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Dans la réalité, la séance qui s’est tenue à Entebbe ne marque en aucun cas le début des pourparlers de paix inter-burundais. Elle constitue un acte de respect et de reconnaissance de l’importance du dialogue et du médiateur par les burundais de divers horizons. Ils ont été invités et ils ont répondu comme le veut la tradition burundaise. Mais ont-ils apprécié le cadre (barashimye icicaro?) ? Ont-ils apprécié la parole (barashimye ijambo?) ? Se sont-ils convenus sur quoi que ce soit (Hari ico bapfunditse ?). Telles sont les questions que l’on pourrait se poser aujourd’hui pour comprendre les diverses attitudes.

Du cadre

Visiblement le cadre n’a pas du tout été apprécié. Il est clair que la médiation a aujourd’hui le devoir de mener des consultations sérieuses pour améliorer le cadre des pourparlers. Nous savons qu’elle subit des pressions énormes de diverses provenances mais son courage déterminera son efficacité et la réussite de ces pourparlers. Elle est obligée de reconnaître que le Burundi est un Etat souverain qui est gouverné par des institutions démocratiques légitimes qui sont comptables devant le peuple qui les a élues. Sans le respect de ces institutions l’exercice ne marchera pas.

Il est pourtant facile de bien connaître les vrais acteurs politiques du Burundi et leur poids en se basant sur les résultats des dernières consultations populaires que personne ne conteste sauf ceux qui s’opposent aux principes démocratiques universels simplement pour s’y opposer ou parce qu’ils ne satisfont pas automatiquement leurs ambitions personnelles.

Les dernières consultations populaires montrent très clairement que la population burundaise ne soutient pas les leaders qui veulent prendre en otage leurs partis ou leurs idées. En allant aux urnes selon le calendrier prévu par la CENI alors que certains leaders les en avaient empêché et en votant selon leur propre conscience pour les partis dans lesquels ils se retrouvent, prouve à suffisance que la maturité politique des burundais dépasse de loin les appétits ridicules de certains leaders qu’ils ont de ce fait même sanctionné et refusé. Ces leaders ne représentent donc plus qu’eux-mêmes. Tel est bien le cas des initiateurs du CNARED qui ne représentent qu’eux-mêmes. Quel est le seul parti politique du Burundi qui jusqu’à cette date a exprimé son soutien ou son adhésion au CNARED ? Aucun. Quelle organisation de la société civile l’a fait ? Aucune. Ici je peux défier quiconque le veut de me produire les preuves émanant des directions respectives de ces organisations.
N’est-ce pas le même scénario que celui de l’ADC-Ikibiri qui combinait des formations politiques hypothétiques dont certaines n’y ont jamais adhéré légalement, comme le CNDD qui ne l’a fait que lors de la réunion de son comité directeur du 31 janvier 2015 alors que Nyangoma en avait été tantôt porte-parole, tantôt président ou tantôt tout à la fois en 2010 naviguant à vue comme le fameux Pancrace Cimpaye qui y passait tantôt pour coordinateur, tantôt pour une « taupe dans le jardin » comme le disaient ses amis de Bujumbura news dans leur dossier du 17 avril 2014 ?

« Disparu dans les méandres souterrains, l’international pseudo indigné Pancras Cimpaye refait surface dans le jardin de l’ADC-IKIBIRI mais cette fois-ci sous le costume d’une taupe. Qui de la diaspora burundaise en Belgique membre de l’ADC-IKIBIRI peut-il oser avoir confiance en cet homme ? L’ex indigné Pancras Cimpaye a pendant longtemps manipulé l’opinion qu’il est membre incontestable de l’opposition ADC-IKIBIRI. »
Cette résurgence de mauvais perdants des élections qui veulent peser dans les pourparlers d’Arusha après avoir soutenu publiquement le putsch du 13 mai 2015 ( ici on peut lire notamment la déclaration faite au nom du CNDD par Nyangoma le 13 mai pour féliciter et soutenir les putschistes), n’est-ce pas ce que Ciramunda appellerait des « taupes dans le jardin » du Burundi qui empoisonnent le cadre des pourparlers ? Comment donc les artisans de ce putsch condamné par le monde entier ne pourraient-ils pas polluer l’atmosphère des pourparlers inter-burundais ?

De la parole.

Même si la parole n’a pas été dite, celle qui a été annoncée aura peut-être été appréciée. Mais il faudra qu’elle soit dite. Ce n’est même pas qu’elle sera dite, elle sera répétée. Parce qu’elle sera dite par les burundais eux-mêmes comme ils l’ont déjà exprimée au Burundi par la voie des urnes.

C’est pour cela qu’il est important que la médiation sache travailler avec la Commission Nationale chargée du Dialogue Inter-burundais. A notre connaissance, aucun parti politique burundais ne se trouve en exil, tout comme aucune organisation de la société civile ne se trouve en exil. Si toutes ces composantes de la population décident de s’asseoir ensemble pour parler de l’avenir de leur pays, dans le respect des lois en vigueur au Burundi, ni aucune puissance si riche soit-elle, ni aucune organisation si influente soit-elle, ni aucun politicien si véreux soit-il, ne pourra les empêcher d’arriver à des solutions durables.

Par contre que des discours en beau français soient prononcés à Arusha, à Entebbe ou à Johannesbourg, ils reviendront à la case de départ devant le peuple burundais seul détenteur de la souveraineté qui aura l’habileté de les rejeter ou de les accepter. On devrait se rappeler vite qu’il a fallu un référendum populaire en février 2005 pour que le résultat d’Arusha soit validé. Mais là il y avait de bonnes raisons d’aller à Arusha.
Aujourd’hui, rien ne les justifie tellement.

De la conclusion d’Entebbe

En réalité, la seule chose sur laquelle les participants s’accordent, c’est qu’ils ont été là. Mais, ni sur le procès verbal de la session, ni sur son contenu, ils ne sont d’accord.
Cela est un signe fort à la médiation. Il faut des consultations préalables.
Il est parfois important de maîtriser la culture d’un peuple pour pouvoir dialoguer efficacement avec lui. Comment peut-on espérer par exemple qu’un burundais digne de son nom puisse s’exprimer dans un cadre qui ne lui plaît pas ? Ou encore comment espérer lui faire avaler une parole qu’il n’a pas sortie ou lui coller un engagement qu’il n’a pas conclu ?
Ce genre de mépris peut être réservé au CNARED que tout le monde peut instrumentaliser à volonté, y compris le Rwanda, car ils ont perdu le sens de la dignité, de l’intégrité, mais surtout parce qu’ils n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes.

Minani Claver