La politique belge coincée : le possible gouvernement violet-jaune pressé à mort, violet-vert mort-né
Partage

La formation semble avoir atteint un point bas. Le roi gagne du temps.

Qu’est-ce qui se passe exactement?  Le roi Philippe et son chef de cabinet, Vincent Houssiau, ont « pris en considération » la démission des préformateurs Geert Bourgeois (N-VA) et Rudy Demotte (PS). Le palais procède actuellement à une série de consultations avec les présidents des partis. Aujourd’hui, c’est Sophie Wilmès (MR), Premier ministre, qui sera reçue, mais aussi les présidents du MR, du sp.a, d’Open Vld et du CD & V. Pour les démocrates-chrétiens, ce n’est pas le duo intérimaire Griet Smaers et Cindy Franssen, mais le vice-Premier ministre Koen Geens qui est autorisé à s’y rendre : il est le négociateur fédéral. On ne sait pas encore si les présidents verts seront également invités plus tard.

La mort de la coalition violette-jaune : La question est de savoir si les présidents des partis pourront en dire long sur le fait que le roi et son chef de cabinet eux-mêmes ne le savent pas depuis longtemps. La situation semble très sombre. Le violet-jaune semble avoir été complètement écrasé, à la suite des déclarations d’hier. Le film du jour :

  • La N-VA a envoyé son leader Ben Weyts dans la matinée aux studios de radio pour répéter les arguments de départ des nationalistes flamands: un gouvernement de centre-droite ou un gouvernement de gauche, mais avec une réforme communautaire vers le confédéralisme. Donc, l’un ou l’autre : un présage révélateur de ce que l’on avait vu venir, une réaction du PS.
  • Le roi a fait preuve de prudence, « prenant en considération » la démission du PS et de la N-VA.
  • Le PS a applaudi via le président Paul Magnette, puis a lui-même claqué la porte de la N-VA le soir, sur presque toutes les chaînes francophones et néerlandophones: « Il y a d’autres formules possibles, la N-VA n’est pas incontournable. » Magnette a ensuite brûlé un possible gouvernement violet-jaune.
  • De cette façon, Magnette a nié qu’il pourrait être question d’une réforme de l’État. C’est pourtant exactement ce que le PS a fait avec la N-VA ces dernières semaines: « On a constaté que la N-VA ne veut pas parler de social et revient avec l’institutionnel, ils veulent scinder toutes les fonctions fédérales. Nous n’allons pas discuter avec la N-VA sur ces sujets. » Et encore: « Si la N-VA pense que l’institutionnel est la priorité, qu’ils essayent de former une majorité ».

La grande question?  Le violet-jaune est-il maintenant « éliminé correctement » ? Cette question est cruciale pour passer à l’étape suivante : un scénario de gouvernement violet-vert. La réponse :

  • Open Vld et CD & V, qui sont nécessaires pour former un gouvernement sans la N-VA mais avec le PS, ne peuvent le faire que si la N-VA a eu de très nombreuses possibilités de participation au niveau fédéral. Les deux plus petits partis flamands, qui sont également partenaires de la coalition de la N-VA au sein du gouvernement flamand, ne peuvent se permettre de laisser tomber leur grand partenaire, à moins que cet « adieu » à la N-VA obéisse à une chorégraphie parfaite.
  • Il n’en est rien aujourd’hui : le PS a été attaqué sur le flanc communautaire par le MR, qui renonce à toute forme de réforme de l’État. Les libéraux francophones ont été avertis que la N-VA et le PS travaillaient sur une réforme de l’Etat : exactement ce que le Premier ministre Charles Michel (MR) avait « arrêté » avec la coalition suédoise.
  • La chorégraphie que Paul Magnette a faite au cours des dernières 24 heures est une réponse à la N-VA, mais elle était également censée bloquer le MR en Belgique francophone. Ce n’est pas la première fois que le PS communique principalement  avec la Belgique francophone et ne prête pas beaucoup d’attention à la Flandre.
  • Le résultat est qu’aucune condition cruciale pour que le CD & V et Open Vld puissent dialoguer avec le PS n’est remplie : le PS a mis la N-VA à la porte, de sorte que Bart De Wever et ses collègues disposent désormais d’un boulevard communicatif pour exprimer leur indignation.
  • Dans De Ochtend, le vice-président de la N-VA, Lorin Parys, en a déjà donné un avant– goût : « Alors que De Wever était encore assis avec le roi, Magnette faisait déjà de grandes déclarations dans les studios de télévision. » Et aussi : « Selon ses explications, nous avons soudainement été exclus avec le communautaire. Le communautaire a toujours été sur la table : c’est un peu comme blâmer le pape d’être catholique. »

