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A voir les récentes images horribles prétendument tournées au Burundi. Peut on se fier aux journalistes français quand ils racontent des histoires se passant sur le continent noir. A voir ce qui suit dans ce reportage, l’on peut se poser la question de la culture générale de ces soi disant spécialistes.


Trois erreurs en une minute chrono. Le 20h de France 2 s’arrêtait hier, à l’occasion des élections en Centrafrique, sur l’état de la démocratie sur le continent africain. En une minute, cartes à l’appui, le chef du service politique étrangère de la chaîne a pris le Ghana pour le Bénin (et inversement), a confondu la République démocratique du Congo (RDC) et le Congo-Brazzaville, et a pris le Gabon pour la Guinée équatoriale.

Cela partait pourtant d’une bonne idée. Après un sujet consacré aux élections en République centrafricaine, France 2 a choisi d’élargir la focale, pour se questionner sur “l’avenir du continent”. “La démocratie est-elle en train de gagner du terrain ?”, questionne David Pujadas. Le journaliste chargé de répondre à cette vaste question n’est pas un novice : il s’agit d’Etienne Leenhardt, le rédacteur en chef du service politique étrangère de France 2 himself. Durant une minute, il fait le point sur les élections passées et à venir, carte à l’appui. À l’entendre, il y a des raisons d’espérer :

Le journaliste commence par évoquer les pays qui ont connu des élections en 2015. Hormis le fait qu’il n’aurait pas été impoli de donner le nom du président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré (simplement appelé “le nouveau président” et “il”), tout va bien. C’est ensuite, lorsque que Leenhardt détaille les élections à venir en 2016, que cela se complique.

Le journaliste nous explique qu'”au Bénin, au Niger, au Ghana”, les élections “devraient se dérouler dans de bonnes conditions”. Sur la carte, les pays s’affichent en vert (symbole du bon déroulement, rien n’est laissé au hasard). Le Bénin paraît bien à l’ouest soudain. Et pour cause : la carte de France 2 a interverti Benin et Ghana.

Le chef du service politique étrangère passe ensuite aux pays où les élections risquent de poser problème : “Au Congo, le président Denis Sassou Nguesso a fait modifier la Constitution pour se présenter une troisième fois”. Le visage de Sassou Nguesso apparaît, à côté de la République démocratique du Congo, surlignée de rouge… dont il n’est pas du tout président. Le président de RDC (capitale : Kinshasa) est, depuis 2001, Joseph Kabila. Sassou Nguesso, lui, est président du Congo-Brazzaville (capitale : Brazzaville) depuis 1997. L’erreur est notamment repérée sur Twitter par Solo Niaré.

France 2 tente une dernière carte : “En Guinée équatoriale, cet homme, qui est au pouvoir depuis 36 ans, sera probablement réélu dans un fauteuil”. Cet homme a un nom : Teodoro Obiang Nguema. Et l’État qu’il préside n’est pas du tout celui que France 2 a surligné de rouge. Cette fois, la chaîne a pris la Guinée équatoriale pour… le Gabon, un pays voisin, qui fait dix fois la superficie de celui présidé par Obiang Nguema.

t sur le fond ? L’inventaire des “dictatures, démocraties et démocratures” a le mérite d’être clair. Le journaliste de France 2 semble tenir ce classement de François Soudan, éditorialiste chez Jeune Afrique cité dans cet article. Jeune Afrique, publication à qui l’on ne peut pas reprocher de ne pas savoir placer les pays du continent sur une carte. Reste que son éditorialiste, François Soudan, très proche de nombreux chefs d’États africains, n’est pas forcément le plus objectif pour juger du degré de démocratie de leurs régimes. Un portrait très complet publié dans Le Monde le qualifiait de “Bel-Ami des présidents africains”. Trop proche (façon François Soudan) ou manifestement très éloigné (façon France 2), pas facile, pour les journalistes français, de trouver la bonne distance au continent africain.