C’est peu dire que la BCE nous a menés dans une impasse
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Source: lalibre.be

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Une opinion de Baudoin Dubuisson, économiste et administrateur de sociétés

À force de croire que la monnaie pouvait relancer l’économie à elle seule, la BCE a fini par confondre la fin et les moyens d’y parvenir. C’est peu dire que la BCE nous a menés dans une impasse : l’assouplissement quantitatif, une formule savante pour dire qu’on crée beaucoup de monnaie et les taux négatifs qui en ont résulté ont accru l’endettement et contribué à creuser les inégalités sans avoir le moindre impact sur la croissance. L’endettement mondial est passé de 190% du PIB en 2001 à 200% en 2008, et est aujourd’hui de 230% ! Augmenter les taux d’intérêt dans une économie réelle stagnante et surendettée serait risquer de faire basculer les pays fortement endettés et précariser plus encore la moitié de la population. L’Euro n’y résisterait peut-être pas.

L’économie est née de la physique et en a gardé de puissantes caractéristiques: comme pour le courant électrique, il faut un pôle positif et un pôle négatif pour qu’il y ait échanges. Lorsqu’un des pôles est à plat, le courant s’interrompt. Quand près de 50% de la population des pays européens vivent dans la pauvreté ou la précarité, la consommation plafonne faute de moyens. Longtemps mise en avant, la théorie du ruissellement a fait long feu : au cours des récentes années quelques 90% de la création monétaire sont restés dans les circuits financiers. L’argent qui aboutit dans le circuit financier y reste et finit par tourner sur lui-même en constituant des bulles ; encore heureux que celles-ci n’éclatent pas grâce au flux continu d’argent qui se poursuit. L’immobilier flambe, les bourses battent des records, les carnets d’épargne débordent, les achats de sociétés se font sur des bases de multiples de plus en plus élevés : les valorisations s’auto alimentent mais les effets seconds négatifs se multiplient :

  • plus l’immobilier monte plus les promoteurs construisent, mais les nouveaux logements sont de plus en plus souvent destinés à la location dans l’espoir de trouver des locataires. Les prix des petits appartements ont progressé de 4 à 5% en un an selon le baromètre Trevi alors que, si l’on en croit Sotheby’s Real Estate, le marché des biens de plus d’un million d’euros ne s’est jamais aussi bien porté.

  • les plus grandes sociétés sont les mieux placées pour tirer parti de la mondialisation en déplaçant leurs pions d’un pays à l’autre quand les PME restent attachées à leurs racines. Les 500 plus grandes entreprises représentent à elles seules 80% des échanges commerciaux mondiaux, échanges qui visent avant tout à optimiser les bénéfices en se jouant du coût salarial.

  • plus la bourse grimpe, plus l’argent y afflue, mais la bourse ne reflète pas l’économie. Il y a aujourd’hui deux fois moins de sociétés cotées qu’il y a 30 ans, ce qui n’a pas empêché la distribution de dividendes de battre ses records avec pas moins de 514 milliards de dollars distribués au cours du second semestre ! Faut-il s’étonner si la capitalisation mondiale des cents plus grandes est en dix ans passée de 17% à 26% de la capitalisation mondiale ? Les 800 plus grandes en sont à 60% tout en représentant quelques 11% du PIB mondial. Ce n’est jamais que le reflet d’une concentration grandissante et d’une richesse qui tourne en vase clos.

On se prépare toujours à affronter l’avenir en fonction du passé, mais la prochaine crise sera différente…Ce ne sera plus une crise bancaire ; les banques se sont, dans l’ensemble, renforcées même si certaines se sont trop engagées avec les pays surendettés. Dorénavant, même si les taux d’intérêt négatifs l’indisposent, les choix de peuvent plus être guidés par les exigences du système bancaire. Il est temps de miser l’économie réelle, sur les gens, sur ceux qui consomment. En l’occurrence la monnaie « hélicoptère » est probablement la solution la plus adéquate même si d’aucuns la considèrent comme pure folie. C’est quand même Milton Friedman qui, le premier, en a lancé l’idée, et d’autres comme Bern Benanke l’ont reprise. On pourrait la concevoir comme des chèques au porteur pour éviter les fuites vers l’e-commerce et favoriser l’activité locale. Et puis après tout, nous avons fait confiance aux sages et ils ont inventé les taux d’intérêt négatifs et le temps qui recule, pourquoi ne pourrait-on pas faire confiance aux fous ?