Pression sur le CD & V et sur Open Vld : Open Vld et CD & V voient bien ce que l’avenir leur réserve : il y aura une pression pour aller dans le sens du violet-vert. Mais le contexte n’est pas là. Dans De Ochtend, l’homme fort Hilde Crevits (CD & V) a immédiatement réfuté cette possibilité : « Il est logique que les deux grands groupes se regardent dans les yeux et prennent la responsabilité de diriger le pays ensemble. De préférence avec une majorité des deux côtés ». Les chances que l’un des deux petits partis flamands morde à l’appât après les déclarations de guerre de Magnette sont très faibles.

Le rôle crucial du roi :  le palais peut jouer un rôle intéressant ici. Le roi et son chef de cabinet ont ces options:

  • vont-ils continuer à faire pression sur le PS et la N-VA en les sollicitant presque en permanence ? Cela signifie en réalité « plus de la même chose », avec des semaines d’embrouilles, car il n’y aura pas d’accord entre les deux. Les chances sont grandes, car il n’y a pas de véritable autre option. « Tout d’abord, il faut que la situation pourrisse un peu plus avant de pouvoir avancer », telle est la conclusion des initiés depuis des mois.
  • Ou le palais donne-t-il l’initiative au MR ? Sous l’ancien Premier ministre Charles Michel, on se dirigeait depuis des semaines vers un scénario avec un gouvernement d’urgence, il serait étrange que l’actuelle Première ministre Sophie Wilmès ait autre chose en tête. De plus, le MR a très fortement fermé la porte du communautaire : ils peuvent maintenant essayer de tout faire coller. Et un tel gouvernement d’urgence peut mener à un gouvernement violet-vert, exactement comme le souhaite le PS.
  • Ou bien le palais ira-t-il encore plus loin : permettront-ils à l’Open Vld et/ou au CD & V d’entrer en scène ? Ils ont déjà mis beaucoup de pression pour créer une coalition violet-vert. Des noms comme Patrick Dewael (Open Vld), ou, plus extrême encore, Guy Verhofstadt (Open Vld) ne seraient pas illogiques si un  gouvernement violet-vert devait être formé, mais le palais irait loin dans la logique de Magnette. Cela semble illogique pour le moment, étant donné tout ce qui précède : la chorégraphie n’est pas bonne pour l’Open Vld et/ou le CD & V.

Le principal : le violet-jaune n’est plus possible car le PS y a complètement mis fin. Mais pour le violet-vert, il est trop tôt : poussez-le maintenant, et vous en ferez immédiatement un mort-né.

En coulisses : le scénario d’élections anticipées continue de circuler et sonne certainement de plus en plus fort en Belgique francophone. Le PS en fait une jaunisse, la presse prend le relais. Seulement, ce qui s’applique au communautaire s’applique également aux élections anticipées : le PS ne recherche alors qu’une majorité à la chambre. Des élections anticipées ne sont pas possibles sans l’approbation de plus de 75 des 150 députés. Et personne ne veut retourner aux urnes, à l’exception du Vlaams Belang.

Wouter Verschelden