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Depuis plus de vingt ans, tout le monde parle du « génocide tutsi » mais personne ne veut parler de l’attentat qui reste, d’après les Nations Unies, l’événement déclencheur de la tragédie du Rwanda. Il faut rappeler que dans cet attentat, survenu le 6 avril 1994, deux chefs d’État africains ont été tués, avec leurs collaborateurs et l’ensemble de l’équipage français. Durant vingt ans, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a refusé d’enquêter sur cet acte terroriste. Le premier procureur de ce tribunal, la Canadienne Louise Arbour, a étouffé ce dossier. Tous les avocats du TPIR qui ont voulu que la justice internationale fasse la lumière sur cet attentat se sont heurtés à une fin de non recevoir. En revanche, tout ce qui semblait aller dans le sens d’une criminalisation massive des Hutus, justifiée ou non, provoquait l’enthousiasme et le zèle du TPIR.

La communauté internationale soutenait dès 1994, c’est-à-dire avant toute enquête sur les événements du Rwanda, qu’il y avait eu un « génocide contre les Tutsi » et que le TPIR devait arrêter tous ceux que l’on pouvait soupçonner, imaginer ou supposer qu’ils avaient peut-être eu, un jour, une vague pensée contre les rebelles tutsi de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) ou leur action. A partir du moment où ils étaient Hutus, ils devaient être poursuivis car ils étaient nécessairement ou potentiellement suspects. Tous les Hutus, sauf bien entendu ceux qui sont dits « modérés », sont, aux yeux des rebelles de l’APR et de leur chef, de potentiels « génocidaires ». Voilà l’idéologie que la rébellion de l’APR (majoritairement constituée de Tutsis exilés d’Ouganda) et soutenue par les États-Unis et la Grande-Bretagne ou plus vaguement par la Communauté internationale, a imposé aux médias depuis 1994.

Il n’a plus été possible, depuis cette date, de questionner l’attentat qui a tout déclenché ni la guerre qui a plongé le Rwanda dans l’abîme. L’histoire officielle avait classé les Rwandais en deux camps : les bons (Tutsis- rebelles et non rebelles) d’un côté et les méchants (Hutus responsables politiques ou militaires et miliciens) de l’autre. Pour être audible ou crédible, il faut uniquement parler des Tutsi, de la souffrance des Tutsis, peu importe qu’il y ait parmi eux (les rebelles de l’APR) des responsables de millions de morts au Rwanda et en République Démocratique du Congo.

Il n’y a pas de place pour examiner, analyser et observer la complexité de ce qui s’est passé au Rwanda puis au Congo. De toutes les façons, les histoires d’Afrique sont bizarres et trop compliquées. Ne fatiguons pas les lecteurs ou les téléspectateurs à expliquer l’histoire ou la sociologie du Rwanda. Ne cherchons pas à les éclairer sur la guerre et sur les soutiens du gouvernement rwandais et sur celui des rebelles tutsis de l’APR. Ce n’est pas nécessaire de souligner qu’il y a des victimes chez Hutus comme chez les Tutsi et qu’il y a aussi des auteurs de crimes contre l’Humanité chez les uns et les autres.

En effet, il y a eu une guerre entre les troupes gouvernementales hutues et la rébellion tutsie. Si les troupes gouvernementales ont tué des Rwandais, les rebelles ont marché sur un tapis de cadavres et exécuté de nombreux témoins canadiens et espagnols avant de prendre Kigali. Qu’un seul groupe soit jugé, malgré les documents de l’ONU et les rapports d’experts ou ceux des organisations des droits humains, cela disqualifie la justice internationale et les journalistes accrochés à la version officielle. Cet aveuglement et ce parti pris compromet toute possibilité de réconciliation entre Rwandais. C’était pourtant la mission assignée par le Conseil de sécurité de l’ONU au TPIR. Il a lamentablement échoué.

Le problème dans cette histoire, c’est que le TPIR a voulu absolument valider l’existence d’un « génocide tutsi» sans enquêter, sans chercher à connaître avec précision sa réalité ni son effectivité. Le TPIR est parti du postulat que la Communauté internationale avait déjà validé, un peu à la hâte, le « génocide tutsi » ou qu’il était de notoriété publique et donc qu’il n’était plus besoin de le prouver. Résultat, le TPIR a été incapable de dire avec précision, en plus de seize années de procédures, qui avait planifié ce fameux génocide », quand et comment ? Pis, plusieurs personnes, évidemment Hutus, ont passé dix, treize, quatorze ou quinze ans de détention à la prison du TPIR à Arusha avant d’être acquittées, de tous les chefs d’accusation. Des ministres ou des officiers, qui avaient été présentés comme étant des « génocidaires », ont ainsi été reconnus, après plus d’une décennie de détention, comme innocents. Évidemment, les médias ont du mal à parler de ces acquittés que tous considéraient comme de présumés coupables. Qui va réparer le mal fait à tous ces gens et à leur famille ?

Aujourd’hui, le vrai problème reste celui de l’attentat terroriste du 6 avril 1994. Comment expliquer que la lumière ne soit toujours pas faite sur « l’événement déclencheur ». Porté devant les tribunaux français en 1997 par les veuves de l’équipage français, les familles des victimes de l’attentat sont épuisées d’attendre les résultats d’une instruction qui n’en finie pas. Plus de vingt ans après, ce dossier est soumis à de vaines polémiques et à des conjectures délirantes pour ne pas désigner juridiquement les vrais coupables. Ceux qui ont prétendu que ce sont les Hutus, toujours les mêmes, les méchants, qui ont non seulement massacré, « génocidé » mais également commis l’attentat avec l’aide des français n’expliquent pas pourquoi la justice française, qui n’hésite pas à poursuivre les hutus et même les militaires français ou tous ceux qui sont en désaccord profond avec la version politiquement correcte de la tragédie rwandaise, peine à conclure sur les auteurs de l’attentat du 6 avril.

Tous les éléments sont pourtant disponibles et les juges ont tous les moyens pour se faire une idée très précise de ce qui s’est réellement passé dans cette affaire. Nous sommes quelques-uns à avoir accumulé de nombreux éléments sur ce dossier et n’avons plus le moindre doute sur les véritables auteurs et commanditaires de l’attentat. Nous avons publié le premier livre sur cet attentat en 2002 et celui que nous avons identifié comme le responsable numéro un ou le principal suspect et qui a été le bénéficiaire direct de cet attentat est l’actuel chef de l’État rwandais, Paul Kagame. Après avoir déposé deux plaintes contre l’auteur de cet ouvrage et contre l’éditeur, il a choisi de battre en retraite face aux offres de preuves et aux témoins que nous avons produits et qui risquaient de le confondre devant la justice. Désormais, ce sont ses propres collaborateurs qui s’épanchent sur son rôle et sa responsabilité dans cet attentat. Certains sont assassinés, d’autres sont enlevés et disparaissent. Tout ceci paraît étrange pour un acte terroriste qui aurait été commis, selon l’actuel régime rwandais, par des Hutus soutenus par François Mitterrand.

Charles ONANA