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Longtemps productrice des manuels et livres scolaires utilisés dans les établissements primaires et secondaires, la Régie des Productions Pédagogiques (RPP) connaît des difficultés liées à son nouveau statut. Et les écoles en font les frais.
Créée en juillet 1983, la RPP était connue comme une référence pour trouver des livres et autres manuels des élèves et des enseignants. Mais, cette institution pédagogique ne travaille plus à la satisfaction de ses bénéficiaires.
Selon M. Gezgez Kasesa, directeur commercial, administratif et financier, les missions assignées à la RPP sont multiples. Entre autres la production, la distribution et la commercialisation des manuels scolaires. Mais aussi l’édition et la reproduction par des procédés appropriés de tous imprimés (affichages, revus, journaux, cartes ou livres) à la demande des différents services publics ou privés moyennant rémunération.
Cependant constate M. Kasesa, avec le changement de statut de la RPP en 2008, les distributions au niveau des écoles ont été arrêtées. Pour faire la distribution dans des écoles, elles doivent passer leur commande à la RPP. Selon lui, cette institution évolue dans un domaine d’imprimerie. Et actuellement, ce domaine est très concurrentiel.

Contrainte d’opérer dans un environnement concurrentiel

Toutefois, M. Kasesa affirme que cette institution effectue encore des travaux sous le compte de l’Etat. Il cite notamment la confection des livres pour l’école fondamentale au niveau de la 7ème année.
Pour lui, la force de la RPP est la disponibilité de l’outil de production qui est très performant: « Nous avons de grosses machines qui peuvent terminer plus de dix mille livres agrafés dans une heure. Pour les livres encollés, c’est autour de 8 mille dans 1 heure. »

Mais, regrette-t-il, le statut juridique est l’une des faiblesses que connaît la RPP. Puisque, selon lui, elle est à la fois une entreprise publique et de production : « Une entreprise publique doit se conformer au code et aux exigences du marché public. »
M. Kasesa indique qu’ils ont soumis la question au niveau des autorités de tutelle. Et l’Etat a décidé d’ouvrir l’actionnariat au capital privé : « L’entreprise a été mise sur la liste de celles qui sont à privatiser. Cela pourrait donner un ouf de soulagement à l’entreprise et au personnel.»

Un constat amer est que les écoles ne cessent de souffrir du manque criant de manuels et autres outils pédagogiques. Certains directeurs disent qu’ils ont choisi des solutions provisoires en faisant recours aux photocopies des quelques manuels qui leur restent. Dans les écoles privées, les responsables doivent acheter ces manuels chez RPP. Cependant, il n’est pas toujours aisé de les trouver.
Masta Shabani, représentant légal de l’Ecole les Dindons, estime que le gouvernement devrait aider dans ce secteur. En effet, dit-il, « les prix des livres ne sont pas abordables. Ainsi, comme la RPP est une entreprise publique, l’Etat devrait lui octroyer des subsides pour que à son tour elle baisse les prix et le ravitaillement devient facile ». Il regrette que même quand ils vont chercher ces manuels, ils ne trouvent pas tous ceux qu’ils veulent. Ils doivent attendre ou sont envoyés à l’imprimerie privée où les prix sont plus élevés. Parfois, ils sont obligés de chercher chez les vendeurs de livres dans les marchés ou kiosques, souvent en vain.
Masta Shabani souhaite que la RPP produise tous les supports dont les écoles ont besoin pour éviter la spéculation des imprimeries privées et les marchands privés. Et de conclure : « Les supports pédagogiques devraient aussi être une affaire de l’Etat d’autant plus que les écoles tant publiques que privées concourent à la formation des enfants du pays. »
Un partenaire important, mais qui n’en est plus un …

Selon Tharcisse Habonimana, directeur du Bureau d’études des programmes de l’enseignement de base – le BEPEB, l’organisation s’occupe de la conception et de l’élaboration des manuels scolaires de l’enseignement de base et fondamentale. « Pour l’impression, c’est la cellule des marchés publics du ministère de l’Enseignement de base et secondaire qui s’en occupe », précise-t-il. Cette cellule, poursuit M. Habonimana, confectionne les dossiers d’appel d’offre qui sont transmis à la direction nationale de contrôle des marchés publics. « La RPP se présente parmi les soumissionnaires des offres pour produire les livres. Et c’est la direction des approvisionnements scolaires qui se charge ensuite de distribuer les livres ainsi produits. »

Pour le directeur du BEPES, le Bureau d’Etudes et de programmation de l’enseignement secondaire, la RPP n’est plus un partenaire proche comme avant, depuis qu’elle est devenue une entreprise paraétatique à gestion autonome.
Car, explique Joël Gashaka, elle produisait directement les livres et manuels saisis et conçus par le BEPES. Les frais de fonctionnement de la régie étaient perçus sur les frais scolaires. Même après la suppression de ces frais scolaires, se souvient M. Gashaka, l’Etat a continué à payer la RPP. « Mais depuis qu’elle est devenue une entreprise paraétatique, la RPP est devenue compétitive et ne produit les manuels que si elle est payée », remarque M. Gashaka.

Un nouveau statut qui n’arrange pas les écoles, loin de là …

Malheureusement, le constat est que la régie ne fait pas le poids face à ses concurrents. C’est pourquoi, ajoute le directeur du BEPES, beaucoup d’erreurs se retrouvent dans les manuels et les livres, qui sont imprimés à l’étranger. « La correction est difficile et tardive, alors qu’à la RPP, elle était rapide et les erreurs moindres, les producteurs étant Burundais », remarque Joël Gashaka.
Aujourd’hui, regrette-t-il, le BEPES ne peut plus imprimer localement et rapidement les livres d’exercice, « et il est très difficile de trouver un bailleur qui financerait un bureau d’études sans imprimerie. » Pour lui, la RPP n’est plus une régie de production pédagogique.