Honteux et grincheux, il devra se contenter de son unique et dernier mandat de député. Une fois que les divergences seront balisées entre le parti au pouvoir et les leaders de l’UPRONA, un nouveau vice-président va bientôt être présenté à la ville et au monde. Point n’est besoin de dire que les ministres qui démissionnent malgré eux, gardent l’espoir d’être récompensés dans l’avenir.

Dans deux ou trois semaines très probablement, le comité central de l’UPRONA et NIYOYANKANA vont trouver un compromis. Et il ne serait pas surprenant de voir cet organe majoritaire de l’UPRONA, avec l’autorisation du ministre de l’intérieur, organiser un congrès et placer d’autres leaders à la tête du parti orphelin de Rwagasore. Six mois plus tard, NIYOYANKANA pourra réintégrer le parti de son cœur. C’est aussi ça l’UPRONA : une hydre qui dévore sans état âme les naïfs et les moins malins ! Les choses peuvent par ailleurs se compliquer si NIYOYANKANA, fort de la légalité retrouvée, présente ses candidats à la première vice-présidence et dans les ministères. L’UPRONA mettrait alors longtemps à se défaire du Phoenix ou Sphinx de Ryansoro. 2015 trouverait ce parti comme toute l’opposition d’ailleurs en train de patauger dans des équations à multiples inconnues.

En attendant, le gouvernement vaque apparemment à ses occupations. Mais dans les missions diplomatiques, dans les services publics et dans les ménages, la sérénité fait défaut. On court derrière les rumeurs et les trouvailles des journalistes ou de la radio trottoir. Il faut dire que les Burundais ne sont pas des Belges pour supporter une crise plus ou moins longue. Les leaders politiques burundais gagneraient à liquider rapidement cette crise au sein de l’UPRONA.